La donation-partage transgénérationnelle ou non, en application de l’article 1075-5 du Code civil, peut porter soitsur la totalité, soit sur une partie des biens détenus par le donateur au jour où la donation prend effet. L’éventuel solde de biens sera partagé conformément à la loi, si aucune autre disposition particulière n’a été envisagée.
Cette forme de libéralité-partage est définie par l’article 1078-4 du Code Civil. Il précise que lorsque un ascendant procède à une donation-partage, ses enfants peuvent accepter que toute ou partie des biens objets de la donation soit transmis à leurs propres enfants. Les intervenants à l’acte sont donc multiples et ont chacun un rôle très précis.
Les acteurs de la donation et leur rôle
La définition des droits des parties dans le partage
Spécificité de ce mode de donation, une grande liberté est réservée au donateur dans l’attribution des parts. Il peut ainsi librement répartir les biens donnés entre les différentes souches ou ne pas doter l’une d’entre-elles. Dans cette hypothèse, l’enfant du donateur dont le groupe familial n’est pas doté pourra exercer une action en réduction pour atteinte à la réserve. La donation faite aux autres souches est une donation en avancement de part.
Lors du règlement de la succession du donateur.
Sauf convention contraire, les biens seront évalués au jour de la donation-partage pour l’imputation et la détermination du montant de la réserve. L’évaluation est faite au jour de la donation-partage si tous les enfants ont donné leur consentement au partage, et si la donation n’est pas assortie d’une clause de réserve d’usufruit. Dans le cas contraire, on applique les dispositions générales relatives au droit des donations. Les biens sont dans ce cas évalués au jour du partage de la succession du donateur compte-tenu de leur état au jour de la donation.
Lors de la succession des enfants du donateur
Les biens reçus sont en principe ajoutés à l’actif successoral brut pour déterminer les droits de chaque petit enfant.
Un régime fiscal issu de la loi de finance rectificative pour 2006
Comme dans toute opération de transmission, il ne faut pas négliger les aspects fiscaux de la donation transgénérationnelle.
En pratique, les avantages de la transmission transgénérationnelle
M. et Mme X ont deux enfants : Nathalie et Laurence. Nathalie n’a pas d’enfant, Laurence a trois enfants (Valentin, Jacques et Jérôme).
A Nathalie: une maison en Andalousie estimée à 240.000
A Valentin : un appartement à Bruxelles estimé à 180.000
A Jérôme et Jacques: une somme d’argent de 30.000 chacun.
Sa maison d’habitation estimée à 150.000
Des liquidités pour un montant de 300.000.
De cet actif, il faut déduire les dettes :
Le passif est estimé à 60.000
Le défunt a de plus procédé à un legs universel à destination de l’Association Française de lutte contre les myopathies.
1 - Détermination du montant de la quotité disponible et de la réserve de chaque souche
Biens existants au jour du décès :
Maison d’habitation : 150.000
Liquidités : 300.000
Actif Brut : 450.000 / Passif : 60.0000
Actif net = Actif brut Passif= 390.000
Maison en Andalousie : 240.000
Souche Laurence: 180.000 + 2 x 30.000 : 240.0000
Actif net+ biens objets de la donation : 390.000 + 570.000= 870.000
Part de chaque souche familiale dans la succession:
En présence de deux enfants, la quotité disponible est du 1/3 soit 290.000
La réserve de la souche issue de Laurence est donc de 290.000
2- Attribution des réserves aux différentes souches
La seconde étape consiste à vérifier si chaque souche a bien reçue sa réserve : Nathalie a reçu une maison de 240.000 . Elle a encore droit à 50.000 pour bénéficier totalement de sa réserve qui ne peuvent être prélevés que sur les biens existants. En application de l’article 1077-1, le complément doit être d’abord prélevé sur les biens existant, au jour du décès. Le legs attribué à l’association va devoir être réduit pour permettre à Nathalie de se voir verser l’intégralité de sa réserve.
La souche familiale issue de Laurence s’est vue attribuer des lots d’une valeur totale de 240.000. Les petits enfants de M.X pourront, comme Nathalie, demander la réduction du legs accordé à l’association car la part de réserve qui leur a été attribuée n’est pas complète.
3-Calcul de la masse à partager
Biens existant au jour du décès : 450.000
La maison d’habitation estimée à 150.000
Les liquidités pour un montant de 300.000.
Montant à déduire :
Le passif : 60.000
Le montant du legs non réduit : 290.000
Le montant de la part de réserve complémentaire de Nathalie : 50.000
Le montant de la part de réserve complémentaire de Laurence : 50.000
Reste à partager : 0, conséquence du legs universel à l’association.
4- Détermination des droits de mutation dus par chaque héritier.
Abattement 2008 : 151.950 (montant forfaitaire prévu par la loi en 2008)
Abattement 2014 : 100.000 (montant forfaitaire prévu par la loi en 2014)
Droit à abattement 2014 : 0
Détermination de l’abattement de Laurence.
Lors de la donation de 2008, elle n’a bénéficié d’aucun lot à titre personnel. De ce fait, la règle du rappel fiscal utilisée pour Nathalie ne s’applique pas.
Détermination de l’assiette taxable.
Pour Nathalie : 50.000 - 0 = 50.000
Pour Laurence : 50.000 - 159.325 = néant
Évaluation des droits dus par Nathalie.
Compte tenu de la revalorisation des tranches du barème depuis la date de la donation-partage, elle peut encore profiter d’un solde sur toutes les tranches de taxation.
Droits au titre de la tranche de 5%= 18,65
Droits au titre de la tranche de 10%= 56,10
Droits au titre de la tranche de 15%=74,75
Droits au titre de la tranche de 20%=9.665,80
Montant total des droits dus 9.815,30
Évaluation des droits dus par Laurence: 0
Évaluation des droits dus par l’Association française contre les Myopathies.
Les conséquences du choix de l’enfant du donateur de renoncer à ses droits sur les biens donnés
On peut en pratique être confronté à deux situations différentes : tous les enfants de Laurence ont bénéficié de la donation-partage transgénérationelle.
décès. Sauf clause contraire dans l’acte de donation, les biens donnés sont retenus pour leur valeur au jour de la donation.
Au moins un enfant n’a pas bénéficié de la donation-partage transgénérationnelle.
Les biens reçus doivent être traités comme s’ils provenaient d’une donation en avance de parts successorales réalisées par Laurence. Ce principe résulte de l’article 1078-9, alinéa 2
Trois conséquences pratiques :
Les biens donnés vont être rapportables selon la valeur au jour du partage de la succession en fonction de leur état au jour de la donation,
Les sommes d’argent, non employées seront rapportables à leur valeur nominale.
Pour déterminer le montant de la réserve de chaque enfant, on tient compte de la valeur des biens donnés au jour du du décès de l’enfant qui s’est effacé.
En fait, toute la liquidation de la succession est réalisée selon les règles de droit commun pour permettre de garantir l'équilibre des droits de tous les descendants
Conclusion
- Avant toute chose, la donation-partage transgénérationnelle est un partage anticipé.
Elle est à ce titre tout d’abord un facteur d’apaisement familial. Très nombreux sont en effet, les conflits qui naissent au moment du règlement des successions.
Elle est aussi le moyen de transmission le plus adapté à la réalité économique actuelle. Compte-tenu du niveau d’espérance de vie aujourd’hui atteint, les transmissions de patrimoine par décès sont de plus en plus tardives, c’est la génération des petits-enfants qui se trouve à l’âge auquel, un apport en patrimoine est utile.
Enfin, lorsque toutes les souches familiales sont représentées, la donation transgénérationnelle par sa nature de partage anticipé, évite un écueil traditionnel de la donation simple. Les héritiers réservataires n’auront pas à réintégrer dans la masse à partager la valeur de la donation qu’ils ont reçue au jour du partage compte-tenu de l’état du bien au jour de la donation. Il peut en effet y avoir une grande différence dans l’obligation mise à la charge d’un héritier qui a fait fructifier son lot et celui qui a laissé le sien péricliter.
- La donation-partage transgénérationnelle est un outil de transmission souple qui prend en considération la composition de chaque souche de la famille et leur statut économique :
L’enfant, héritier réservataire célibataire conservera ses droits,
L’enfant, marié avec enfants, pourra transmettre toute ou partie de ses siens à ses enfants et ainsi alléger ses charges,
La part attribuée à chaque souche familiale est en priorité prélevée sur la réserve héréditaire de chaque souche, le donateur pourra de ce fait profiter d’une marge de man½uvre plus importante sur la quotité disponible pour accroire les droits de son conjoint ou d’un tiers.
La donation-partage transgénérationnelle est un outil facilitant la transmission d’un bien professionnel. Elle peut être une façon de transmettre la société ou l’exploitation de famille exclusivement à la personne choisie par le donateur ;
- La donation transgénérationnelle est un outil d’optimisation fiscale.
Elle permet d’éviter la double imposition d’un même bien aux droits de mutation en l’absence d’intérêt économique à transmettre aux héritiers présomptifs. Elle permet à la plus-value générée par l’actif transmis entre la donation et le partage de la succession de ne pas être soumise aux droits de mutation.
Pour terminer notre propos par une synthèse, on peut affirmer que la donation-partage est un parfait couteau suisse au service de la
transmission du patrimoine qui nécessite une connaissance expérimentée du droit successoral, du droit des régimes matrimoniaux et du droit des donations.