~~Après la crise économique majeure de la dernière décennie, un mouvement tendant à la responsabilisation des banques a fait son apparition. Si les banques se sont vues imposer certaines obligations tendant à ne pas abuser de leurs clients, notamment avec l’apparition de règles strictes en matière de crédits à la consommation, sont-elles tenues de vérifier les flux financiers anormaux sur les comptes bancaires des clients ?
Il peut être intéressant pour les clients victimes d’agissements frauduleux sur leurs comptes bancaires de faire endosser la responsabilité de ces mouvements financiers anormaux à leur banque.
En l’occurrence, le législateur et le juge font peser une obligation de vigilance sur le banquier, certaines issues des dispositions du Code Monétaire et financier, d’autres élaborées au fil de la jurisprudence.
Une obligation de vigilance issue du Code monétaire et financier
L’article L561-15 prévoit à cet effet que « Les personnes mentionnées à l'article L.561-2 sont tenues, dans les conditions fixées par le présent chapitre, de déclarer au service mentionné à l'article L.561-23 les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme ».
L’article L561-6 dispose quant à lui qu’ « Avant d'entrer en relation d'affaires avec un client, les personnes mentionnées à l'article L561-2 recueillent les informations relatives à l'objet et à la nature de cette relation et tout autre élément d'information pertinent sur ce client.
Pendant toute sa durée et dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ces personnes exercent sur la relation d'affaires, dans la limite de leurs droits et obligations, une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu'elles ont de leur client ».
Ce sont notamment les banques qui sont désignées par ces textes comme débitrices de cette obligation de vigilance.
Si une telle obligation figure dans le Code monétaire et financier, la « victime d’agissements frauduleux ne peut pas se prévaloir de l’inobservation d’obligations résultant de ces textes pour réclamer des dommages et intérêts à l’établissement financier » (C. Cass, Chambre commerciale, 28 avril 2004).
Pour pallier aux inconvénients de cette situation, le juge a élaboré une obligation de vigilance à partir des articles 1147 et 1134 du Code civil, ce qui permet au titulaire des comptes bancaires d’obtenir des dommages et intérêts de la part d’un organisme financier en cas de manquement de la part du banquier.
Une obligation de vigilance érigée par le juge
Ø L’obligation de surveillance des comptes bancaires par le banquier
Une construction jurisprudentielle impose au banquier une obligation de surveillance des comptes bancaires.
Deux situations peuvent en effet se présenter :
- Le client de la banque peut accomplir des actes frauduleux portant préjudice aux tiers en se servant de son compte bancaire. On pense en premier lieu à du blanchiment d’argent ou de l’encaissement de sommes à origine douteuse.
- Des tiers peuvent également causer préjudice au client de l’établissement bancaire, en tentant de se faire payer par la banque, et au préjudice du client, des sommes indues par exemple.
Cette obligation de surveillance n’est limitée que par un principe de non-ingérence
Ø Une obligation de surveillance atténuée par un principe de non-ingérence
Les banques se défendent fréquemment en invoquant le principe de non-ingérence. Ce principe n’est étayé par aucune loi ni aucun texte en tant que tels, et est dès lors très imprécis.
La doctrine et certains juges du fond ont pu le définir comme étant une interdiction faite au banquier de s’immiscer dans les affaires de son client.
Si cet axe de défense est connu des banquiers, les juges considèrent de manière constante que le principe de non-ingérence s’arrête là où commencent les anomalies apparentes.
Ø Un signalement obligatoire des anomalies apparentes
Si l’on en croit les termes de la jurisprudence, le banquier est tenu de relever les « anomalies apparentes ». Encore une fois, la définition de l’anomalie apparente n’est pas posée par les textes.
L’analyse de la jurisprudence permet de dégager deux types d’anomalies apparentes :
- Les anomalies matérielles. On pense notamment dans ce cas à des ratures ou surcharges sur les documents bancaires
- Les anomalies d’ordre intellectuel, lorsque certains éléments laissent penser à une opération illicite.
Il convient cependant de noter que lorsque la victime elle-même commet une négligence, en omettant par exemple de contrôler ses propres comptes bancaires, la responsabilité du banquier peut être atténuée.
Discipline complexe, le contentieux bancaire s’avère également être un domaine très évolutif. L’assistance d’un avocat compétent en la matière en cas de litige s’avère souhaitable.