Les dirigeants de PME soumises à l’IS qui cèdent leurs titres pour partir à la retraite peuvent bénéficier d’un abattement spécifique sur la plus-value réalisée, sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions relatives au cédant et à la société dont les titres sont cédés (article 150-0 D ter du CGI).
Parmi les conditions à remplir, le cédant doit notamment cesser toute fonction dans la société et fait valoir ses droits à la retraite dans les deux ans avant ou après la cession, et il doit avoir exercé une fonction de direction de manière continue pendant les cinq années précédant la cession ayant donné lieu à une rémunération normale représentant plus de 50 % des revenus imposés dans la catégorie des BIC, des BNC, des BA, des revenus des gérants et associés.
Dans un arrêt du 14 mars 2023, (CAA Bordeaux 14 mars 2023, n° 21BX01166), la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que le contribuable qui entend bénéficier de l’abattement retraite lorsqu’il cesse toute fonction dans la société et fait valoir ses droits à la retraite dans les deux ans avant ou après la cession, doit démontrer avoir déposé dans les délais un dossier complet permettant à l’organisme gestionnaire de l’assurance retraite d’instruire sa demande et de liquider ses droits.
Au cas particulier, le contribuable qui détenait 809 parts dans une SAS dont il était le dirigeant a cédé ses parts pour un montant de 6 926 988 € le 15 novembre 2012, et a placé la plus-value réalisée lors de la cession de ses titres sous le régime de l'abattement des plus-values prévu à l'article 150-0 D ter du CGI. Dans une proposition de rectification du 17 décembre 2015, l’administration a remis en cause l'application de ce dispositif, au motif principal de l'absence de déclaration de rémunération de la fonction de direction exercée dans la société dans les cinq années précédant la cession de titres, et au motif subsidiaire du défaut de déclaration de pensions et de retraites au titre de l'impôt sur le revenu pour les années postérieures à la cession.
Le contribuable a contesté la remise en cause du dispositif devant le tribunal administratif de Pau qui a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu. Le contribuable a alors fait appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui, à son tour, a rejeté sa demande.
Le contribuable soutenait que le retard mis par l’organisme gestionnaire pour lui attribuer une retraite personnelle ne saurait lui être attribué. En effet, il soutenait qu'il a demandé la liquidation de ses droits à la retraite le 30 octobre 2014 soit avant l'expiration du délai de deux ans courant à compter de la date de la cession des titres, le 15 novembre 2012, et que le retard mis par l'organisme gestionnaire de l'assurance retraite de Midi-Pyrénées pour lui attribuer une retraite personnelle à compter du 1er décembre 2014 ne saurait lui être imputable.
Mais la CAA n’a pas été favorable à cet argument. Pour la CAA, le contribuable qui se bornait à produire la déclaration de cessation d’activité salariée au régime général n’avait pas démontré avoir déposé au 30 octobre 2014 un dossier complet permettant l’instruction de sa demande et la liquidation de ses droits avant le 1er décembre 2014. Il s’agit là encore d’une décision qui peut paraître sévère, mais qui est conforme à plusieurs décisions sur le sujet, étant donné que l’article 150-0 D ter est d’interprétation stricte, compte tenu de son caractère dérogatoire. D’ailleurs, dans la même affaire, la condition tenant à la rémunération n’avait pas non plus été remplie, car le dirigeant n'a, excepté une somme de 17 650 € mentionnée à ce titre pour l'année 2012, déclaré, au cours des cinq années précédant la cession, aucune rémunération en contrepartie de l'accomplissement des fonctions de direction exercées au sein de la société dont les parts ont été cédées. C’est donc en toute logique que sa requête a été rejetée.
Le dirigeant qui n’a interrompu son activité que pendant un mois ne peut être regardé comme ayant cessé toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés, au sens de l’article 150-0 D ter du CGI.
Aux termes de l’article 150-0 D ter, I. 1 du CGI, les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions prévues au même article 150-0 D, retirés de la cession à titre onéreux ou du rachat par la société émettrice d'actions, de parts de sociétés, ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, sont réduits d'un abattement fixe de 500 000 €, lorsque certaines conditions sont réunies.
L’article 150-0 D ter du CGI permet ainsi, sous conditions, aux dirigeants de PME qui cèdent leurs titres à l’occasion de leur départ à la retraite de bénéficier d’un abattement de 500 000 € sur la plus-value réalisée.
Pour bénéficier de l’abattement, le cédant doit cesser toute fonction, de direction ou salariée, dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession.
La cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes 23-3-2017 n° 15NT01830) avait déjà jugé que lorsque les droits à retraite du dirigeant sont ouverts au titre d’une année antérieure à celle de la cession de ses titres, le délai de deux ans, prévu pour bénéficier de l'abattement des plus-values, doit se décompter à partir du départ à la retraite, et l’abattement sur la plus-value réalisée lors de la cession des titres pour les dirigeants prenant leur retraite est subordonné à la cessation effective de toute fonction au sein de la société, qu’il s’agisse ou non de fonctions de dirigeant.
Dans l’affaire de 2017 jugée par la Cour administrative d’appel de Nantes, une contribuable avait fait valoir ses droits à retraite le 1er mars, puis a vendu ses parts et a cessé ses fonctions de gérante en mai de l’année suivante, et à compter de décembre, a exercé une fonction salariée au sein de la société dont elle avait vendu les parts.
L’administration avait remis en cause cet abattement. La cour administrative d'appel de Nantes, comme l’administration fiscale, avaient que le délai pour cesser toutes fonctions devait se décompter à partir du départ à la retraite et non la date de la cession des titres et que le dirigeant devait cesser toute fonction, de direction ou salariée, dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession, ce qui n’était pas le cas, en l’espèce, car cette dirigeante, en plus du problème de délai pour cesser toutes fonctions, avait exercé une fonction salariée au sein de la société dont elle avait vendu les parts. La Cour disait déjà que l’article 150-0 D ter est d’interprétation stricte, compte tenu de son caractère dérogatoire.
Dans l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Lyon le 5 janvier 2023 (CAA Lyon 5 janvier 2023, n° 19LY02829), un dirigeant avait cédé le 8 février 2011, les 457 titres qu’il détenait dans une société, réalisant une plus-value de 790 272 € pour laquelle il avait demandé à bénéficier de l’abattement prévu à l’article 150-0 D ter du CGI dans la mesure où il avait fait valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans de la cession. La plus-value n'avait donc donné lieu à aucune imposition. Toutefois, si le dirigeant avait bien démissionné de ses fonctions de président à compter du 31 janvier 2013, il avait été nommé, le 1er mars suivant, directeur général de la société et avait perçu une rémunération à ce titre, tant en 2013 qu’en 2014.
L'administration, ayant estimé que le dirigeant n'avait pas respecté la condition relative à la cessation de ses fonctions de dirigeant de la société dont les titres avaient été cédés, a remis en cause, selon la procédure contradictoire, l'application de cet abattement de 100 % et l’a, en conséquence, assujetti à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013.
Le contribuable a saisi le tribunal administratif de Dijon lui demandant de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, et des majorations correspondantes. Le tribunal administratif ayant rejeté sa demande, il relève appel du jugement devant la Cour administrative d’appel de Lyon.
Selon la Cour administrative d’appel de Lyon, dès lors qu'un contribuable n'a pas respecté, pour bénéficier de l'abattement, la condition selon laquelle il doit cesser toute fonction et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession, il doit être regardé comme ayant accepté les conséquences s'attachant à la remise en cause de ce régime. Il s'ensuit que l'imposition de la plus-value est justifiée.
Rappelons qu’aux termes de l’article 150-0 D ter, I du CGI, les plus-values réalisées par les dirigeants qui cèdent leurs titres à l'occasion de leur départ en retraite sont, sous certaines conditions, réduites d'un abattement fixe puis de l'abattement renforcé.
En ce qui concerne les conditions relatives à la société, celle-ci doit être une PME qui emploie moins de 250 salariés au 31 décembre de l'une ou l'autre des trois années précédant celle de la cession. Son chiffre d'affaires annuel ne doit pas excéder 50 millions d'euros ou le total de son bilan 43 millions d'euros au titre du dernier exercice clos ou, à la clôture de l'un ou l'autre des trois derniers exercices précédant celui de la cession. Le capital social de la société doit être détenu à hauteur de 75 % au moins, de manière continue au cours du dernier exercice clos, par des personnes physiques. La société doit avoir exercé, de manière continue au cours des cinq années précédant la cession, une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière. La société doit enfin être soumise à l'impôt sur les sociétés.
En ce qui concerne le dirigeant cédant, il doit, pendant les cinq années précédant la cession, avoir été dirigeant de la société dont les titres sont cédés, avoir détenu au moins 25 % des droits de vote ou des droits financiers de la société cédée soit directement, soit par personne interposée, soit par l'intermédiaire de son groupe familial.
Et, évidemment, il doit cesser toute fonction, de direction ou salariée, dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession, ce qui n’était pas le cas, en l’espèce, car s’il avait bien démissionné de ses fonctions de président à compter du 31 janvier 2013, il avait été nommé, le 1er mars suivant, directeur général de la société et avait perçu une rémunération à ce titre, tant en 2013 qu’en 2014.
CAA Bordeaux 14 mars 2023, n° 21BX01166.
Arnaud SOTON
Avocat fiscaliste