Le Conseil constitutionnel vient de juger que l’amendement Charasse, dans sa version résultant de la loi 2007-1824 du 25 décembre 2007, est conforme à la Constitution. Il avait été saisi par le Conseil d’Etat d’une QPC.
En effet, aux termes de l’article 223 B du CGI, lorsqu’une société a acheté les titres d’une autre société qui est ou qui devient membre du même groupe, ou les titres d’une société intermédiaire ou d’une société étrangère aux personnes qui la contrôlent, directement ou indirectement, ou à des sociétés que ces personnes contrôlent, directement ou indirectement, les charges financières déduites pour la détermination du résultat d’ensemble sont rapportées à ce résultat. Cette réintégration s’applique pendant l’exercice d’acquisition des titres et les huit exercices suivants.
Ce dispositif, appelé amendement Charasse, est donc mis en œuvre lorsqu’une société du groupe a acheté, à un actionnaire extérieur qui contrôle le groupe, ou auprès d’une société que cet actionnaire contrôle au sens de l’article L 233-3 du Code de commerce, les titres d’une société qui est ou devient membre du même groupe.
Au cas particulier, une société a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.
Le tribunal administratif a rejeté cette demande et la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel formé par la société contre le jugement.
A l’appui de son pourvoi devant le Conseil d’Etat, la société soutenait que le septième alinéa de l’article 223 B du code général des impôts, qui a pour objet de lutter contre les montages abusifs dont le but est de réduire les résultats imposables d’un groupe faisant l’objet d’une intégration fiscale en utilisant cette intégration fiscale pour procéder à la vente d’une société à soi-même, en la finançant par l’emprunt, méconnaît le principe d’égalité devant la loi résultant de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et le principe d’égalité devant les charges publiques résultant de l’article 13 de cette dernière, en ne permettant pas au contribuable d’apporter la preuve que l’opération de restructuration effectuée dans ce cadre ne revêt pas un caractère artificiel.
Le conseil d’Etat avait considéré que présente un caractère sérieux le moyen tiré de ce que cette disposition porte atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques en ne ménageant pas la possibilité pour le contribuable d’apporter la preuve, dans l’hypothèse où l’actionnaire qui contrôlait la société cédée exerce, de concert avec d’autres actionnaires, le contrôle de la société cessionnaire, que l’opération ne poursuit pas qu’un but fiscal.
Le Conseil d’Etat avait donc renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution du septième alinéa de l’article 223 B du code général des impôts, en tant qu’il porte atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques (CE 1er février 2018, n°412155).
Le Conseil Constitutionnel estime qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faire obstacle à ce que, dans une telle opération financée en tout ou partie par l'emprunt, la prise en compte des bénéfices de la société rachetée, pour la détermination du résultat d'ensemble, soit compensée par la déduction des frais financiers exposés pour cette acquisition, et que le législateur a ainsi entendu éviter un cumul d'avantages fiscaux.
Il conclut que d'une part, les dispositions contestées ne peuvent être regardées comme instituant une présomption de fraude ou d'évasion fiscale, et que d'autre part, la situation visée par ces dispositions étant effectivement susceptible de donner lieu à un cumul d'avantages fiscaux, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi, et que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques doit donc être écarté.
Cons. const. 20-4-2018 no 2018-701 QPC.
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Arnaud SOTON
Avocat au Barreau de Paris
Professeur de droit fiscal
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