Le recours hiérarchique après la vérification n’ouvre pas un nouveau débat oral et contradictoire.

Publié le 20/11/2024 Vu 296 fois 0
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Le recours hiérarchique après la vérification n’ouvre pas un nouveau débat oral et contradictoire.

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Le recours hiérarchique après la vérification n’ouvre pas un nouveau débat oral et contradictoire.

Le recours hiérarchique assure au contribuable faisant l'objet d'une procédure de rectification contradictoire, après la réponse faite par l'administration fiscale à ses observations sur la proposition de rectification, une garantie substantielle consistant à pouvoir, avant la mise en recouvrement, saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, l'interlocuteur départemental de divergences subsistant au sujet du bien-fondé des rectifications envisagées, et non à poursuivre avec ces derniers un dialogue contradictoire de même nature que celui qui s'est achevé avec la notification de la réponse aux observations du contribuable.

Le contribuable ne saurait par conséquent demander pour la première fois, dans le cadre du recours hiérarchique, à bénéficier d'un dispositif fondé sur d'autres dispositions législatives que celles qui étaient en débat devant le vérificateur. C’est ainsi qu’il ne peut demander pour la première fois le bénéfice du crédit d'impôt innovation lors de l'entretien avec le supérieur hiérarchique si les débats oraux et écrits lors de la procédure de contrôle n'ont porté que sur le crédit d'impôt recherche.

Les contribuables ayant fait l’objet d’une vérification de comptabilité ou d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle ont la possibilité d’actionner des voies de recours internes à l’administration, soit auprès du supérieur hiérarchique du vérificateur, soit auprès de l’interlocuteur départemental. En effet, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié permet aux contribuables ayant fait l’objet d’une vérification de comptabilité ou de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle et qui sont en désaccord avec le vérificateur sur les rectifications envisagées d'obtenir des éclaircissements supplémentaires auprès de l'inspecteur principal et, si des divergences importantes subsistent après ces contacts, de faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur. Il faut noter que cette possibilité qui ne découle d'aucune disposition légale est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L 10, al. 4 du LPF qui permet aux contribuables de se prévaloir des garanties administratives contenues dans la charte du contribuable.

La rencontre avec l’inspecteur principal se déroule en présence du vérificateur. Même si dans environ 20% des cas à la suite d’une vérification de comptabilité, cette rencontre est sollicitée, elle n’est pas souvent efficace, l’inspecteur principal se contentant de confirmer les conclusions du vérificateur. Cette demande reste tout de même utile car quelque fois, certaines lignes peuvent bouger, surtout si des pièces complémentaires sont fournies à cette occasion.

Il revient au contribuable s’il veut utiliser ce recours d’en faire la demande. C’est ainsi qu’un contribuable ne peut prétendre avoir été privé de la garantie offerte par la charte du contribuable permettant d'obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur tous les points où persiste un désaccord avec ce dernier s'il n'a, à aucun moment de la procédure de vérification, manifesté son intention de demander à bénéficier de cette garantie (CE 15-5-2006 n° 267160).

En ce qui concerne la saisine de l’interlocuteur départemental, elle ne peut intervenir qu’après celle du supérieur hiérarchique du vérificateur. L'interlocuteur départemental ne peut être saisi directement du désaccord avec le vérificateur (CE1-10-2018 n° 403186). Cette possibilité ouverte au contribuable a pour but de trouver une voie de conciliation qui n’a pas pu être trouvée ni avec le vérificateur, ni avec le supérieur hiérarchique. Cette possibilité qui n’est pas très utilisée par les contribuables peut quand-même s’avérer judicieuse dans certains cas.

Dans l’arrêt du 23/10/2024 (Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 23/10/2024, 469431), une EURL exerçant une activité de développement et de fabrication de produits chimiques pour l'industrie et le secteur du bâtiment, a bénéficié du crédit d'impôt recherche, au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. En 2016, elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que les projets pour lesquels l'entreprise avait bénéficié du crédit d'impôt recherche n’étaient pas éligibles à ce crédit d'impôt. Suite aux observations formulées par l'EURL après notification d’une proposition de rectification, l’administration a maintenu les rectifications proposées. Les contribuables ont alors fait un recours hiérarchique tendant à obtenir un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur. Celui-ci a fait partiellement droit au recours, en tant qu'il tendait au maintien du crédit d'impôt recherche en ce qui concerne certains des projets en cause, mais il a rejeté le surplus de ce recours tendant au bénéfice, pour d'autres projets, du crédit d'impôt innovation, lequel crédit innovation n’avait pas été évoqué tout au long de la procédure et est invoqué pour la première fois lors de ce recours hiérarchique. L'interlocuteur fiscal interrégional, saisi à la demande de l'EURL a confirmé cette approche.

L’EURL a alors saisi le tribunal administratif de Rouen lui demandant de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et aussi, de prononcer la réduction de ces cotisations supplémentaires à raison de l'admission au titre du crédit d'impôt innovation des dépenses engagées pour le développement de quatre projets. Le tribunal administratif de Rouen ayant rejeté les demandes, l’EURL a fait appel devant la cour administrative d'appel de Douai. Bonne nouvelle pour l’EURL en appel, la cour administrative d’appel a partiellement fait droit à ses demandes, au motif qu'en refusant de faire procéder, au stade du recours hiérarchique introduit par l'EURL, c'est-à-dire avant la mise en recouvrement des impositions en litige, à l'examen de la demande de cette société tendant au bénéfice, pour certains de ses projets, du crédit d'impôt innovation, l'administration a commis une irrégularité de procédure qui a, dans les circonstances de l'espèce, privé l'EURL de la garantie relative au recours hiérarchique.

L’administration s’est pourvue en cassation contre l’arrêt de la CAA et le Conseil d’Etat n’a pas le même raisonnement que la CAA. Pour le Conseil d’Etat en effet, en statuant ainsi, alors que dans le cadre de ses échanges avec le service, tant lors du débat oral et contradictoire tenu au cours du contrôle qu'à l'occasion de la présentation de ses observations écrites sur la proposition de rectification qui lui a été adressée, l'EURL s'était limitée à tenter de convaincre le service de l'éligibilité de ses projets au crédit d'impôt recherche sans mentionner à ces stades de la procédure que ces projets pourraient être éligibles au crédit d'impôt innovation et alors que, par conséquent, il n'existait, à cet égard, aucun désaccord persistant entre la société et l'administration, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. L’arrêt rendu par la CAA de Douai est annulé par le Conseil d’Etat sur ce point.

Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 23/10/2024, 469431.

Arnaud Soton

Avocat fiscaliste

Professeur de droit fiscal

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