Selon les dispositions de l’article 635 A du CGI « Les dons manuels mentionnés au deuxième alinéa de l'article 757 doivent être déclarés ou enregistrés par le donataire ou ses représentants dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle le donataire a révélé ce don à l'administration fiscale.
Toutefois, pour les dons manuels dont le montant est supérieur à 15 000 €, la déclaration doit être réalisée :
a) dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle le donataire a révélé ce don à l'administration fiscale ou, sur option du donataire lors de la révélation du don, dans le délai d'un mois qui suit la date du décès du donateur ;
b) dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle ce don a été révélé, lorsque cette révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal ».
Il résulte de ces dispositions que les dons manuels d'un montant supérieur à 15 000 € révélés à l'administration fiscale par le donataire doivent être déclarés dans le mois qui suit la révélation ou, sur option du donataire lors de la révélation du don, dans le délai d'un mois suivant la date du décès du donateur.
Selon la Cour de Cassation une telle option est toutefois exclue lorsque la révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'Administration ou d'une procédure de contrôle fiscal. Il ressort en effet des travaux parlementaires de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ayant instauré cette option que l'intention du législateur a été d'inciter les donataires à révéler spontanément à l'administration fiscale les dons manuels qui leur ont été consentis, en réservant la possibilité de différer la déclaration de ces dons et l'acquittement du paiement des droits de mutation à titre gratuit après le décès du donateur aux seules hypothèses de révélation spontanée, en dehors de toute procédure de vérification ou de contrôle fiscal.
Au cas particulier, l'administration fiscale a informé un couple de contribuables qu'elle engageait un ESFP (examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle) portant sur les années 2011 à 2013. A l'occasion du premier entretien avec le vérificateur, intervenu le 13 novembre 2014, la contribuable a indiqué avoir reçu, au cours de la période examinée, d'importantes sommes d'argent versées sur l'un de ses comptes, dont elle a précisé qu'il s'agissait de donations.
Elle a alors déposé les 6 et 21 décembre 2014, deux formulaires de révélation de dons manuels par lesquels elle a demandé à bénéficier de l'option de déclaration de ces dons dans le délai d'un mois suivant le décès du donateur.
Pour l’administration fiscale, la révélation n'étant pas intervenue spontanément, la contribuable ne pouvait exercer l'option de déclaration différée des dons. L'administration fiscale lui a, en conséquence, adressé une proposition de rectification portant rappel de droits de mutation à titre gratuit.
Sa réclamation préalable ayant été rejetée, la contribuable a assigné l'administration fiscale aux fins d'obtenir la décharge des droits réclamés.
Le tribunal a rejeté sa demande, mais en appel, la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 28 janvier 2020) a infirmé le jugement et a prononcé la décharge des droits, pénalités et intérêts, au motif que l’administration ne soutient pas que la révélation est la conséquence d'une réponse de la contribuable à une demande de l'administration, qu’il n'est pas établi que cette révélation est la conséquence d'une procédure fiscale, puisqu'elle a eu lieu avant le commencement proprement dit de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et qu'elle ne résulte pas de la vérification de sa situation, mais d'une déclaration spontanée de la donataire.
La Cour d’appel en a déduit que l'administration fiscale n'est pas fondée à dénier à la contribuable le bénéfice de l'option tendant au différé de la déclaration et du paiement des droits dus au titre des dons manuels révélés.
C’est alors que l’administration a formé un pourvoi en cassation devant la Cour de Cassation qui lui donne raison.
Selon la Cour de Cassation, l’option est exclue lorsque la révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal. Et donc, « en statuant ainsi, après avoir relevé que la révélation des dons manuels litigieux était intervenue lors de l'examen contradictoire de la situation personnelle de M. et Mme [T], à l'occasion du premier entretien avec le vérificateur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ».
L’arrêt de la Cour d’appel de Versailles est cassé. Ainsi, la déclaration du don sur option du donataire lors de la révélation du don, dans le délai d'un mois qui suit la date du décès du donateur n’est pas admis lorsque cette révélation est la conséquence non seulement d'une réponse du donataire à une demande de l'administration, mais aussi de l’engagement d’un ESFP.
Rappelons qu’en dehors de l’ESFP proprement dit, l’administration peut faire des demandes de renseignement, d’éclaircissements ou de justifications. En effet, dans le cadre de son pouvoir de contrôle, l’administration fiscale peut demander au contribuable des renseignements, des éclaircissements ou des justifications.
L’article L 10 du LPF dispose que l'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances, qu’elle contrôle également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat, et qu’à cette fin, l’administration peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. Les demandes de renseignements sont destinées à mieux comprendre la déclaration d’ensemble des revenus du contribuable. Ces demandes peuvent, par exemple, concerner des précisions sur l’adresse du contribuable, le nombre d'enfants à charge ou encore les charges déduites du revenu global ou ouvrant droit à une réduction ou crédit d'impôt. Les demande de renseignements sont adressées en lettres simples. Elles fixent en général un délai de réponse de 30 jours. En effet, conformément au principe général posé par l'article L 10 du LPF, le contribuable dispose en principe d'un délai de 30 jours pour répondre à l’administration fiscale. Cependant, il a été jugé que l'octroi d'un délai plus court n'est sanctionné que si l'irrégularité a porté atteinte aux droits du contribuable (CE 22 janvier 2010 n° 314010). Ainsi un délai plus court accordé par l’administration n’entraîne aucune conséquence dès lors que cette irrégularité n’a porté aucune atteinte aux droits et garanties du contribuable. En principe, ces simples demandes de renseignements ne revêtent pas un caractère contraignant. Le contribuable a donc la faculté de ne pas y répondre, mais il est vivement conseillé d’y répondre.
En revanche, les demandes d’éclaircissements ou de justifications sont totalement différentes. En effet, aux termes de l’article L 16 du LPF, en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu, des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger, de tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier ainsi que des gains de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux et des plus-values de cession d’immeubles ou de biens meubles.
Cette disposition permet à l’administration fiscale de demander au contribuable des éclaircissements, en matière d’impôt sur le revenu, de façon illimitée. Ce qui n’est pas le cas pour les demandes de justifications. En effet, la loi précise limitativement les éléments qui peuvent faire l’objet d’une demande de justifications. Sont concernés : la situation et les charges de famille du contribuable ; les charges retranchées du revenu global, comme par exemple les pensions alimentaires ; celles ouvrant droit à des réductions d’impôt, comme des salaires versés à des salariés à domicile ; les avoirs à l’étranger et des revenus qu’ils génèrent ( article L 16, al 1 du LPF); les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier ou l’imposition des plus-values de cession mobilière et immobilières ( article L 16, al 2 du LPF) ; et lorsque l’administration détient des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés, c’est-à-dire en cas de discordance entre les revenus déclarés et les dépenses du contribuable telles que les dépenses personnelles, les versements à des tiers, les investissements immobiliers, comme par exemple l’acquisition d’un immeuble sans avoir recours à un emprunt ; c’est le cas notamment lorsque le total des montants crédités sur les relevés de compte du contribuable représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 € (article L 16, al 3 du LPF).
Cette dernière disposition doit être respectée par l’administration fiscale qui n’a donc pas le droit d’interroger le contribuable lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte ne représente pas au moins le double de ses revenus déclarés ou n’excède pas ces derniers d'au moins 150 000 €, pour chacune des années au titre desquelles les demandes sont faites
Dans la plupart des cas, l’administration fiscale demande au contribuable d'apporter les preuves matérielles relatives à la nature et l'origine exactes de l'ensemble des sommes créditées sur ses comptes bancaires et qui demeurent non identifiées ou injustifiées.
Des indices sérieux devraient être rassemblés par l’administration pour qu’elle puisse s’autoriser à faire cette demande. En dehors du cas où le total des montants crédités sur les relevés de compte du contribuable représente au moins le double de ses revenus déclarés (la règle du double), ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €, l’écart entre le montant des sommes portées au crédit des comptes du contribuable et celui des revenus déclarés doit être important pour permettre une demande de justifications. C’est ainsi qu’en l’absence d’écart important, notamment moins de la moitié du revenu déclaré, l’administration n’est pas fondée à adresser au contribuable une demande de justifications. Le juge veille au respect de la règle du double. Lorsque la comparaison entre les crédits enregistrés sur les comptes du contribuable et les revenus bruts déclarés ne fait apparaître qu’un rapport de 1,96 la règle du double n’est pas respectée, la demande de justifications adressée au contribuable et la taxation d’office qui s’en suit sont irrégulières.
D’autres indices permettant la demande de justifications peuvent provenir de la discordance entre les revenus déclarés et les dépenses engagées par le contribuable. C’est le cas par exemple lorsque l’administration se rend compte qu’un contribuable a acheté un bien immobilier sans avoir recours à un emprunt, mais que ses revenus déclarés ne sont pas en rapport avec un tel investissement.
L’administration a recours à la balance de trésorerie (déterminer si le montant des dépenses du contribuable pendant une période donnée est bien égal à ses ressources déclarées ou connues) et à la balance des espèces (comparer les disponibilités en espèce du contribuable et les dépenses en espèce, en ce qui concerne son train de vie).
Contrairement aux demandes de renseignements adressées en lettres simples, les demandes d’éclaircissements ou de justifications sont adressées par lettres recommandées avec demande d’avis de réception. Mais la circonstance que la demande n’a pas été adressée au contribuable par courrier recommandé est sans influence sur sa régularité (CE 4 mars 1985 n°38155). De même, une demande d’éclaircissements et de justifications n’a pas à aviser le contribuable qu’il a la faculté de se faire assister d’un conseil (CE 24 novembre 1982).
Les demandes de l’article L 16 du LPF interviennent donc à l’occasion d’un ESFP, où le vérificateur est conduit, après des rencontres avec le contribuable, à lui signifier une demande d’éclaircissements ou de justifications sur des points qui restent confus.
Il a été jugé que l’administration peut adresser une demande, quel que soit le domicile fiscal déclaré par le contribuable. Elle peut donc envoyer une demande d’éclaircissements ou de justifications à un contribuable domicilié hors de France (CE 17 mars 2016 n° 383335).
La demande doit indiquer expressément au contribuable les conséquences d’un défaut de réponse au plan de la procédure de redressement, sinon la demande est assimilée à une simple demande d’information ou de renseignement à laquelle le contribuable n’est pas tenu légalement de répondre.
L’article L 16 A du LPF ajoute que les demandes d'éclaircissements ou de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Le contribuable dispose donc d’au moins deux mois pour répondre à ces demandes formulées dans le cadre de l’article L 16 du LPF.
En l'absence de réponse dans le délai imparti, le fisc a la possibilité de procéder à la taxation d’office, prévue à l’article L 69 du LPF. Il en va de même si la réponse est adressée hors délai (CE 7 février 1979 n°8912). Cependant, en cas de réponse tardive le vérificateur doit, selon les précisions de l’administration, examiner les explications du contribuable pour éviter les taxations formelles ou exagérées. Le contribuable devra prouver qu’il ne lui était pas possible de répondre dans les délais, en raison par exemple d’un cas de force majeure.
En dehors des cas prévus par l'article L 16 du LPF, le défaut de réponse n'est pas de nature à entraîner une taxation d'office, l'administration devant suivre la procédure de rectification contradictoire.
Lorsque le contribuable a répondu à la demande de l’administration de façon satisfaisante (ce qui est rare en pratique) la procédure s’arrête là. En revanche, et comme c’est bien souvent le cas, lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, (un contribuable qui se contente de simples affirmations sans apporter le moindre élément de preuve à l’appui de ses propos), l'administration ne peut immédiatement engager la procédure de taxation d’office. Elle doit adresser au contribuable une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de 30 jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite.
Mais il faut noter que certaines réponses insuffisantes peuvent être assimilées à une absence de réponse et autoriser la procédure de taxation d’office. C’est ainsi qu’une réponse du contribuable qui consiste à inviter l’administration à interroger son ex-épouse est assimilée à une absence de réponse (CE 18 janvier 1988 n°59197), de même que la réponse du contribuable qui fait état de gain en espèce au PMU et de cadeaux familiaux en espèces, sans justifications véritables (CE 14 mai 1986 n°41271).
Le Conseil d’Etat considère que la précision de la réponse faite par le contribuable doit s’apprécier eu égard au caractère général ou précis de la demande d’éclaircissements ou de justifications qui lui a été adressée. Une réponse peu précise n’est pas assimilable à un défaut de réponse, si la demande était peu précise et accompagnée d’une lettre manuscrite de l’inspecteur qui a pu faire croire au contribuable qu’il ne lui était demandé qu’une confirmation d’explications verbales déjà données (CE 29 juillet 1983 36462).
En tous les cas, il est toujours conseillé de répondre de la façon la plus explicite possible à ces demandes. Il faut donc réunir un maximum d'explications et de documents pouvant justifier sa situation. Cela peut être des échanges de courriers, des attestations, des reconnaissances de dettes, ou même des témoignages signés.
Le contribuable peut justifier, par exemple, que des sommes qu'il a perçues lui ont été versées par l'un de ses parents, ce qui s’analyse ainsi comme un prêt familial, sauf si le contribuable et l'auteur du versement sont en relation d'affaires ou de travail (CE 17 décembre 2003 n° 241920).
Il appartient au contribuable qui se prévaut de la présomption de prêt familial de démontrer que le prêteur disposait de revenus suffisants pour effectuer le prêt allégué. C’est ainsi, par exemple, que dans un cas où le contribuable faisait valoir qu’une activité occulte de vente de voitures aurait permis au prêteur de financer les versements en cause, mais ne pouvant pas justifier que cette activité générait des revenus suffisants, le Conseil d’Etat a validé la taxation d‘office (CE 11 octobre 2017 n° 398684).
La réponse du contribuable doit intervenir dans le délai de deux mois, et si le fisc n'est pas satisfait de la réponse apportée, il est tenu d’accorder un délai supplémentaire de trente jours, comme l’indique l'article L. 16 A. du LPF, étant attendu que cette mise en demeure d’apporter des précisions complémentaires dans un délai de trente jours ne peut pas être adressée au contribuable avant l'expiration du délai de réponse fixé par la demande d'éclaircissements ou de justifications, sous peine d'irrégularité de la procédure (CE 8-6-2011 n° 310524).
Si dans le nouveau délai qui lui a été accordé, le contribuable n'apporte aucune réponse écrite ou ne fournit pas les renseignements et les justifications demandés, l’administration peut procéder à la taxation d’office.
L’administration dispose d’un droit de communication qui lui permet de demander à un tiers, notamment la banque du contribuable, des renseignements dont celui-ci dispose, ou de prendre connaissance de certains documents qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé. Le refus de communication des documents et renseignements demandés par l'administration entraîne l'application d'une amende de 5 000 € (10 000 € à compter du 1er janvier 2019), sachant qu’en cas de refus de communication, l'amende s'applique pour chaque demande pour laquelle des documents ou renseignements sollicités n'ont pas été communiqués.
Dans tous les cas, l’option pour l’enregistrement lors de la révélation par le donataire d’un don manuel dont le montant est supérieur à 15 000 €, dans le délai d'un mois qui suit la date du décès du donateur, ne peut être exercée lorsque la révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'Administration.
Cass. com., 25 janv. 2023, n° 20-16.700.
Arnaud Soton
Avocat Fiscaliste
Professeur de droit fiscal.