Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, et notamment, les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'œuvre.
Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu.
Si elles excèdent la rétribution normale du travail effectivement fourni, les rémunérations directes ou indirectes des dirigeants (y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais) sont rapportées au bénéfice imposable de l'entreprise.
Plusieurs critères sont en général retenus par l’administration pour qualifier une rémunération d’excessive. Il peut s’agir de la qualification professionnelle et l'importance de l'activité déployée par le dirigeant, le niveau des rémunérations des personnes occupant des emplois analogues dans des entreprises similaires de la région, l'importance de la rémunération par rapport aux bénéfices sociaux ou aux salaires des autres membres du personnel.
En l’espèce, l’administration fiscale a contesté la rémunération d'un dirigeant, qu'elle a considérée comme particulièrement élevée au regard du chiffre d’affaires de l’entreprise et elle a ramené de 1 009 649 euros à 111 265 euros en 2007 et de 1 070 262 euros à 117 336 euros en 2008, le montant déductible des rémunérations versées par l’entreprise au dirigeant.
Pour retenir le caractère excessif de ces rémunérations, le vérificateur s'est fondé sur des données internes à la société et a comparé la société à six autres sociétés du secteur du découpage industriel, sélectionnées en retenant les cinq meilleures rémunérations supérieures à 200 000 euros et un montant de rémunération du dirigeant supérieur à 65 000 euros. Le vérificateur a ainsi confirmé son analyse du caractère excessif des rémunérations versées au dirigeant et a admis en déductibilité la seule moyenne des rémunérations des dirigeants de ces six autres sociétés.
La société a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008.
Par un jugement n°1500723 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
La société a fait appel du jugement en soutenant que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif d'Orléans, l'administration n'apporte pas la preuve du caractère excessif des rémunérations perçues par son dirigeant et qu’il résulte au contraire des données internes à l'entreprise que ces rémunérations sont justifiées par le cumul des fonctions exercées par l'intéressé et son rôle prépondérant au sein d'une entreprise qui a un savoir-faire unique, et que les données externes résultant d'un échantillon de comparables ne sont pas pertinentes, ces entreprises étant différentes quant au nombre de salariés, au résultat d'exploitation et au ratio résultat d'exploitation / chiffre d'affaires.
La Cour administrative d’appel de Nantes a accueilli favorablement les arguments de la société et a annulé le jugement du tribunal administratif.
En effet, la Cour d’appel considère que le dirigeant assumait seul l'ensemble des fonctions de direction administrative, financière et commerciale de la société et y jouait ainsi un rôle prépondérant, et que le faible nombre de salariés et les caractéristiques de leurs postes sont de nature à corroborer un tel rôle.
La Cour d’appel retient que la société fait également valoir, sans être précisément contredite, que son chiffre d'affaires a augmenté de 185 % au cours des exercices couvrant les années 2004 à 2008, et qu'elle avait la particularité d'assurer une fonction de stockage de nombreuses pièces à l'inverse des autres sociétés du secteur et était un fournisseur privilégié du secteur aéronautique tant civil que militaire.
La Cour en déduit que les données internes de l'entreprise ne permettaient pas de regarder à elles seules comme excessives les rémunérations en cause.
En ce qui concerne les comparaisons avec d’autres entreprises, la Cour d’appel estime que les comparables n'apparaissent pas suffisamment pertinents pour qu'il puisse en être dégagé une moyenne de rémunération seule admissible en déductibilité dès lors que le nombre de salariés de ces entreprises est compris entre 16 et 68 en 2007 et 14 à 66 en 2008, hors de proportion avec la petite structure que constitue la société, les résultats d'exploitation y sont très nettement inférieurs en valeur absolue à l'exception de l'une d'entre elles, qui a un résultat comparable mais qui comprend six fois plus de salariés et que le ratio résultat d'exploitation / chiffre d'affaires, y est toujours nettement inférieur et même négatif dans trois cas, sous réserve de la même exception.
La Cour d’appel conclut que la société est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008.
La Cour d’appel a annulé le jugement du tribunal administratif et a prononcé la décharge des impositions supplémentaires.
CAA Nantes 28-9-2017 n° 16NT00077 et n° 16NT00084.
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Arnaud SOTON
Avocat au Barreau de Paris
Professeur de droit fiscal
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