L’article 56 II de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit une simplification de la procédure en matière de modification de la mention du sexe à l’état civil.
Le texte dispose que :
« Art. 61-5.-Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification.
« Les principaux de ces faits, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, peuvent être :
« 1° Qu'elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ;
« 2° Qu'elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel ;
« 3° Qu'elle a obtenu le changement de son prénom afin qu'il corresponde au sexe revendiqué ;
« Art. 61-6.-La demande est présentée devant le tribunal de grande instance.
« Le demandeur fait état de son consentement libre et éclairé à la modification de la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil et produit tous éléments de preuve au soutien de sa demande.
« Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande.
« Le tribunal constate que le demandeur satisfait aux conditions fixées à l'article 61-5 et ordonne la modification de la mention relative au sexe ainsi que, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l'état civil.
« Art. 61-7.- Mention de la décision de modification du sexe et, le cas échéant, des prénoms est portée en marge de l'acte de naissance de l'intéressé, à la requête du procureur de la République, dans les quinze jours suivant la date à laquelle cette décision est passée en force de chose jugée.
« Par dérogation à l'article 61-4, les modifications de prénoms corrélatives à une décision de modification de sexe ne sont portées en marge des actes de l'état civil des conjoints et enfants qu'avec le consentement des intéressés ou de leurs représentants légaux.
« Les articles 100 et 101 sont applicables aux modifications de sexe.
« Art. 61-8.-La modification de la mention du sexe dans les actes de l'état civil est sans effet sur les obligations contractées à l'égard de tiers ni sur les filiations établies avant cette modification. »
- L’entrée en vigueur des dispositions nouvelles de la loi « J.21 »
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a été publiée au Journal officiel de la République Française n° 0269 du 19 novembre 2016. L’article 1er alinéa 1er du code civil dispose que : « Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française [JORF], les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ».
Elle s’applique donc le lendemain de sa publication (JORF n°0269 du 19 novembre 2016 - texte n° 1), soit dès le 20 novembre 2016.
- « Clap de fin » pour l’indispensable « preuve médicale »
Le principe a été posé par deux arrêts de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation rendus le 11 décembre 1992 (Bull. Civ. Ass. Plén. n° 13).
Une personne, qui a la suite d’un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, présentant le « syndrome » du transsexualisme qui ne possède plus tous les caractères de son sexe d’origine et a pris une apparence physique la rapprochant du sexe revendiqué, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique le sexe dont elle a l’apparence.
La Haute Cour poursuivait en affirmant que « le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes ne fait pas obstacle à une telle modification ». (Sur la reconnaissance par la Cour EDH du transsexualisme, violation de l’article 8 de la Conv. EDH CEDH, 25 mars 1992, Van Oosterwijck contre Belgique, Série A, n° 40, Jur. EDH, 5e éd., n° 127 ; et CEDH 11 juillet 2002, Goodwin, D. 2003, p. 2032).
Ainsi, de jurisprudence constante, il était admis que pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe, la personne devait établir, au regard de ce qui était communément admis par la communauté scientifique, la réalité du « syndrome » transsexuel dont elle était atteinte, ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence (V. en ce sens, Cass. Civ. 1, 7 juin 2012, Bull. Civ. I, n° 123).
La jurisprudence était très sévère, en ce qu’elle réclamait à l’intéressé de présenter un certificat médical attestant le changement de sexe et un traitement hormonal correspondant au sexe revendiqué. Le seul fait de se présenter, ou de paraître pour les tiers, comme appartenant au sexe opposé ne permettait pas de prouver le changement de sexe (En ce sens, Cass. Civ. 1, 13 février 2013, Bull. Civ. I, n° 13 et 14).
Aussi, le refus de se soumettre à une expertise médicale, afin de prouver le caractère irréversible du processus du changement de sexe, avait pour conséquence de rejeter la demande en rectification du sexe sur l’état civil (V. par exemple, Nancy, 3 janvier 2011, JCP. G 2011, n° 480, note REIGNÉ).
En conséquence, « une preuve médicale » du caractère irréversible du changement de sexe était indispensable pour obtenir la rectification de la mention du sexe sur l’état civil.
L’apport de la loi « J.21 » est conséquente, puisqu’elle permet de simplifier l’apport de la preuve en la matière. La preuve médicale n’est plus une condition sine qua non pour obtenir rectification de la mention du sexe sur l’état civil.
Le nouvel article 61-6 du code civil prévoit que « le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande ». Cela signifie que le magistrat ne pourra pas refuser la rectification de la mention du sexe sur le seul « motif médical ». La procédure de changement de sexe est « démédicalisée ». À l’inverse, rien n’interdit l’intéressé de présenter un certificat médical, constatant le caractère irréversible du changement de sexe, pour appuyer sa demande et obtenir la conviction du juge.
- Appréciation souveraine des juges du fonds des éléments de preuve
Le nouvel article 61-5 prévoit que l’intéressée, personne majeure ou mineure émancipée, doit démontrer par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil ne correspond plus à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue.
Pour cela, le texte propose une liste non-limitative de faits que peut prendre en compte le magistrat pour statuer sur la demande de modification de la mention du sexe à l’état civil (V. 1° à 3° de l’article 61-5 du code civil). La personne apportera tous les éléments de preuve au soutien de ces éléments de faits.
Par exemple, la personne pourra établir qu'elle se présente publiquement comme appartenant au sexe qu'elle revendique, qu'elle est connue sous ce sexe par son entourage familial, amical ou professionnel, qu'elle a changé de prénom. Il faut reconnaître dans ces situations toute l’importance de la présentation au soutien de la demande d’attestations de proches et/ou de collègues de travail, de photographies, ou d’une pièce d’identité faisant état d’un changement de prénom etc.
Sur ce point, la loi « J.21 » ne fait que consacrer ce qui existait déjà en la matière.
Ces éléments, que le texte présente comme « les principaux […] faits » permettant de prouver que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel la personne se présente et dans lequel elle est connue, ne sont donnés qu’à titre exhaustif. Le nouvel article 61-6 précise que l’intéressé peut aussi rapporter tous autres éléments de preuve au soutien de sa demande.
Si le magistrat estime que les conditions de l’article 61-5 du code civil sont réunies, il pourra ordonner la modification de la mention relative au sexe, ainsi que, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l'état civil.
- Procédure
L’intéressé devra présenter sa demande auprès du tribunal de grande instance compétent (article 1047 et suivants du code de procédure civile).
L’article 1048 du code de procédure civile prévoit que « la juridiction territorialement compétente est la juridiction du lieu où demeure la personne dont l'état civil est en cause ou, si elle demeure hors de France, le tribunal de grande instance de Paris ou son président. Peuvent également être saisies la juridiction du lieu où l'acte d'état civil a été dressé ou transcrit, ou la juridiction qui a rendu le jugement déféré.
Sont toutefois seuls compétents :
- la juridiction du lieu d'établissement du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères, pour les actes détenus par ce service ;
- le tribunal de grande instance de Paris ou son président, pour les pièces tenant lieu d'acte d'état civil à un réfugié ou un apatride ».
La demande est forme, instruite et jugée comme en matière gracieuse.
- Conséquences et effet constitutif de la décision de changement de sexe
Par un arrêt de principe du 14 novembre 2006, la Première chambre civile de la Cour de cassation a décidé que le jugement rendu à l’issue d’une action d’état tendant à la modification de la mention du sexe dans l’acte de naissance a un effet constitutif et non déclaratif (Cass. Civ. 1, 14 novembre 2006, Bull. Civ. I, n° 478 ; RTD. Civ. 2008, p. 78 et 79, obs. J. HAUSER).
Cette position a été adoptée à la suite de plusieurs décisions de fond, rendues, notamment, par le tribunal de grande instance de Paris le 24 novembre 1981 (JCP. Ed. G 1982, II, 19792, note PENNEAU), et le 16 novembre 1982 (Gaz. Pal. 1983, 2, p. 603, note SUTTON).
Dans toutes ces affaires, le TGI de Paris a accordé la rectification de l’acte de naissance de l’intéressé tout en précisant que celle-ci ne prendra effet qu’ « à compter du jugement et [ne pourra] affecter les actes ou situations juridiques antérieurs ».
Des juridictions d’appel ont confirmé cette tendance jurisprudentielle, telles que la Cour d’appel d’Agen le 2 février 1983 (Gaz. Pal. 1983, 2, p. 603, note SUTTON), ou encore la Cour d’appel de Lyon, le 15 mai 2007 (Jurisdata n° 2007-346157), ainsi que la Cour d’appel de Paris, le 2 juillet 1998 (Jurisdata n° 1998-993270) ; JCP. Ed. G 1999, II, 10005, note Th. GARÉ).
Ainsi, le jugement qui prononce la modification de la mention du sexe dans l’acte de naissance ne s’opère que pour l’avenir, et n’a donc pas d’effet rétroactif. Par conséquent, il ne peut être porté de mention, relative au jugement rendu en faveur de l’intéressé, sur les actes de naissance de ses descendants (Sur ce point, l’Instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 prévoit, en son paragraphe n° 241, l’interdiction de modification de l’acte de naissance du descendant).
L’article 61-7 du code civil prévoit que la mention de la décision de modification du sexe et, le cas échéant, des prénoms « est portée en marge de l'acte de naissance de l'intéressé, à la requête du procureur de la République, dans les quinze jours suivant la date à laquelle cette décision est passée en force de chose jugée ».
Si la décision porte aussi sur la modification des prénoms, ces derniers ne seront portés en marge des actes de l’état civil des conjoints et enfants qu’avec le consentement des intéressés ou de leurs représentants légaux.
La rectification judiciaire de la mention du sexe, et le cas échéant des prénoms, est opposable à tous.
La modification de la mention du sexe dans les actes de l'état civil de l’intéressé n’a pas d’effet sur la filiation déjà établie avec le(s) descendants. Ainsi, l’acte de naissance indiquant le lien de filiation des enfants avant la décision de rectification de la mention du sexe ne pourra pas être modifiée ou faire apparaître le changement de sexe de l’intéressé.
Ces dispositions ont, sans doute, pour objet de protéger la vie privée de l’intéressé, de son conjoint et de se(s) descendant(s).