L’article 56 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit une simplification de la procédure de changement de prénom.
Le texte dispose que :
I.-L'article 60 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 60.-Toute personne peut demander à l'officier de l'état civil à changer de prénom. La demande est remise à l'officier de l'état civil du lieu de résidence ou du lieu où l'acte de naissance a été dressé. S'il s'agit d'un mineur ou d'un majeur en tutelle, la demande est remise par son représentant légal. L'adjonction, la suppression ou la modification de l'ordre des prénoms peut également être demandée.
« Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
« La décision de changement de prénom est inscrite sur le registre de l'état civil.
« S'il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, en particulier lorsqu'elle est contraire à l'intérêt de l'enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille, l'officier de l'état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe le demandeur. Si le procureur de la République s'oppose à ce changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut alors saisir le juge aux affaires familiales. »
(Attention : À ne pas confondre cette nouvelle procédure avec la législation portant sur le choix du prénom. Voir nos propos : http://www.legavox.fr/blog/benjamin-estoppel-b/choix-prenom-enfant-liberte-controlee-16012.htm#.WD_4bn1lH9c ).
L’article 114 VI de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle précise que « Le I de l'article 56 ainsi que le 1° du I et le III de l'article 57 ne sont pas applicables aux affaires en cours ».
- Des affaires en cours
Ceci rappelé, il faut constater que les demandes en cours sont encore soumises à l’ancien article 60 du code civil. Il prévoyait que « toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom ».
Si le demandeur était mineur ou un majeur sous tutelle, la demande devait être faite sur requête du représentant légal. Si l’enfant a plus de 13 ans, son consentement personnel était requis.
La demande pouvait aussi porter sur « l’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms ».
La demande devait être portée devant le juge aux affaires familiales (JAF) (article L. 213-3 d) du code de l’organisation judiciaire), sur requête de l’intéressé.
La procédure concernée était celle prévue par les articles 1055-1 à 1055-5 du code de procédure civile. La demande en changement de prénom est présentée JAF dans le ressort duquel l'acte de naissance de l'intéressé a été dressé ou du lieu où demeure celui-ci.
Lorsque l'acte de naissance de l'intéressé était détenu par le service central de l'état civil du ministère des affaires étrangères, la demande pouvait aussi être présentée au juge du lieu où était établi ce service (Nantes).
Cette procédure n’était pas une simple formalité administrative et pouvait être un combat judiciaire de longue haleine pour l’intéressé. Il devait justifier sa demande par un intérêt légitime au changement. C’est le JAF qui appréciait in concreto l’intérêt légitime au changement de prénom. Il n’existe pas de définition juridique de l’intérêt légitime en la matière.
Les inconvénients de cette procédure étaient multiples. Elle était coûteuse pour le demandeur (l’assistance d’un avocat était obligatoire) et pouvait parfois être longue (conséquence de la lourde charge de travail des juridictions).
C’est sans doute l’engorgement des tribunaux qui a motivé le législateur à transférer le contentieux du changement de prénom hors du prétoire.
- Entrée en vigueur de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
L’article 1er alinéa 1er du code civil dispose que : « Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française [JORF], les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ».
Sur la simplification de la procédure en changement de nom, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle ne fixent aucune date d’entrée en vigueur. Elle s’applique donc le lendemain de sa publication (JORF n°0269 du 19 novembre 2016 - texte n° 1), soit dès le 20 novembre 2016.
- Depuis l’entrée en vigueur : la procédure « simplifiée » au changement de prénom
Pour toute demande nouvelle en changement de prénom, l’intéressé ne déposera plus directement de requête auprès du JAF.
Il devra demander à l’officier de l’état civil de la mairie de son lieu de résidence ou de son lieu de naissance son changement de prénom.
Comme l’ancienne législation, la demande doit être motivée par un « intérêt légitime ». Néanmoins, c’est l’officier d’état civil qui appréciera in concreto son existence, au moment où il est saisi de la demande.
S’il accepte la demande, la décision de changement de prénom sera inscrite sur le registre de l’état civil. L’officier de l’état civil peut s’inspirer de la jurisprudence en la matière pour accepter le changement de prénom : Cas de transsexualisme (Cass. Civ. 1, 16 décembre 1975, D. 1976, p. 397, note LINDON), usage prolongé d’un prénom (Cass. Civ. 1, 10 octobre 1984, Gaz. Pal. 1985, 1, 187, note J. M), motif religieux ou culturel (TGI Lilles, 18 décembre 2003, D. 2004, p. 2675, note X. LABBÉ), changement de prénom pour un binational suite à une décision d’une juridiction étrangère (Cass. Civ. 1, 25 octobre 2005, Bull. Civ. I, n° 391) ou d’un ministère de l’Intérieur étranger (Cass. Civ. 1, 23 mars 2011, Bull. Civ. I, n° 60).
En cas de refus, il devra saisir sans délai le procureur de la République et informer le demandeur de sa saisine.
L’article 60 du code civil prévoit deux situations de refus au changement de prénom : la protection de l’intérêt de l’enfant et le droit des tiers à voir protéger leur nom de famille.
Ces cas ne sont pas limitatifs, et l’on peut imaginer que l’officier d’état civil puisse refuser le changement de prénom pour d’autres raisons, tels que le motif de convenance par exemple (Cass. Civ. 1, 20 février 1996, Bull. Civ. I, n° 98).
Si le procureur de la République s'oppose à ce changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut alors saisir le JAF.
Le JAF reste compétent en la matière, et l’assistance d’un avocat reste obligatoire. Le demandeur devra justifier sa demande en changement de prénom par un intérêt légitime.
- Une simplification « partielle »
Si l’officier de l’état civil accepte le changement de prénom, parce qu’il est « évident » que l’intéressé justifie d’un intérêt légitime, la procédure est effectivement simplifiée.
Néanmoins, les difficultés de temps et de coût, ci-dessus énoncées, persistent lorsque l’intérêt légitime est « discutable ». Il faudra attendre que le procureur de la République se prononce avant de pouvoir saisir le JAF. Les délais de traitement des demandes en changement de prénom devant les juridictions resteront inchangés par rapport à l’ancienne législation. On peut aussi penser qu’ils seront encore plus longs, puisqu’on se retrouve dans une procédure à 3 interlocuteurs (officier de l’état civil, procureur de la République et JAF) au lieu de 2 (JAF et procureur de la République) sous l’ancienne législation.