La Cour de cassation confirme une jurisprudence constante relative à la rupture anticipée du contrat à durée déterminée sur le fondement de l’article L. 1243-1 du Code du travail dans son arrêt du 10 février 2016, Pourvoi n° 14-30.095.
En, l’espèce le salarié, un entraineur professionnel, a fait l'objet d'une mise à pied de façon conservatoire, puis d’un entretien préalable et a licencié le 11 octobre 2011. Il conteste et saisit la juridiction prud'homale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et réclame des indemnités au titre du préjudice moral et professionnel et le paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire.
Pour le débouter de ses demandes, les juges d’appel font prévaloir les dispositions de l'article 679 de la charte professionnelle du football (convention collective) sur les dispositions législatives.
Le salarié se pourvoit et c’est sans surprise que les juges de cassation cassent l’arrêt d’appel :
« Attendu, cependant, qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L. 1243-1 du code du travail, auxquelles ni la charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, ni le contrat de travail ne peuvent déroger dans un sens défavorable au salarié, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser une faute grave imputable au salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » Cass. soc., 10 février 2016, Pourvoi n° 14-30.095
L’article L. 1243-1 du Code du travail définit les conditions de rupture anticipée du contrat à durée déterminée, c'est-à-dire avant le terme convenu dans le contrat dans les 3 cas suivants:
- avec l’accord des parties résultant de leur volonté claire et non équivoque de mettre un terme au contrat (Cass. Soc. 21 mars 1996 Pourvoi n°93-40.192 ; Cass. Soc. 6 octobre 2004 Pourvoi n°02-44.323) ;
- en cas de faute grave qui permet à chaque partie de rompre unilatéralement ; ou
- en cas de force majeure.
Toutefois, l’article L. 1243-2 du même code prévoit la possibilité pour le salarié de rompre le contrat de travail à durée déterminée avant l’échéance du terme à condition de justifier de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée. A défaut d'accord entre les parties, le salarié doit respecter un délai de préavis ne pouvant excéder 2 semaines.
Il ressort de la Circulaire ministère du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle DRT no 90/18 du 30 octobre 1990 que les dispositions qui régissent la résiliation du contrat à durée déterminée dont d’ordre public (Circ. DRT 90/18 du 30 octobre 1990, BO/TR/ 90/24).
L’article 6 du Code civil dispose : « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». La notion d’ordre public repose sur l’idée d’intérêt général et le but est de fixer des limites à la liberté contractuelle. L’ordre public détermine l’ensemble des règles auxquelles les parties ne peuvent contractuellement déroger.
En conséquence, la rupture anticipée intervenue en dehors des cas prévus par la loi est constitutive de rupture abusive ouvrant droit à des dommages et intéréts.
L’arrêt n’est pas novateur en soi puisque depuis longtemps, la Cour de cassation rappelle que les conventions et accords collectifs (charte du football professionnel) qui encadrent l'activité de sport ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public du Code du travail que si elles sont plus favarobles aux salariés.
En ce sens voir :
- Cass. Soc. 6 mai 1998 Pourvoi n° 96-40.867 : la mise en redressement judiciaire d'un club de football employeur ne constitue pas en soi un cas de force majeure susceptible de justifier la rupture anticipée des contrats de travail à durée déterminée des joueurs professionnels ;
- Cass. soc. 23 mars 1999 n° 96-40.181 : pour inaptitude physique d'un salarié consécutive à un accident de travail.