L’autorisation d’exercice des activités des Associations Sans But Lucratif de Droit Etranger en République Démocratique du Congo : décret ou ordonnance présidentielle ?
Par
Maitre Edmond MBOKOLO ELIMA
Avocat au Barreau de l’Equateur (ex. Mbandaka)
Assistant à la Faculté de Droit
Université de Mbandaka en République Démocratique du Congo
E-Mail : edmondjean@gmail.com
Web : www.avocatmbokolo.fr.gd
Blog : www.legavox.fr/blog/maitre-edmond-mbokolo-elima/
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1. Contexte
Le lundi 04 mai 2020 s’est tenue, par vidéo-conférence la 29ème réunion du Conseil des Ministres, sous la présidence de Son Excellence Monsieur Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République, Chef de l’Etat.
A l’issue de cette réunion et suivant le compte rendu présenté par Son Excellence David-Jolino DIWAMPOVESA-MAKELELE MA-MU ZINGI, Ministre d’Etat, Ministre de la Communication et Médias et Porte-Parole du Gouvernement, plusieurs dossiers ont été adoptés, en l’occurrence les textes proposés par le Vice-Premier Ministre, Ministre de la Justice et Garde des Sceau relativement aux projets de décrets accordant l’autorisation d’exercer les activités en République Démocratique du Congo à l’Association sans But Lucratif Confessionnel de Droit Etranger dénommée « Médecins Sans Frontières », en sigle MSF Espagne et l’Association Sans But Lucratif Confessionnelle de Droit Etranger dénommé « Médecins Sans Frontières, en sigle MSF Hollande.
En effet, le Chef de l’Etat ne cesse de prôner théoriquement un Etat de droit, pendant que, l’adoption de deux textes règlementaires susvisés, dont lui-même avait présidé la réunion violent intentionnellement les textes juridiques en la matière, notamment la loi n° 004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux associations sans but lucratif et aux établissements d’utilité publique, pendant que le Cabinet du Président de la République, ceux du Premier Ministre et Vice-Ministre, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux sont composés des érudits scientifiques et les juristes de renoms qui peuvent les aider à parfaire cette vision consistant à faire de la RDC véritablement un ETAT de droit.
C’est dans cette logique que, la présente étude se dote le luxe de traiter la matière relative au régime juridique d’autorisation de l’exercice des activités des Associations Sans But Lucratif de Droit Etranger en République Démocratique du Congo. A cet effet, la majeure préoccupation consiste à expliquer conformément au compte rendu de la 29ème réunion du conseil des Ministres du lundi 04 mai 2020, si l’autorisation prévue à l’article 30 de la loi sur les ASBL devra être donnée par décret du Premier Ministre ou par ordonnance présidentielle à l’ère de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée par la loi n° n° 11/002 du 20 janvier 2011.
2. Que dit la loi sur l’exercice des activités en RDC par les ASBL de Droit Etranger
N’est point besoin de rappeler que, les associations sans but lucratif et établissements d’utilité sont organisées en droit congolais par loi n° 004/2001 du 20 juillet 2001. En effet, avant d’exercer leurs activités en RDC, les Associations Sans But Lucratif de Droit Etranger doivent obtenir une autorisation préalable conformément à l’article 30 qui prescrit qu’aucune association étrangère ne peut exercer ses activités en République Démocratique du Congo sans une autorisation du Président de la République donnée par décret sur proposition du Ministre de la Justice.
L’article 29 de la loi sous examen entend par étrangère, l’association sans but lucratif qui a son siège à l’étranger. Notre humble avis, c’est également celle dont la nature juridique est du droit étranger.
En conséquence, cette autorisation n’est pas l’accord de la personnalité juridique car, l’article 34 précise que, les associations étrangères autorisées ont la capacité juridique que leur reconnaît la loi du pays où elles ont leur siège social. Toutefois, elles ne peuvent avoir plus de droits que les associations sans but lucratif de droit congolais.
3. La proposition de l’autorisation d’exercice des activités en République Démocratique du Congo par les ASBL confessionnelles MSF Hollande et MSF Espagne
Conformément à l’article 32 qui dispose que l’association sans but lucratif confessionnelle adresse sa demande d’enregistrement et d’autorisation au Ministre de la Justice, nous estimons que la procédure suivi est régulière et parfaitement respectée à ce niveau, car lors du Conseil des Ministres, c’est le Vice-Ministre, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux qui avait proposé ces textes.
4. L’autorisation qui doit être accordée aux ASBL confessionnelles MSF Hollande et MSF Espagne est donnée par le Président de la République ou Premier Ministre ?
Sans amalgame juridique, la lecture de l’article 30 de la loi sous revue répond énergiquement à cette question, lorsqu’il dispose qu’aucune association étrangère ne peut exercer ses activités en République Démocratique du Congo sans une autorisation du Président de la République donnée par décret sur proposition du Ministre de la Justice.
Contrairement à la décision de la 29 réunion du Conseil des Ministres, ayant décidé que, ces deux ASBL des Droits Etrangers soient autorisées par le Premier Ministre dans un Décret, QUOD NON, car ladite autorisation doit au contraire être donnée par le Président de la République. Il s’agit là d’une confusion coupable et délibérée par rapport à l’acte règlementaire énoncé à l’article 30, lorsqu’il fait allusion au décret ? Le décret dont fait allusion l’article précédent est celui prévu par l’actuelle Constitution ? Il ne s’agit pas là d’un décret présidentiel du régime de décret-loi constitutionnel de 1997 et à la Constitution de la transition ? Voilà toute une litanie des questions qui entourent cette confusion entretenue par le Conseil des Ministre.
Pour répondre à toutes ces questions, il convient d’entrée de jeux de faire appel au Professeur Dr Eddy MWANZO Idin’AMINYE, lorsqu’il fait l’enseigne les notions d’ordonnance et décret suivant les régimes politiques.
Le Doyen Eddy MWANZO soutient sans vergogne et atermoiement que, les ordonnances ou décrets du Chef de l’Etat sont des textes de même nature, pris par ce dernier, en tant que Chef de l’Exécutif, en vertu des prérogatives qui lui sont reconnues par la Constitution. La Loi Fondamentale de 1960, la Constitution de Luluabourg de 1964, le Décret-loi constitutionnel de 1997 ainsi que la Constitution de la Transition, issue des assises de Sun City, optent pour l’appellation ‘‘DECRET’’.
Le Professeur Eddy MWANZO poursuit lorsqu’il souligne avec force que, la Constitution de 1967 (art. 45), l’Acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de Transition de 1993 (art. 35), l’Acte constitutionnel de Transition du 9 avril 1994 (art. 43) et l’actuelle Constitution (art. 93, al.2), choisissent l’appellation ‘‘ ORDONNANCE’’. Durant la période 1993-1997, l’Acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de Transition (art. 93) et l’Acte constitutionnel de Transition (art. 80) disposaient que le premier ministre exerce son pouvoir réglementaire par voie de décret.
Après avoir suivi religieusement cet enseignement du Professeur Eddy MWANZO, nous allons vite comprendre que, la loi n° 004/2001 du 20 juillet 2001 a été votée par le Général Major, le Président Honoraire et Sénateur à vie, Honorable Joseph KABILA KABANGE le 20 juillet 2001, six mois après sa prise des fonctions du Président de la République. A cette année, la République Démocratique du Congo fut gérée par le Décret-loi constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 relatif à l’organisation et à l’exercice du pouvoir en RDC pris par Laurent Désiré KABILA, spécialement en son article 5 qui dispose que « Le Président de la République exerce le pouvoir législatif par décrets lois délibérés en Conseil des Ministre. Il est le Chef de l’Exécutif et des Forces Armées. Il exerce le pouvoir règlementaire par voie des DECRETS….. ». Le concept DECRET comme acte réglementaire du Président de la République est également repris à l’article 71 de la Constitution de la transition du 04 avril 2003 qui prévoit que « le président de la République assure l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire par voie de DECRETS délibérés en Conseil des Ministres ». Aussi, l’article 94 alinéa 1 de la Constitution de la transition dispose que « le gouvernement exécute les lois et les décrets du présent de la République ».
Pour ainsi dire que, le régime de cette époque faisant que, le Chef de l’Etat exerce le pouvoir réglementaire par voie des DECRETS. D’où ce dernier acte a été repris à l’article 30 de la loi sur les ABSL. Il s’agissait là, d’un décret Présidentiel et non d’un décret du Premier Ministre.
C’est à l’avènement de la Constitution de la 3ème République en 2006 que, le législateur a distingué le décret pour le Premier Ministre, tandis que l’Ordonnance pour le Président de la République.
5. Conclusion
Le Conseil des Ministres doit revoir sa décision, car l’autorisation qui sera accordée à ces deux ASBL de droits étrangers sera illégale, car le Premier Ministre n’a aucune compétence de donner cette autorisation. C’est de la compétence exclusive du Président de la République.
Le terme DECRET évoqué à l’article 30 de la loi sur les ABSL de 2001 n’est pas l’acte du Premier Ministre tel que prévu à l’article 92 al. 2 de l’actuelle Constitution de la RDC. Il s’agit de DECRET à l’article 5 du Décret-loi constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 relatif à l’organisation et à l’exercice du pouvoir en RDC, également énoncé à l’article 71 de la Constitution de la transition en 2003.
En définitive, l’acte déterminé à l’article 30 de la loi sur les ABSL est subordonné à l’autorité visée. Il s’agit là, selon cet article du Président de la République qui, en 2001 statuait par voie de DECRET, et à l’ère actuelle, ce dernier est remplacé par ordonnance présidentielle.
Le Premier Ministre Congolais doit s’abstenir à règlementer les matières que la loi ne lui reconnait pas la compétence.
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Me Edmond MBOKOLO ELIMA© Copyright, Mbandaka_08_Mai 2020.
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