LA GUERRE DES MESSAGES OFFICIELS ENTRE LE VICE PREMIER MINISTRE, MINISTRE DE L'INTERIEUR, SECURITE, DECENTRALISATION ET AFFAIRES COUTUMIERES ET DU PRESIDENT DE L'ASSEMBLEE PROVINCIALE DE L'EQUATEUR: politique ou juridisme ?
La Province de l'Equateur traverse un moment dur de son histoire politique depuis l'installation des institutions de cette législature. En effet, la motion de défiance votée en date du 06 juillet 2021 en déchéance du Gouverneur Bobo Boloko Bolumbu et déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle a plongé les deux Institutions Provinciale dans une crise sans dénomination.
Cela étant, par son message officiel n°25/CAB/VPM/MININTERSEDECAC/ADWKD/078/2021 du 24 août 2021, le Vice Premier Ministre, Ministre de l'intérieur, sécurité, décentralisation et affaires coutumières a instruit, Monsieur l'Honorable Président de l'Assemblée Provinciale de l'Equateur, suite à son retour à Mbandaka sans respect de protocole de son rang, ce qui a occasionné par conséquence, le trouble à l'ordre public et lui a interdit de poser les actes de nature à engager l'Assemblée Provinciale et de rejoindre illico Kinshasa dès la première occasion.
Ceci étant dit, l'examen minutieux de ce message officiel nous pousse à retirer deux problèmes mieux situations, à savoir : le rappel à Kinshasa et l'interdiction de poser les actes.
1. Le rappel à Kinshasa : est conforme à la loi
Dans le cadre d'une bonne collaboration entre le Gouvernement central avec les Institutions Provinciales, surtout que le Ministère de l'intérieur forme un véritable pont entre les Provinces et le Pouvoir central, le rappel contenu dans ce message officiel ne viole aucune loi du pays. En exubérance, l'ordonnance n°20/017 du 27 mars 2020 fixant les attributions de Ministères qui a revu celle n°17/025 du 10 juillet 2017 prévoit que le Ministère de l'intérieur a pour mission : - le suivi et surveillance des mouvements de la population à l'intérieur du pays, - le maintien de l'ordre public, de la sécurité publique et protection des personnes et de leurs biens.
Cette lecture nous pousse à dire que si le VPM a constaté que le retour de l'Honorable Président de l'Assemblée Provinciale a occasionné des actes qui troublent l'ordre public et la sécurité publique, étant le patron de la police administrative (prévention), il a tout le droit d'interpeller tout celui qui est jugé être auteur desdits troubles de l'ordre public. Ceci rentre dans le cadre de ses prérogatives légales. Par-là, le Président de l'Assemblée Provinciale n'a aucun droit de boycotter ou s'opposer à ce rappel du Vice Premier Ministre, Ministre de l'intérieur.
2. L'interdiction de poser les actes comme Président de l'Assemblée Provinciale : une violation intentionnelle de la loi car l'exécutif à tous les niveaux ne peut pas entraver la mission d'un Parlementaire (deux pouvoirs distincts).
Abordant ce deuxième volet du message officiel, il sied de préciser sans atermoiements qu'aucune loi de la République, en l'occurrence la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour, la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à l'administration des Provinces et le Règlement Intérieur de l'Assemblée Provinciale ne reconnaissent au Ministre de l'intérieur la capacité ou le pouvoir d'interdire à un Parlementaire, de surcroît Président de l'Assemblée Provinciale de poser les actes qui engagent cette dernière. C'est un ordre manifestement illégal qui ne peut être exécuté conformément à l'article 28 de la Constitution sus-visée.
Le pire est que le comportement du Président de l'Assemblée Provinciale vis-à-vis du Gouvernement central par le biais du Vice Premier Ministre, Ministre de l'intérieur sape la bonne collaboration entre les deux échelons d'exercice du pouvoir d'État. Son message officiel d'accusé de réception n°0112/AP/BUD/EQ/2021 du 25 août 2021 imprime une méconnaissance et insubordination contre les prérogatives de VPM MININTERSEDECAC dans son aspect du maintien de l'ordre public et pour la sécurité publique. Une maladresse commise en boycottant de répondre à son rappel. Alors que le Président de l'Assemblée Provinciale qui se réclame n'être soumis au VPM MININTERSEDECAC avait, à titre de jurisprudence, répondu à son message officiel n°25/CAB/MININTERSEDECAC/AOWKD/063/2021 du 08 juillet 2021 où il fût rappelé à Kinshasa avec le Gouverneur après le vote de la motion anticoncurrentielle.
Eu égard à tout ce qui précède, il est de constat macabre que la situation politique de l'Assemblée Provinciale de l'Equateur caractérisée par une crise interne entre d'une part les membres du bureau définitif et d'autres par les collègues députés ainsi qu'avec l'Exécutif Provincial risque de pousser le même VPM, pour la sécurité publique et l'ordre public, à ordonner la fermeture provisoire de l'organe délibérant, d'où, il faut une certaine sagesse de la part des députés provinciaux. Mais logiquement, en ce moment précis, aucune condition prévue à l'article 19 de la loi de 2008 n'est réunie pour envisager une éventuelle dissolution de l'Assemblée Provinciale.
En terme de notre péroraison, il faut affirmer que le Vice Premier Ministre, Ministre de l'intérieur n'est pas habilité à interdire au Président de l'Assemblée Provinciale de poser les actes, mais il a le droit de lui interpeler à Kinshasa dans le cas du maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité publique ainsi que dans ses prérogatives migratoires.
A cet effet, le Président de l'Assemblée Provinciale devrait répondre à ce message officiel dans son aspect rappel à Kinshasa au lieu de créer une guerre entre les deux messages officiels, ce qui n'est pas du tout bon car le Gouvernement central ne communique avec les Provinces en terme de sécurité publique qu'à travers son Ministère de l'intérieur car la politique emporte toujours sur le juridisme.
Me Edmond Mbokolo Elima
Avocat au Barreau de l'Equateur
Assistant à la FAC DE DROIT UNIVERSITE DE MBANDAKA
Inscrit de troisième cycle à l'UNIVERSITE DE KINSHASA