Paiement des frais ou taxe de dépistage à la Covid-19 par les voyageurs locaux ou interprovinciaux : de l’illégalité à l’orchestration d’une tracasserie frontalière par le Ministère de la Santé publique congolais.
Par Me Edmond MBOKOLO ELIMA, Avocat au Barreau de l’Equateur, Assistant à la Faculté de Droit de l’Université de Mbandaka/RDC
Dans son communiqué du 20 juillet 2020, la Direction Générale de l’Institut National de Recherche Biomédicale (INRB en sigle) signale aux voyageurs que le dépistage de la COVID-19 s’effectue tous les jours aux prix de 30 USD. En levant l’Etat d’urgence sanitaire le 21 juillet 2020, le Président de la République, son Excellence Félix Tshisekedi a annoncé la reprise des mouvements migratoires et interprovinciaux, l’ouverture des ports, des aéroports et des frontières au 15 août dernier, promesse qui est accomplie.
En effet, suivant la décision du Gouvernement à travers son Ministère de la Santé publique, tout voyageur devra désormais se faire dépister à la Covid-19 moyennant 30 USD. Ces frais sont payés en plus de 10 USD de Go-Pass et 05 USD pour la taxe d’embarquement.
Il faut noter que, selon le Secrétariat technique de la riposte contre la Covid-19, il s’agit là d’une initiative privée de l’INRB, en tant que laboratoire, d’offrir ce service de dépistage conditionné aux voyageurs. Il revendique donc le droit de fonctionner en tant qu’une entité autonome et indépendante du Secrétariat technique de riposte offrant ses services biomédicaux aux personnes désireuses.
Il est de constat ostentatoire que, la perception de ces frais et/ou taxe dans les dos des voyageurs locaux ou interprovinciaux est illégale et constitue une tracasserie de la part du Ministère de la santé publique en détour de son service technique, l’INRB.
Pour mieux cerner cette question qui angoisse la population congolaise, nous allons analyser à la queue leu leu la légalité de la perception des frais administratifs et taxes (1), de l’illégalité des frais ou taxe de dépistage à la Covid-19 pour les voyageur locaux ou interprovinciaux (2), de la légalité des frais ou taxe de dépistage à la COVID-19 pour les voyageurs étrangers (3), et enfin, répondre à la question de savoir : quel type des démarches que doit amorcer le Gouvernement congolais de lege ferenda pour la légalisation de cette taxe payée par les voyageurs locaux ou interprovinciaux ? (4).
1. De la légalité de la perception des frais administratifs et taxes en RDC
Laconiquement, il faut rappeler que, la taxe est un prélèvement obligatoire opérée par l’Etat ou la collectivité territoriale sur les usagers de certains services publics. Elle représente la contrepartie monétaire du service rendu par la personne publique sans qu’il n’y ait correspondance entre son montant et le prix réel de la prestation.
En d’autres termes, la taxe un prélèvement unilatéral des pouvoirs publics sur les personnes physiques ou morales et qui rémunère un service déterminé. C’est une rémunération pour service rendu.
L’article 65 de la Constitution du 18 février 2006, telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo dispose que tout congolais est tenu de remplir légalement ses obligations vis-à-vis de l’Etat. Il a, en outre, le devoir de s’acquitter de ses impôts et taxes.
Etant donné que la taxe relève de la fiscalité, nous osons croire que l’article 174 alinéa 1 de la Constitution qui édicte qu’il ne peut être établi d’impôt que par la loi s’applique mutatis mutandis à la taxe, malgré que cela n’a pas été expressément libellé.
En vertu du principe de la légalité de l’impôt et de la taxe, cette dernière ne peut exister qu’en vertu d’une loi.
En République Démocratique du Congo, la légalité des droits et taxes est basée dans l’ordonnance loi n°18/003 du 13 mars 2018 fixe la nomenclature des droits, taxes et redevances du Pouvoir central qui a abrogé l’ordonnance n°13/002 du 23 février 2013.
En effet, l’article 5 de cette ordonnance prévoit qu’il ne peut être institué d’autres droits, taxes, et redevances au profit du Pouvoir central qu’en vertu d’une loi, après avis préalables des Ministres ayant le Budget et les finances dans leurs attributions.
Dans le même ordre d’idées, l’article 3 alinéa 2 de ladite ordonnance dispose que la perception des frais administratifs, en plus de ces droits, taxes et redevances est prohibée. Tout acte instituant des tels frais ou amputant des droits dus au trésor public est nul de plein droit.
Etant donné que, l’INRB relève du Ministère de la santé publique, ses recettes sont perçues en faveur du Pouvoir central, par voie de conséquence, soumises à l’ordonnance-loi sus-analysée.
2. De l’illégalité des frais ou taxe de dépistage à la Covid-19 pour les voyageurs locaux ou interprovinciaux
Comme dit supra, la taxe (ou frais administratifs) perçue par l’INRB auprès des voyageurs locaux et interprovinciaux est purement et simplement illégale pour la simple raison que, l’ordonnance-loi n°18/003 du 13 mars 2018 fixe la nomenclature des droits, taxes et redevances du Pouvoir central n’institue pas une taxe ou droit à percevoir auprès des voyageur au profit du Ministère de la Santé publique (à travers INRB, son organe technique).
Un problème similaire s’était posé en 2017 avec l’institution de la taxe de pollution en faveur du Ministère de l’Environnement et Développement Durable. Suivant un arrêté interministériel du 10 août 2017 les Ministres des Finances et son collègue de l’Environnement avaient institué illégalement la taxe sur la pollution au mépris de l’ordonnance n°13/002 du 23 février 2013 fixant la nomenclature des droits, taxes et redevances du Pouvoir Central qui ne s’instituait pas cette taxe au profit du Gouvernement Congolais.
Après plusieurs pressions des organisations qui défendent les droits des opérateurs économiques, dont notamment la FEC, le Gouvernement a dû légaliser cette taxe en 2018 lors de la promulgation de l’ordonnance-loi n°18/003 du 13 mars 2018.
3. De la légalité des frais ou taxe de dépistage à la COVID-19 pour les voyageurs étrangers
L’ordonnance-loi n°18/003 du 13 mars 2018 fixe la nomenclature des droits, taxes et redevances du Pouvoir centrale prévoit pour le compte du Ministère de la santé publique la taxe sur la délivrance du carnet international de vaccination avec comme acte générateur vaccination à l’occasion d’un voyage à l’étranger. C’est dans ce cadre que, la taxe, mieux les frais administratifs sollicités pour le dépistage des voyageurs étrangers à la covid-19 semble être conforme à la loi.
A notre humble avis, l’Etat est libre de rendre obligatoire une vaccination surtout pour ceux qui voyagent à l’étranger. Et là, les voyageurs peuvent être vaccinés ou dépistés non seulement contre certaines maladies comme rougeole, poliomyélite, etc…mais aussi contre la COVID-19….
4. Quelle démarches que doit amorcer le Gouvernement de lege ferenda pour la légalisation de cette taxe payée par les voyageurs locaux ou interprovinciaux ?
Lors de la 46ème réunion du Conseil des Ministre, Présidée par son Excellence Monsieur Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République, Chef de l’Etat, il a fait état des plaintes de la population au sujet des tests exigés avant tout déplacement principalement à l’intérieur du pays, lesquels seraient un prix exorbitant et variable selon les villes.
Bien plus, poursuit le Président de la République, l’on a dénoncé de cas de complaisance observée dans l’octroi des attestations à certaines personnes moyennant de l’argent et sans avoir effectué un prélèvement au préalable.
C’est dans cette perspective que nous suggérons la légalisation de cette taxe que l’INRB appelle abusivement droits administratifs afin de mettre fin à cette tracasserie orchestrée par le Ministère de la santé publique et certains établissements de santé. Il faut que le Gouvernement prépare un projet de loi, ou encore en vertu de l’article 129 de la Constitution, il faut qu’une ordonnance-loi soit prise après habilitation par le Parlement congolais afin de dissiper tout malentendu et fixer au rabais le prix.