CA DIJON, 25 mai 2023, RG n° 21/00212 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de DIJON est amenée à apprécier le caractère motivé ou non de réserves émises par un employeur lors de la déclaration d’un accident du travail.
En la matière, l’article L. 441-2 du code de la sécurité sociale impose à tout employeur de déclarer tout accident dont un de ses salariés est victime auprès de la CPAM. Cette déclaration doit être faite dans un délai de 48 heures à compter de sa connaissance conformément à l’article R. 441-13 du même code.
Chose nouvelle apparue récemment suivant un décret du 09 juin 2023 : Dans l’hypothèse d’un accident du travail mortel, l'employeur informe l'agent de contrôle de l'inspection du travail compétent pour le lieu de survenance de l'accident immédiatement et au plus tard dans les douze heures qui suivent le décès du travailleur, sauf s'il établit qu'il n'a pu avoir connaissance du décès que postérieurement à l'expiration de ce délai
Lors de la déclaration d’accident, l’employeur a la possibilité de joindre des réserves en vue de contester la matérialité de l’accident. En cas de réserves motivées, l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en la cause, la CPAM se doit de diligenter une instruction en adressant un questionnaire aux protagonistes concernés ou procède à une enquête auprès de ces derniers.
Le code de la sécurité sociale ne donne aucune définition de ce qu’il faut entendre par réserves motivées.
La jurisprudence a ainsi précisé depuis longtemps que « les réserves visées par ce texte s'entendant de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail » (Cass. civ. 2ème, 10 juillet 2008, n° 07-18.110).
Au stade de la rédaction de ces réserves, l’employeur n’a pas à rapporter la preuve absolue que l’accident contesté n’a pas un caractère professionnel. Dès lors, la CPAM n’a pas à apprécier leur bien-fondé, ce qui sera le but de l’enquête (Cass. civ. 2ème, 11 mai 2023, n° 21-19.320 ; Cass. civ. 2ème, 05 janvier 2023, n° 21-15.025).
Au cas présent, le 14 septembre 2018, un salarié aurait été victime d'un accident du travail. Son employeur a procédé à sa déclaration auprès de la CPAM mentionnant, en réserves, « Absence de témoins ».
Sans enquête, celle-ci a pris en charge l'accident au titre de la législation relative aux risques professionnels. Ultérieurement, l'employeur a saisi les juridictions de sécurité sociale en vue d'obtenir l'inopposabilité de cette décision.
Se pose donc la question de savoir si le simple fait de mentionner « absence de témoin » sans plus de précision peut constituer des réserves motivées contraignant la CPAM à devoir diligenter une instruction.
Pour la Cour d’appel de DIJON, la réponse est oui.
En premier lieu, elle rappelle que la CPAM est tenue de respecter le principe de la contradiction et qu'elle doit démontrer l'avoir respecté. En l'espèce, la Cour d’appel relève que la société a bien coché la case "réserve motivée" avec la mention "Absence de témoin" lors de la déclaration d'accident de travail.
Pour elle, la mention "Absence de témoin" constitue des réserves motivées dans la mesure où elle porte sur la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur concernant les circonstances de temps et de lieu de celui-ci.
Aussi, la caisse a l'obligation en cas de réserves exprimées par l'employeur de procéder à une enquête contradictoire, notamment en adressant des questionnaires, ce qu'elle n'a pas fait en l'espèce.
Le principe de la contradiction n'a pas été respecté, de sorte que la Cour d’appel déclare inopposable à l'employeur la décision de prise en charge.
On notera que cette position n’est pas isolée. Récemment, la Cour d’appel de GRENOBLE a jugé dans le même sens (CA GRENOBLE, 15 mai 2023, RG n° 21/04534).
Elle a estimé que les réserves de l'employeur doivent être motivées, sans qu’il ne soit exigé qu'elles soient pertinentes, développées, détaillées ou corroborées, ce qui reviendrait à ajouter à la condition posée par le texte. Au contraire, l'instruction menée par la caisse a justement pour objet de vérifier la pertinence des réserves et de lui permettre d'en apprécier la valeur.
La réforme de 2019 n’a apporté aucune modification quant à la définition des réserves motivées posée par la jurisprudence. Cependant, elle fixe un délai de dix jours à compter de la déclaration d’accident du travail au terme duquel l’employeur peut émettre des réserves.
Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON en droit du travail et droit de la sécurité sociale
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.