Conformément à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, la faute inexcusable de l’employeur suite à la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ouvre droit au salarié victime à une indemnisation complémentaire. Pour autant, aucune disposition législative ne définit la notion de faute inexcusable.
La jurisprudence est donc venue préciser les contours de cette définition. Initialement, la faute inexcusable s’entendait comme une faute d'une exceptionnelle gravité, dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience que devait avoir son auteur du danger qui pouvait en résulter et de l'absence de toute cause justificative (Cass. , ch. réun., 15 juill. 1941 ; Cass. ass. plén., 18 juillet 1980, n° 78-12.570).
Par une série d’arrêts du 28 février 2002, dans le cadre du contentieux lié à l’exposition à l’amiante, la chambre sociale de la Cour de cassation a redéfini la faute inexcusable en se référant directement à l’obligation de sécurité de résultat pesant sur l’employeur à l’égard de ses salariés. Ainsi, le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Cass. soc., 28 février 2002, n° 99-18.389).
Il en ressort que l’existence de la faute inexcusable d’un employeur dans la survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle nécessite la réunion des éléments suivants :
- La conscience du danger (1)
- Les mesures prises en vue d’assurer la sécurité et préserver la santé des salariés (2).
1. Sur la condition relative à la conscience du danger
En premier lieu, il appartient au salarié de rapporter la preuve, qu’au moment de l’accident du travail ou de l’apparition de sa maladie professionnelle, que l’employeur avait conscience ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé.
Tel est le cas notamment lorsque l’employeur a été alerté sur un risque auquel est exposé ses salariés. Ainsi, l'employeur a nécessairement connaissance du danger dès lors que l’inspecteur du travail avait attiré son attention sur les défectuosités de son installation électrique (Cass. soc., 1er juin 1983, n° 82-12.311).
A cet égard, l’article L. 4131-4 du code du travail pose en faveur des salariés une présomption de faute inexcusable dans l’hypothèse où ces derniers et/ou les institutions représentatives du personnel avaient alerté, par le passé, l’employeur sur le risque qui s’est matérialisé.
Dans la situation inverse, la conscience du danger n’est pas rapportée dans la mesure où le salarié n’a pas averti son employeur sur l’existence d’un danger particulier pour sa santé et de la survenance d’un incident antérieur (Cass. civ. 2ème, 24 janvier 2013, n° 11-27.073).
De la même manière, le non-respect d’une réglementation sur un risque particulier caractérise la conscience du danger. Dans l’hypothèse où le salarié travaille dans des locaux extérieurs à l’entreprise, il appartient à l’employeur de se renseigner sur les dangers encourus par son salarié sur ce lieu de travail (Cass. civ. 2ème, 8 novembre 2007, n° 07-11.219).
Au contraire, dans l’hypothèse où l’employeur a parfaitement respecté la réglementation en vigueur ou en l’absence d’anomalie du matériel utilisé, la conscience du danger est généralement écartée (Cass. soc., 31 octobre 2002, n° 01-20.445).
De même, le caractère imprévisible d'une chute alors que les salariés respectaient les règles de sécurité et procédaient selon une technique habituelle permet d'écarter la possibilité d'une conscience du danger encouru (Cass. civ. 2ème, 10 juin 2003, n° 01-21.200).
Afin de caractériser la conscience du danger, il appartient aux juges du fond de rechercher si, compte tenu de son importance, de son organisation et de la nature de son activité, la société n'aurait pas dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié (Cass. civ. 2ème, 4 mai 2016, n°15-18.376 et 15-20.003).
2. Sur la condition relative aux mesures prises en vue d’assurer la sécurité et préserver la santé des salariés
En second lieu, le salarié doit rapporter la preuve que son employeur n’a pas pris toutes les mesures à sa disposition en vue d’éviter tout accident du travail ou l’exposition à un risque ayant conduit à la reconnaissance d’une maladie professionnelle.
A ce titre, on rappellera que tout employeur est tenu à une obligation de sécurité envers ses salariés en vertu des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail. Ainsi, en cas de méconnaissance de cette obligation, la faute inexcusable est reconnue.
Tel est le cas par exemple d’un employeur qui n’a pas vérifié que ses salariés, qui travaillaient à une hauteur de plus de trois mètres, emportent et utilisent les dispositifs obligatoires de sécurité sur un chantier dont il connaissait les risques pour avoir évalué les travaux à réaliser avec le client. En effet, selon les juges, « il appartient à l'employeur de veiller, à raison de l'obligation de sécurité de résultat à sa charge, à la mise en œuvre obligatoire des dispositifs de sécurité appropriés qui ne doit pas être laissée à la libre appréciation des salariés » (Cass. civ. 2ème, 16 décembre 2011, n° 10-26.704).
Au contraire, à partir du moment où l’employeur justifie avoir mis à la disposition de ses salariés l’ensemble des mesures de protections de sécurité appropriés, sa faute inexcusable est écartée (Cass. civ. 2ème, 2 avril 2015, n° 14-15.819).
S’agissant de cette seconde condition, la Cour de cassation attache une importance primordiale au document unique d’évaluation des risques dans lequel tout employeur doit évaluer les risques auxquels sont soumis ses salariés (Cass. Civ. 2ème, 11 février 2016, n° 15-10.152 ; Cass. Civ. 2ème, 12 octobre 2017, n° 16-19.412).
On relèvera également que la jurisprudence estime qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage (Cass. ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038).
Le Cabinet peut accompagner ou défendre, autant les salariés que les employeurs, dans une action judiciaire visant à reconnaître l’existence d’une faute inexcusable.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
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