Le code du travail ne fixe pas le régime juridique de la clause de non-concurrence, celui-ci ayant été intégralement façonné par les juges. Depuis un arrêt de principe en date du 10 juillet 2002, la validité d’une telle clause est largement admise par la Cour de cassation selon l’attendu de principe suivant (Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-45.135) :
« Attendu qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ».
Outre ces conditions, la clause de non-concurrence doit bien évidemment avoir été acceptée par le salarié, notamment lors de la signature de son contrat de travail ou d’un avenant comportant une telle clause, à moins qu’elle ne soit directement prévue par une Convention collective.
Il convient avant tout de revenir sur chacune des quatre conditions cumulatives susvisées.
1. La clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise
Derrière cette notion d’intérêt légitime se cache l’utilité pour tout employeur de limiter la liberté de travail de son futur ex-salarié.
Pour ce faire, celui-ci doit rapporter la preuve de l’existence d’un risque particulier de laisser partir un de ses anciens salariés auprès d’une entreprise concurrente. Concrètement, il peut s’agir par exemple de la spécificité des fonctions du salarié exigeant des compétences spéciales dans un certain domaine et acquises au cours de l’exécution du contrat de travail.
Tel n’est pas le cas d’un laveur de vitre, ces fonctions ne nécessitant aucune technicité particulière (Cass. soc., 14 mai 1992, n° 89-45.300).
Au contraire, caractérise l'existence d'un intérêt légitime justifiant la stipulation d'une clause de non-concurrence le fait que le salarié, en contact direct avec la clientèle, dispose de connaissances précises relatives à l'organisation et aux méthodes de l'entreprise, ainsi qu'à l'identité des patients et des médecins prescripteurs, outre le fait qu'il ait bénéficié d'une importante formation de technicien respiratoire, l'activité de l'employeur étant d'assurer le traitement de patients à domicile par l'installation et la maintenance de matériel technique respiratoire (Cass. soc., 25-09-2013, n° 12-19.999).
2. La clause doit être limitée dans le temps et l’espace
Toute clause de non-concurrence doit être limitée temporellement et spatialement. Cette condition se justifie dans la mesure où il n’est pas possible de limiter de manière illimité la liberté de travail du salarié.
Ainsi, est nulle la clause de non-concurrence permettant à l’employeur de modifier unilatéralement le périmètre géographique et la durée temporelle de ladite clause (Cass. soc., 28 avril 1994, n° 91-42.180).
De la même manière, est imprécise la clause de non-concurrence spécifiant ne couvrir que « le territoire du ou des départements sur lequel ou sur lesquels vous serez intervenu au cours de l’année précédant la cessation du présent contrat sur une zone géographique comprise entre les limites de ce ou de ces départements et une distance de 50 kms » (Cass. soc., 13 mars 2019, n° 17-11.197).
Au contraire, la clause visant le périmètre d’activité du salarié est limitée géographiquement (Cass. soc., 8 janvier 2020, 18-16.667).
3. La prise en compte des spécificités de l'emploi du salarié
Cette condition sous-entend que la clause de non-concurrence doit laisser la possibilité au salarié d’exercer normalement l’activité qui lui est propre.
Afin d’apprécier cette condition, les juges s’attachent avant tout au nombre d’années pendant lesquelles le salarié a exercé la fonction visée par la clause ainsi que la formation et l’expérience professionnelle de ce dernier.
La Cour de cassation a récemment cassé un arrêt ayant déclaré nul une clause de non-concurrence au motif de son étendue géographique trop large. La juridiction suprême reproche ainsi à la Cour d’appel de ne pas avoir rechercher si la salariée se trouvait dans l'impossibilité d'exercer une activité conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle (Cass. soc., 3 juillet 2019, 18-16.134).
En principe, dès lors que le salarié bénéficie d’une formation ou une expérience professionnelle lui permettant d’exercer plusieurs professions, la clause de non-concurrence pourra venir limiter la fonction qu’il exerçait au sein de son ancienne entreprise.
4. L’exigence d’une contrepartie financière
En contrepartie de son engagement de non-concurrence à l’issue de son contrat, le salarié doit recevoir une compensation financière.
Celle-ci ne doit pas être symbolique. A défaut, la clause est réputée nulle. Dans le même ordre d’idée, son montant ne doit pas être minorée en fonction de la cause de la rupture (Cass. soc., 25 janvier 2012, 10-11.590).
Cette indemnité a la nature d’un salaire et est donc soumise aux cotisations sociales. De la même manière, elle ouvre droit à des congés payés.
Il convient de relever également que la contrepartie financière ne doit pas être payée au cours de l’exécution du contrat de travail et bien après la rupture, sous peine de la voir juger nulle (Cass. soc., 15 janvier 2014, 12-19.472).
Compte tenu de la complexité et l’évolution de la jurisprudence en la matière, le Cabinet reste à votre disposition autant pour rédiger un contrat de travail comportant une telle clause que pour examiner la validité de celle-ci.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
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