CA RENNES, 23 mars 2023, RG n° 20/00471 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de RENNES est amenée à apprécier le bien-fondé d’un licenciement pour faute grave en raison d’un abandon de poste.
L’appréhension de la notion d’abandon de poste est amenée à évoluer ces prochaines années au regard de la nouvelle législation applicable et, plus particulièrement, le fait d’assimiler un abandon de poste à une démission implicite selon le nouvel article L. 1237-1-1 du code du travail.
Au cas présent, il était question d’une salariée engagée, le 07 novembre 2015, en qualité d'équipière polyvalence dans une pizzeria. A compter du 27 août 2017, elle a bénéficié d'un congé maternité jusqu'au 16 décembre 2017. Elle ne s'est, toutefois, pas présentée à l'issue dudit congé sur son lieu de travail.
Après mise en demeure, l'employeur l'a licencié pour faute grave en raison d'un abandon de poste, ce qu'elle a contesté en justice.
Avant de s’intéresser à la réalité et la gravité de la faute reprochée, la Cour d’appel de RENNES rappelle la définition d’une faute grave s’entendant comme la faute imputable au salarié constituant une violation de des obligations découlant de son contrat de travail ou de ses fonctions, qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis et impose son départ immédiat.
Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié. En cas de doute, il profite au salarié.
Traditionnellement, l’abandon de poste justifie un licenciement pour faute grave comme l’a rappelé récemment la Cour de cassation (Cass. soc., 7 décembre 2022, n° 20-17.119).
En revanche, on rappellera qu’un abandon de poste ne peut être retenu lorsqu’un salarié est en arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou maladie professionnelle, son contrat de travail étant suspendu jusqu’à l’organisation d’une visite de reprise auprès de la médecine du travail (Cass. soc., 13 mars 2019, n° 17-27.015).
Dans l’arrêt commenté, la Cour d'appel de RENNES relève que le congé maternité de la salariée prenait fin le 16 décembre 2017. De même, il n'était pas contesté par la salariée qu'elle ne s'était pas présentée sur son lieu de travail à l'issue dudit congé.
La Cour d’appel constate que l'employeur lui avait adressé une mise en demeure de reprendre le travail le 20 décembre 2017 à laquelle celle-ci n'avait pas donné suite. Au contraire, la Cour note que la salariée avait déjà sollicité, par le passé, une rupture conventionnelle qui lui avait été refusée.
Sur ce point, l'employeur produisait un témoignage du responsable de la salariée qui indiquait qu'après ce refus, elle lui avait fait part de son souhait de ne pas reprendre son travail à l'issue de son congé maternité. En réponse, le responsable lui a indiqué que cette absence était susceptible de caractériser un abandon de poste, ce à quoi, elle aurait répondu que c'était la seule façon pour garantir ses allocations chômage.
Ainsi, pour la Cour, au regard de l'ensemble de ces éléments, la faute grave reprochée à la salariée, qui ne s'est plus présentée à son poste de travail à l'issue de son congé de maternité sans donner d'explication et qui n'a pas répondu à la mise en demeure qui lui a été préalablement adressée, est justifiée.
Elle déboute donc la salariée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.
Comme indiquée plus haut, ce type de contentieux a vocation à évoluer dans le futur au regard de l’existence d’une démission implicite en cas d’abandon de poste.
En effet, l’article L. 1237-1-1 du code du travail précise que « le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l'employeur, est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai ».
A ce jour, l’application pleine et entière de ce texte n’est pas garantie puisqu’un décret doit venir donner des précisions quant à cette modalité de rupture, celui-ci devant être adopté dans les prochaines semaines.
En tout état de cause, se posera la question de savoir si l’employeur aura toujours la possibilité de licencier pour faute grave en cas d’abandon de poste ou si, au contraire, la démission présumée sera obligatoire.
Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON en droit du travail et droit de la sécurité sociale
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.