CA AIX-EN-PROVENCE, 03 décembre 2021, RG n° 21/07323 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel d’AIX-EN-PROVENCE est amenée à statuer sur le bien-fondé d’un recours en matière de contestation d’un avis d’inaptitude.
En la matière, on se reportera avant tout à l’article L. 4624-7 du code du travail qui permet à tout salarié ou employeur de contester le bien-fondé d’un avis émis par le médecin du travail. Il peut alors s’agir d’un avis d’aptitude avec réserves ou d’un avis d’inaptitude.
Pour ce faire, la contestation judiciaire se doit d’être rapide contrairement à l’accoutumée dans la mesure où le recours au juge ne suspend pas les effets de l’avis du médecin du travail.
A titre d’illustration, la jurisprudence estime qu’un tel recours ne suspend pas le délai d’un mois de reprise de paiement des salaires après le prononcé d’une inaptitude (Cass. soc., 9 avril 2008, n° 07-41.141).
Par ailleurs, chose des plus surprenantes, alors même que le médecin du travail a émis l’avis contesté, ce dernier n’est pas partie au litige mais est simplement informé par l’employeur de la contestation selon l’article précité.
Dans le cadre de ce recours, le Conseil de prud’hommes peut ordonner la mise en œuvre d’une expertise confiée au médecin inspecteur du travail qui devra apprécier le bien-fondé de l’avis contesté.
La Cour de cassation a récemment indiqué que les juridictions prud’homales ont un libre pouvoir d’appréciation en la matière, le prononcé d’une expertise n’étant qu’une simple faculté et non une obligation (Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-20.944).
En l’espèce, il était question d’un salarié embauché en qualité d’ouvrier autoroutier depuis le 18 avril 1995. Le 16 juin 2020, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste, apte à un autre, inapte comme travailleur de nuit, apte sans travail de nuit. Il a contesté cet avis d'inaptitude devant le Conseil de prud'hommes.
En premier lieu, il soulevait une irrégularité formelle dudit avis. A cet effet, selon l’article R. 4624-42 du code du travail, une inaptitude ne peut être prononcée par le médecin du travail que :
- S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
- S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
- S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ;
- S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.
Au cas présent, la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE note que l'avis d'inaptitude comprend la mention de la réalisation par le médecin du travail, le même jour, d'une étude du poste, d'une étude des conditions de travail et d'un échange avec l'employeur et indique que la fiche d'entreprise a été actualisée en dernier lieu le 21 novembre 2016.
Elle précise que la réalisation de ces formalités par le médecin du travail ne requiert pas un formalisme particulier. Le salarié ne versant aux débats aucun élément de nature à rapporter la preuve de la fausseté de ces mentions, elle écarte ce premier moyen.
Sur le bien-fondé de l'inaptitude, la Cour note que les conclusions du Médecin du travail sont parfaitement claires. En effet, ce dernier a estimé que le salarié était inapte aux fonctions d'ouvrier autoroutier de jour comme de nuit, inapte à tous postes de nuit et apte à tous postes de jour, à l'exception des fonctions d'ouvrier autoroutier.
Or, le salarié ne produisait aucun élément, notamment un contre-avis médical, de nature à remettre en cause les conclusions du médecin du travail.
Dès lors, et compte tenu de la carence probatoire du salarié, elle le déboute de son recours, y compris de sa demande d'expertise.
Dans ce type de litige, il est donc primordial d’apporter des éléments médicaux venant en opposition aux conclusions du médecin du travail en vue de convaincre les juges d’ordonner une expertise.
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.