CA METZ, 22 juillet 2021, RG n° 19/01297 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de METZ est amenée à apprécier la validité d’une démission donnée par SMS selon les termes suivants : «j'pourrais plus reprendre le taf ».
Tout d’abord, et comme nous l’avions déjà rappelé dans un précédent article, le code du travail ne fixe aucune définition de la démission. De manière constante depuis le siècle dernier, la jurisprudence énonce que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail (Cass. soc., 5 novembre 1987, 84-45.098).
L’important est donc que le salarié doit fait part à son employeur de son intention définitive de ne pas revenir travailler.
Sur ce point, il est utile de préciser que la démission ne nécessite pas forcément un écrit en bonne et due forme, même s’il est hautement privilégié d’y recourir pour des questions de preuve autant pour l’employeur que pour le salarié.
A titre d’illustration, la preuve de la démission peut être rapportée par des témoignages de collègues qui attestent du souhait de la salariée en cause de sa volonté de quitter l’entreprise à la suite de son déménagement en Saône-et-Loire, les trajets en train présentant des difficultés (Cass. soc., 26 septembre 2016, n° 15-18.501).
Par ailleurs, et comme le dispose l’article L. 1231-4 du code du travail, le salarié ne peut pas renoncer à l’avance de son droit de démissionner qui est une prérogative d’ordre public.
Dans le cas de l’arrêt commenté, un salarié a été recruté, en qualité de chauffeur routier, par CDI prenant effet au 6 novembre 2017. A peine quelques jours après son embauche, le 10 novembre 2017, le salarié a démissionné en adressant à son employeur le SMS suivant : « j'pourrais plus reprendre le taf ».
Il a, ultérieurement, saisi le CPH en vue de réclamer des dommages et intérêts.
La Cour d’appel est donc amenée à apprécier si ledit SMS caractérise une volonté claire et non équivoque du salarié de rompre son contrat de travail.
Après avoir rappelé la définition de la démission, la Cour relève que le SMS est certes laconique, mais que pour autant, il exprime une volonté du salarié de ne plus reprendre le travail. Pour en arriver à une telle conclusion, elle note que le salarié ne fait état dans son SMS d'aucun conflit et n'a émis aucune réserve avant de saisir le Conseil de prud'hommes six mois plus tard.
De même, elle note que les faits de harcèlement moral invoqués par le salarié dans le cadre de son action judiciaire ne sont, d’une part, pas démontrés et, d’autre part, concerneraient des faits postérieurs à sa démission.
Dès lors, la Cour juge que le salarié n'établit pas l'existence de circonstances antérieures ou contemporaines à sa démission permettant d'établir qu'elle était équivoque, de sorte qu’aucune indemnité de rupture ne peut être réclamée.
Il est vrai qu’en l’absence de tout grief à l’encontre de l’employeur dans l’écrit matérialisant la démission, la jurisprudence retient que celle-ci produit entièrement ses effets (Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-17779 ; Cass. soc., 20 octobre 2015, n° 13-26889).
Toutefois, en l’espèce, la volonté claire du salarié apparait discutable au vu du contenu plus que laconique du SMS qu’il a adressé à son employeur. En effet, aux termes dudit SMS, il n’indique pas son souhait définitif de ne pas reprendre son travail. Il aurait, par exemple, pu envoyer cet SMS en raison de son état de santé.
Dans une affaire similaire, la Cour de cassation a cassé un arrêt ayant donné plein effet à une démission suite à un SMS du salarié dans les termes suivants « ne compte plus sur moi ». Pour la juridiction suprême, ce seul écrit ne caractérise pas une volonté claire et non équivoque de démissionner(Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-12.447).
Tel aurait pu être le cas ici. Pour autant, la justice n'est pas une science exacte, celle-ci nécessitant une appréciation in concreto de chaque affaire, de sorte qu'un infime détail peut faire varier l'issue d'une décision par rapport à une jurisprudence passée.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.