Cass. soc., 30-09-2020, n° 19-10.633
Cass. soc., 30-09-2020, n° 19-11.741
Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-13.593
Par ces trois arrêts, la Cour de cassation revient sur le droit d'agir en justice pour tout salarié.
En la matière, il convient de rappeler les dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail :
"Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".
Sur le fondement de cette disposition, la Cour de cassation a été amenée à juger qu'est nul le licenciement prononcé en raison de la teneur des écrits produits devant les juridictions, en violation de la liberté fondamentale de la défense (Cass. soc., 28 mars 2006, n° 04-41.695).
La sanction est immédiate puisque :
- La seule référence dans la lettre de licenciement à une action intentée par le salarié conduit nécessairement à la nullité du licenciement, peu importe l'existence d'autres motifs invoqués (Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 17-11.122).
- De la même manière, est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié, peu important que la demande du salarié soit non fondée (Cass. soc., 5 décembre 2018, n° 17-17.687).
Dans le troisième arrêt commenté, la juridiction suprême tire les conséquences de sa position classique et confirme l'arrêt ayant jugé nul le licenciement d'un salarié au motif d’avoir engagé des manoeuvres visant à faire pression sur son employeur et à influer sur la procédure de licenciement engagée en saisissant la juridiction prud’homale d’une procédure de contestation du licenciement qui n’avait même pas été prononcé (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-13.593).
La nullité du licenciement entraîne le droit pour le salarié de solliciter sa réintégration ainsi qu'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement perçus pendant cette période (Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 17-11.122).
A cet égard, le salarié a la possibilité de solliciter, en référé, la poursuite des relations contractuelles en cas de violation d'une liberté fondamentale par l'employeur, tel le droit d'agir en justice. C'est notamment ce que rappelle la Cour de cassation dans le deuxième arrêt commenté (Cass. soc., 30-09-2020, n° 19-11.741).
Dans le cas présent, il avait été reproché au salarié d'avoir produit des pièces dans le cadre d'une action prud'homale l'opposant à son employeur, de telle sorte que le licenciement était intervenu en rétorsion de cette action en justice.
Dès lors, en l'existence d'un trouble manifestement illicite, le juge des référés avait les pouvoirs pour ordonner la réintégration du salarié.
En l'absence de réintégration, la nullité du licenciement écarte l'application des barèmes institués par l'article L. 1235-3 et ouvre droit, au minimum, à une indemnité de 6 mois de salaire au titre de la rupture du contrat de travail en l'absence de réintégration.
En revanche, il existe une limite à ce mouvement jurisprudentiel, notamment lorsque la lettre de licenciement ne fait absolument pas référence à une telle action.
Dans une telle hypothèse, il appartiendra alors au salarié de démontrer que son licenciement est en lien avec l'action engagée devant les juges.
La Cour de cassation le rappelle dans le premier arrêt commenté (Cass. soc., 30-09-2020, n° 19-10.633) :
"Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une action en justice introduite pour faire valoir ses droits".
Dans le cas commenté, les motifs invoqués à l'appui du licenciement était justifié. Par ailleurs, le salarié n'apportait aucun élément objectif permettant de démontrer le lien entre son licenciement et son action en justice engagée concomitamment à l'encontre de son employeur.
Cette solution avait déjà été posée dans un arrêt publié en 2019 (Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 17-24773).
Il est, dès lors, préconiser pour tout employeur de ne jamais mentionner dans une lettre de licenciement, ou toute autre sanction disciplinaire, une éventuelle action en justice engagée par le salarié à son encontre. A défaut, l'atteinte au droit d'ester en justice sera présumée et emportera la nullité du licenciement.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d'information. En raison de l'évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.