CA PARIS, 30 juin 2021, RG n° 18/07198 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de PARIS rappelle les effets d’une transaction sur l’exercice d’une action devant les juridictions prud’homales.
Il était question, en l’espèce, d’un salarié qui avait conclu plusieurs CDD entre 2008 et 2012 avec la même entreprise. A l’issue de la relation contractuelle, il avait décidé de saisir le Conseil de prud’hommes en vue d’obtenir la requalification de la relation contractuelle en CDI.
Dans le même temps, une transaction avait été conclue entre les parties, le 20 mai 2015, de sorte que l’employeur a soulevé l’irrecevabilité des demandes formulées par son ancien salarié en justice sur le fondement de ladite transaction.
Pour une fois n’est pas coutume, la transaction n’est pas régie par les dispositions du code du travail mais par celles du code civil datant de 1804. Plus précisément, trois dispositions donnent tous sa portée à la conclusion d’une transaction :
- L’article 2044 du code civil : la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Autrement dit, les parties s’entendent pour mettre fin à un litige les opposant sans recourir au juge. - L’article 2049 du code civil : Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.
Autrement dit, la transaction ne tranche que les litiges dont elle fait expressément référence ou ressortant de la commune intention des parties. - L’article 2052 du même code : la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.
Autrement dit, une fois conclue, les parties ne peuvent plus recourir au juge pour trancher un litige déjà résolu aux termes de la transaction.
A titre d’illustration, une fois conclue, le salarié ne peut pas se rétracter par un courrier adressé le lendemain de la signature du protocole transactionnel (Cass. soc., 9 janvier 2019, n° 17-22.788).
- Soit d’en obtenir la nullité en invoquant un vice du consentement. Tel est le cas lorsque le salarié ne sait pas lire le français, et donc in fine, ne comprend pas la portée de son engagement (Cass. soc., 14 janvier 1997, n° 95-40.287).
- Soit de faire constater que la transaction a été conclue à un moment où le licenciement n’était pas intervenu alors même qu’elle a pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement (Cass. soc., 2 octobre 2019, n° 18-17.429).
- Soit d’en obtenir la résolution lorsque l’une des parties n’a pas respectée ses engagements ou ne les a exécuté que partiellement (Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-22.503).
A défaut, la transaction a des effets rédhibitoires en pratique puisqu’une fois conclue, le salarié ne pourra pas saisir les juges pour obtenir la condamnation de son employeur sur des faits survenus antérieurement à la signature de la transaction.
Dans l’arrêt commenté, telle a été l’hypothèse dans laquelle s’est heurtée le salarié.
En effet, la Cour constate la conclusion d’un protocole transactionnel aux termes duquel le salarié a perçu une indemnité en contrepartie de laquelle il renonçait à toute action en justice ultérieure. La convention stipulait notamment qu’il n'existait plus de différend d'ordre salarial et/ou indemnitaire avec entre les parties au jour de la signature dudit protocole.
La Cour en conclut donc que le salarié, en déclarant être rempli de tous ses droits et ne plus avoir de grief à l'encontre de son employeur du fait de l'exécution de son contrat de travail au jour de la signature du protocole transactionnel, ne peut invoquer que des faits survenus postérieurement à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à celle-ci. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce puisque le salarié sollicitait la requalification de ces CDD conclus antérieurement à la transaction.
La Cour juge donc irrecevable l’ensemble de ses demandes indemnitaires.
Il s’agit d’une jurisprudence constante dont la Cour de cassation n’a eu, de cesse, de rappeler ces dernières années (Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-20.635).
Il est donc primordial de peser les avantages et inconvénients d’un tel mode de résolution amiable autant pour l’employeur que pour le salarié puisqu'une fois conclue, il n’y a plus de retour en arrière possible, hormis l’hypothèse de la nullité de la transaction.
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.