CA ANGERS, 23 février 2023, RG n° 21/00242 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel d’ANGERS est amenée à statuer sur la délicate question de la mise à disposition des certificats médicaux de prolongation dans le cadre de l’instruction d’une maladie professionnelle.
En la matière, selon l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en la cause, la CPAM communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.
Cette dernière disposition liste de manière exhaustive les documents qui doivent être mis à disposition des parties. En l’absence d’un de ces éléments, ceci est sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge en faveur de l’employeur (Cass. civ. 2ème, 24 mai 2017, n° 16-17.728).
Plus précisément, parmi les documents listés par l’article précité, le dossier constitué par la CPAM doit comprendre « les divers certificats médicaux détenus par la caisse ».
L’absence d’ambiguïté du texte laisse donc clairement entendre qu’outre le certificat médical initial, la CPAM se doit de mettre à disposition les certificats médicaux de prolongation prescrits au salarié au jour de la clôture de l’instruction.
Sur ce point, la Cour de cassation ne s’est encore véritablement jamais prononcée sur la question et la jurisprudence des juges du fond est assez fluctuante d’une Cour d’appel à une autre.
Il était notamment envisagé cette question juridique dans le cas de l’arrêt commenté.
En l’espèce, une salariée avait déclaré une maladie professionnelle, le 30 juillet 2019, relevant du tableau n° 57. Après instruction diligentée par la CPAM, celle-ci avait fait l’objet d’une décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
L’employeur a contesté ladite décision devant les juridictions de sécurité sociale en vue d’en solliciter l’inopposabilité. Pour ce faire, il invoquait une méconnaissance du principe du contradictoire caractérisée par la mise à disposition d’un dossier incomplet en l’absence des certificats médicaux de prolongation.
Après avoir rappelé les dispositions précitées, la Cour d’appel d’ANGERS estime que doivent figurer notamment tous les certificats de prolongation qui sont en possession de la caisse au moment où elle clôture son instruction, et ce, d'autant plus que ces certificats sont susceptibles de faire grief à l'employeur, y compris au stade de l'examen de l'origine de l'accident ou de la maladie concernée.
Selon la Cour, ils permettent en effet la reconstitution par l'employeur de la chronologie de la maladie prise en charge et l'imputabilité des arrêts et des soins à la maladie déclarée.
Au cas présent, elle note que l’employeur a bien été informé de la clôture de l’instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier par courrier du 10 juillet 2019. Cependant, la CPAM ne contestait pas que le dossier mis à disposition de l’employeur ne comprenait pas lesdits certificats. Pour la Cour, elle soutient contra legem que les certificats médicaux de prolongation n'ont pas à être communiqués dans le cadre de l'instruction du dossier.
Ce faisant, elle juge que l’organisme de sécurité sociale a violé le principe du contradictoire, ce qui est sanctionné par l’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge.
L’employeur sera donc légitime à réclamer le recalcul de son taux AT/MP après cette décision d’inopposabilité.
On remarquera que cette position n’est pas partagée par toutes les Cours d’appel. Ainsi, récemment, la Cour d’appel de NANCY a jugé, pour sa part, que les certificats médicaux de prolongation n’ont pas à être inclus dans le dossier mis à disposition de l’employeur (CA NANCY, 03 janvier 2023, RG n° 22/01338).
Le débat reste donc pleinement ouvert sur ce point, d’autant plus que les nouvelles règles applicables depuis le 1er décembre 2019 n’ont apporté aucune précision sur ce point.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.