CA PARIS, 20 septembre 2022, RG n° 20/07703 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de PARIS est amenée à apprécier les conséquences d’un transfert conventionnel du contrat de travail par rapport à l’existence d’un usage.
Au cas présent, il était question d’un salarié qui a été embauché successivement par différentes entreprises en qualité d'agent d'entretien.
A cet égard, son contrat de travail a été transféré à chacune de ces entreprises selon la Convention collective applicable prévoyant la reprise des contrats de travail des salariés du marché sur lequel ils travaillaient par un nouveau prestataire.
A l'issue du dernier transfert, des primes ont cessé d'être versées, ce que le salarié a contesté devant les juridictions prud'homales. Il invoquait, à ce titre, l’existence d’usages qui étaient restés en vigueur lors dudit transfert.
Tout d’abord, la Cour d’appel de PARIS redonne la définition d’un usage. Celui-ci est une pratique ou coutume habituelle, ancienne et constante en vigueur dans l'entreprise par décision implicite de l'employeur, qui n'a fait l'objet d'aucun document écrit et ne résulte pas de l'application d'un accord collectif (Cass. soc., 28 février 1996, n° 93-40.883).
Un usage, une fois constaté, s'impose à l'employeur et ne peut être dénoncé par lui qu'après un préavis, voire la négociation d'une compensation au titre des avantages acquis.
La dénonciation par l'employeur d'un usage doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre des négociations et être notifiée aux représentants du personnel et à tous les salariés individuellement s'il s'agit d'une disposition qui leur profite (Cass. soc., 4 décembre 2019, n° 18-20.763).
En cas de transfert conventionnel du contrat de travail, l’usage existant chez l’ancien employeur est opposable au nouvel employeur (Cass. soc., 8 juin 2005, n° 03-40.815).
Le nouvel employeur a, néanmoins, la possibilité de dénoncer les usages préexistants en respectant les formalités précitées, hormis l’hypothèse où un accord collectif d'entreprise ayant le même objet que l'usage a été conclu postérieurement au transfert. Dans cette dernière situation, ledit accord met fin à l'usage, sans qu'il y ait lieu à dénonciation, et s'y substitue de plein droit (Cass. soc., 14 mars 2000, n° 98-40.545).
Après avoir rappelé la définition de l'usage, la Cour d'appel rappelle qu'en cas de transfert du contrat de travail, l'usage est transféré au nouvel employeur. Ce transfert de l'usage vers le nouvel employeur n'exclut pas pour autant la possibilité pour ce dernier de le dénoncer, sous réserve de respecter les formalités de dénonciation propres aux usages.
Au cas présent, il n'était pas discuté de l'existence de plusieurs usages dont bénéficiaient les salariés (prime d'ancienneté, prime d'intéressement, indemnité de panier, prime blanchissage, prime polyvalente...). La Cour d'appel vérifie donc que les formalités liées à la dénonciation de l'usage ont été respectées par l'employeur.
Or, sur ce point, la Cour d'appel constate que ni l'ancien employeur, ni le nouveau n'avait régulièrement dénoncé ces usages. Ainsi, il n'était pas démontré pas que l'usage relatif à ces primes a été régulièrement dénoncé auprès des représentants du personnel, ni auprès de chaque salarié, de telle sorte qu'il convenait de considérer que cet usage est demeuré en vigueur lors de la reprise du contrat de travail du salarié par le nouvel employeur.
La Cour le condamne donc à payer au salarié le montant des primes qui sont restées en vigueur au moment du transfert du contrat de travail.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.