CA CAEN, 18 novembre 2021, RG n° 18/03040 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de CAEN est amenée à statuer sur la liquidation des préjudices en matière de faute inexcusable et, plus particulièrement, sur le préjudice d’agrément.
Au cas présent, il était question d’un salarié intérimaire victime d’un accident du travail au sein de l’entreprise utilisatrice où il avait été mis à disposition. Ultérieurement, la faute inexcusable de l’entreprise de travail temporaire et de l’entreprise utilisatrice a été reconnue dans la survenance dudit accident.
Une expertise médicale a donc été ordonnée en vue d’apprécier les préjudices du salarié, dont un potentiel préjudice d’agrément.
En la matière, il convient de se reporter aux articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale.
Plus particulièrement, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, le salarié bénéficie d’une majoration de son éventuelle rente qui lui a été accordée par la CPAM suite à son accident du travail ou sa maladie professionnelle. En pratique, cette majoration a pour effet de doubler le montant de la rente.
Par ailleurs, outre cette majoration, l’article L. 453-2 du code précité prévoit que le salarié est en droit de réclamer la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
S’agissant plus particulièrement du préjudice d’agrément, celui-ci est défini par la jurisprudence comme « l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs » (Cass. civ. 2ème, 2 mars 2017, n° 15-27.523 : tel est le cas par exemple d’une activité de l’horticulture).
De même, peut justifier l’octroi de dommages et intérêts au titre d’un préjudice d’agrément une limitation substantielle de la pratique des activités de bricolage et de cyclisme antérieure à la maladie professionnelle dont la victime est atteinte (Cass. civ. 2ème, 22 octobre 2020, n° 19-15.951).
En revanche, il appartient à la victime de rapporter la preuve de la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à l’accident du travail ou la maladie professionnelle à l’origine de la reconnaissance de la faute inexcusable. Ainsi, une atteinte générale à toute activité physique, sans preuve d’une pratique régulière antérieure, ne suffit pas à caractériser un préjudice d’agrément (Cass. civ. 2ème, 3 juin 2021, n° 20-13.574).
Au cas d’espèce, après avoir rappelé les textes applicables en la matière, la Cour d'appel de CAEN est amenée à s'intéresser à la liquidation des préjudices du salarié, dont un préjudice d'agrément invoqué par ce dernier.
La Cour rappelle ainsi que ce préjudice concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident. Il appartient alors à la victime de justifier de la pratique de ces activités (licences sportives, adhésions d'associations, attestations) et de l'évoquer auprès du médecin expert afin que celui-ci puisse confirmer qu'elle ne peut plus pratiquer ces activités.
Dans le cadre de son rapport d'expertise, l'expert constatait que du fait de l'accident, le salarié a cessé la musculation, le billard et la musique. Cependant, aucune pièce n'est produite pour justifier de la pratique régulière de l'une de ces activités avant l'accident du travail.
Dès lors, le salarié ne rapportait pas la preuve d'une pratique régulière antérieure, de sorte que la Cour l'a débouté de sa demande d'indemnisation sur ce point.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.