Par ces arrêts, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, les Cours d'appel de GRENOBLE et NIMES sont amenées à trancher la question de la réalisation ou non d’heures supplémentaires et, plus particulièrement, sur la preuve de celles-ci.
Conformément à l’article L. 3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine. L’article suivant précise que toute heure réalisée au-delà de cette durée légale est qualifiée d’heure supplémentaire, celle-ci étant décomptée par semaine civile.
S’agissant de la preuve de celle-ci, l’article L. 3171-4 du code du travail précise que le juge forme sa conviction au vu des éléments produits par l’employeur et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.
A la lumière de ce texte, la Cour de cassation rappelait que si la preuve des heures de travail effectuées n'incombait spécialement à aucune des parties et que l'employeur devait fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartenait cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande (Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-45.441).
Toutefois, il convient de noter que la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation – par un arrêt soumis à la plus grande publication – a allégé cette preuve en abandonnant la référence à une demande suffisamment étayée (Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919).
Elle exige maintenant du salarié que ce dernier présente « à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ».
En réalité, cet allègement de la charge de la preuve fait suite à une décision récente de la Cour de justice de l'Union européenne qui a rappelé l’obligation pour tout employeur de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chacun de ses salariés (CJUE,14 mai 2019, C-55/18).
A la suite de l’allégement de la charge de la preuve au profit du salarié, la Cour de cassation a cassé de nombreux arrêts dans lesquels le salarié produisait des tableaux récapitulatifs de ses horaires (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 17-31.046 ; Cass. soc., 10 mars 2021, n° 19-18.108 ; Cass. soc., 5 mai 2021,
n° 19-14.830).
Dans les deux d’arrêts commentés, les deux salariés réclament le paiement d’heures supplémentaires qu’ils estiment avoir accomplies tout au long de la relation contractuelle, étant précisé qu’ils occupaient un poste à temps complet.
Dans l’arrêt de la Cour d’appel de GRENOBLE, celle-ci rappelle les règles de droit précitées. Au cas présent, le salarié présentait, au soutien de sa demande, les éléments suivants :
- Un relevé d'heures manuscrit indiquant par jour ou semaine, les heures de début et de fin de chacune de ses journées de travail,
- Ses bulletins de salaire,
- Un récapitulatif des heures supplémentaires qu'il estime dues en précisant les débuts et fins de service, ainsi que la prise d'une pause méridienne d'1 heure 30.
La Cour en conclut que ces pièces constituent une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement.
Or, de son côté, ce dernier se contentait de critiquer les pièces précitées sans verser lui-même d’éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié comme il lui incombe légalement.
La Cour reconnait donc l’accomplissement d’heures supplémentaires par le salarié, de sorte qu’elle condamne l’employeur au paiement de celle-ci.
Dans l’arrêt de la Cour d’appel de NIMES, le salarié présentait également des éléments suffisants permettant à l’employeur d’y répondre, à savoir des calendriers, établis par ses soins, sur lesquels étaient mentionnés ses horaires de début et de fin d'activité ainsi que des attestations de salariés dont il résultait que leurs propres horaires contractuels de 35 heures hebdomadaires n'étaient pas respectés.
Cependant, dans le cas présent, l’employeur versait lui-même des fiches mensuelles signées par le salarié faisant ressortir les heures effectuées par ce dernier. Or, ces fiches contredisaient les horaires mentionnés sur les calendriers établis par le salarié.
La Cour en déduit que l'employeur établit les heures effectuées par le salarié et payées par ses soins, de sorte qu’elle déboute ce dernier de sa demande indemnitaire au titre des heures supplémentaires.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si les arrêts sont définitifs et n’ont pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.