CA AMIENS, 26 octobre 2021, RG n° 20/03596 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel d’AMIENS est amenée à statuer sur le bien-fondé d’une prise d’acte d’un contrat de travail survenue au cours d’une période d’essai.
En l’espèce, un salarié a été recruté, le 14 mai 2018, sous contrat à durée indéterminée. Le 22 mai suivant, il a été victime d'un accident du travail alors même que l'employeur n'avait effectué aucune déclaration préalable à l’embauche (DPAE).
Ce pourquoi, le salarié n'a pas pu être indemnisé de ses frais médicaux par la CPAM au titre de son accident. Il a ensuite présenté sa démission, le 25 mai 2018 prenant effet au 27 mai 2018, au motif que son employeur n'avait pas effectué « les démarches légales suite à son embauche ».
Ultérieurement, il a saisi le Conseil de prud’hommes afin que sa démission soit requalifiée en prise d'acte aux torts de son employeur.
En la matière, on rappellera que la prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail dégagée par la jurisprudence. En effet, la prise d'acte permet au salarié de rompre son contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite dudit contrat.
Ainsi, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission (Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-23.634).
La prise d’acte peut également produire les effets d’un licenciement nul si elle intervient pendant une période de suspension du contrat de travail conformément à l’article L. 1226-13 du code du travail (Cass. soc., 28 janvier 2016, n° 14-15.374).
En revanche, la prise d’acte n’est pas une décision qui doit être prise à la légère puisque pour Pôle emploi, celle-ci équivaut à une démission. Ainsi, en cas de prise d’acte, le salarié ne pourra pas réclamer le versement d’indemnités Pôle emploi.
De plus, en cas de saisine des juridictions prud’homales, et si ces dernières estiment que la prise d’acte doit produire les effets d’une démission, le salarié pourra être condamné à payer une indemnité pour inexécution du préavis (Cass. soc., 5 juillet 2017, n° 15-21.959).
La seule possibilité d’échapper à cette condamnation est de démontrer que le salarié était dans l’incapacité d’exécuter son préavis, notamment s’il était en arrêt maladie au moment de sa prise d’acte (Cass. soc., 15 janvier 2014, n° 11-21.907).
Au cas d’espèce, la Cour d’appel d’AMIENS rappelle les règles précitées concernant la prise d’acte. Elle précise également que contrairement au licenciement, le doute profite à l’employeur.
Il appartient ainsi au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur. A l'appui de sa demande de prise d'acte, le salarié invoquait plusieurs manquements, dont l'absence de DPAE lors de son embauche.
Sur ce point, la Cour note que l'entreprise aurait dû effectuer auprès de l'URSSAF la DPAE avant l'embauche du salarié le 14 mai 2018. En effet, l’article R. 1221-4 du code du travail énonce que cette déclaration doit être adressée à l’URSSAF au plus tôt dans les huit jours précédant la date prévisible de l'embauche.
Or, au cas présent, celle-ci n'a été effectuée que huit jours plus tard après la survenance de l'accident du travail dont le salarié avait été victime. Cette déclaration tardive a porté préjudice au salarié dans la mesure où la DPAE a pour effet d’immatriculer le salarié à la CPAM.
Ainsi, ce manquement est d'une gravité telle qu'il faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail. En effet, la faute de l’employeur a exposé le salarié à divers préjudices, dont le non-bénéfice de la prise en charge de ses frais de santé pour son accident du travail.
La Cour d’appel estime ainsi que le salarié a été trompé par son employeur qui l'a embauché sans avoir effectué la DPAE, ce qui caractérise un comportement déloyal.
La prise d'acte étant intervenue pendant une période de suspension du contrat de travail en raison d'un accident du travail, celle-ci produit les effets d'un licenciement nul ouvrant droit au salarié à des DI au moins égal à six mois de salaire conformément à l’article L. 1226-15 du code du travail.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.