Au niveau national, la durée légale du temps de travail est de 35 heures hebdomadaires (151,67 heures mensuelle ou 1607 heures annuelle pour un salarié à temps plein et ce, depuis la loi n° 1998-461 du 13 juin 1998, dite loi « Aubry I ». Auparavant, la durée hebdomadaire de temps de travail était de 39 heures.
Au-delà de ce seuil de 35 heures, et sauf dérogations légales ou conventionnelle, il est nécessaire de recourir aux heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire au profit du salarié.
La réalisation d’heures supplémentaires est strictement encadrée par le code du travail et la jurisprudence (1). En outre, en cas de contentieux, la preuve de cette réalisation est aménagée, celle-ci étant partagée entre l’employeur et le salarié (2).
1. Sur la réalisation d’heure supplémentaires
En la matière, l’article L. 3121-30 du code du travail prévoit que les heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Ce contingent est avant tout fixé par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, un accord de branche.
A défaut, l’article D. 3121-3 du code du travail fixe un contingent légal de 220 heures. Au-delà de ce seuil, la réalisation d’heures supplémentaires est possible mais donne lieu, outre à une majoration de salaire, à une contrepartie obligatoire en repos.
S’agissant des modalités pratique de décompte des heures supplémentaires, le code du travail prévoit simplement que celles-ci sont décomptés par semaine.
La jurisprudence est donc venue préciser les règles applicables. En principe, seules heures supplémentaires réalisées à la demande expresse de l’employeur sont prises en compte, les salariés ne disposant d’aucun droit acquis en la matière (Cass. soc., 13 janvier 2016, n° 14-21.714).
Cependant, la jurisprudence n’exige pas un accord écrit. En effet, « l'absence d'autorisation préalable n'exclut pas en soi un accord tacite de l'employeur à l'accomplissement d'heures supplémentaires » (Cass. soc., 8 juin 2016, n° 15-16.423).
Ainsi, l’employeur ne pourra pas s’opposer au paiement d’heures supplémentaires dès lors qu’il ne pouvait pas ignorer la charge de travail de son salarié l’obligeant à travailler au-delà de la durée légale du temps de travail. A ce titre, le seul fait que le salarié dispose d’un statut de cadre et d’une liberté dans l’organisation de son temps de travail ne suffit pas à exclure l’existence d’heures supplémentaires, sauf si ce dernier est soumis à une convention de forfait (Cass. soc., 24 octobre 2018, n° 17-20.691).
De la même manière, le seul fait que le salarié n’ait jamais réclamé le paiement de ses heures supplémentaires tout au long de la relation contractuelle ne saurait valoir de sa part renonciation au paiement des heures supplémentaires (Cass. soc., 9 avr. 1998, n° 96-43.529).
En revanche, si les heures supplémentaires, réalisées sans l’accord de l’employeur, n’étaient pas nécessaire à la réalisation des tâches qui étaient confiées au salarié, ce dernier ne peut pas en réclamer le paiement (Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 14-21654).
Par ailleurs, si les heures supplémentaires sont directement prévues dans le contrat de travail, le salarié est légitime à en réclamer le paiement, même s’il ne les a pas réalisées. A cet égard, l’employeur ne pourra pas modifier unilatéralement le contrat de travail sans l’accord du salarié.
Enfin, on notera qu’au titre de son pouvoir de direction, l’employeur peut obliger ses salariés à effectuer des heures supplémentaires, sauf refus légitime lié à sa vie privée ou familiale (rendez-vous médical ou nécessité d’aller chercher son enfant à l’école…).
A défaut, le salarié commettra une faute assimilable à une insubordination susceptible de justifier une sanction disciplinaire, voire un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 26 novembre 2003, n° 01-43.140).
Au contraire, le licenciement est injustifié dès lors que l’employeur n’a pas respecté les règles applicables en la matière, de sorte que le refus du salarié d’accomplir des heures supplémentaires est légitime (Cass. soc., 5 novembre 2003, n° 01-42.798).
2. Sur la preuve de réalisation des heures supplémentaires
Sur ce point, il convient de se reporter à l’article L. 3171-4 du code du travail qui dispose que :
« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable »
A la lumière de ce texte, la Cour de Cassation a rappelé que si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande (Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-45.441).
Ainsi, la juridiction suprême a cassé un arrêt d’appel qui avait considéré que le salarié ne rapportait pas d’éléments pertinents de nature à étayer sa demande d’heures supplémentaires alors qu’il fournissait « un décompte des heures qu'il prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre en fournissant ses propres éléments sur les heures de travail effectivement accomplies » (Cass. soc., 11 juin 2014, n° 13-10.149).
Au contraire, si les éléments produits par le salarié présentent de nombreuses lacunes et incohérences, celui-ci n’étaye pas suffisamment sa demande (Cass. soc., 5 décembre 2018, n° 17-21881).
Toutefois, il convient de noter que la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation – par un arrêt soumis à la plus grande publication – a allégé cette preuve en abandonnant la référence à une demande suffisamment étayée (Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919).
Elle exige maintenant du salarié que ce dernier présente « à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ».
En réalité, cet allègement de la charge de la preuve fait suite à une décision récente de la Cour de justice de l'Union européenne qui a rappelé l’obligation pour tout employeur de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chacun de ses salariés (CJUE,14 mai 2019, C-55/18).
Cette jurisprudence a par la suite été confirmée, les juridictions du fond ne devant pas faire peser exclusivement la charge de la preuve sur le salarié (Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-26.385).
Afin de se prémunir contre ce type de demande, il est extrêmement important pour tout employeur de mettre en place un système de décompte du temps de travail quotidien de ses salariés (appareil de pointage, feuille d’émargement signé par le salarié…).
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
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