La rédaction des documents de travail en français

Publié le 23/11/2020 Vu 7 434 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Se pose alors la question de savoir si l’ensemble des documents remis à un salarié travaillant en France doit être rédigé selon la langue de la République, c’est-à-dire en français ?

Se pose alors la question de savoir si l’ensemble des documents remis à un salarié travaillant en France d

La rédaction des documents de travail en français

L’article 2 de la Constitution de 1958 précise que « la langue de la République est le français ». Se pose alors la question de savoir si l’ensemble des documents remis à un salarié travaillant en France doit être rédigé selon la langue de la République, c’est-à-dire en français ?

En droit du travail, un principe existe : tout document en lien avec le travail doit être rédigé en français (1). Cependant, il existe certaines exceptions à ce principe permettant d'opposer à un salarié un document rédigé en langue étrangère (2).


1. Le principe

Deux dispositions du code du travail posent une obligation de rédaction en français :

  • L’article L. 1221-3 dispose notamment qu’un contrat de travail établi par écrit doit être rédigé en français. Il est rajouté une obligation à la charge de l’employeur en cas de salarié étranger qui peut demander une traduction du contrat dans sa langue maternelle.

  • L’article L. 1321-6 du code du travail a une portée plus générale puisqu’il dispose qu’est rédigé en français « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail ».
En revanche, aucune sanction n’est posée par ces textes. La jurisprudence est donc venue préciser qu’en cas de non-respect de ces dispositions, le document rédigé en langue étrangère est inopposable au salarié. Tel est le cas des documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable (Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-13.736).

L’inopposabilité a des conséquences non négligeables puisque dans le cas précédent, l’absence de document en français s’assimile à l’absence de tout document fixant les objectifs, de sorte que le salarié est légitime à réclamer l’intégralité de sa rémunération variable.

Cette nécessité de rédaction en français concerne également les outils mis à disposition des salariés. Ainsi, par exemple suite à un changement du système informatique d’une grande entreprise du secteur alimentaire, les syndicats ont été amenés à saisir les juges en référé sur le fondement des dispositions précitées. En effet, la modification du système informatique impliquait pour les salariés d’utiliser des outils et documents rédigés en anglais.

Tant la juridiction de première instance que la Cour d’appel ont constaté les manquements de l’employeur en la matière. Ils ont notamment précisé que la mise en place d’un outil de traduction ne répondait pas aux exigences de l'article L 1321-6 du code du travail dans la mesure où ce texte exige une rédaction en français du document lui-même.

Dès lors, il a été ordonné à cette entreprise de mettre à la mise à disposition de ses salariés, en langue française, l'intégralité des logiciels et documents édités dans leur travail (CA GRENOBLE, 5 décembre 2012, RG n° 12/03652).

Dans une affaire plus ancienne, le Tribunal de grande instance de PARIS avait statué dans le même sens en estimant notamment que « (…) l'obligation de traduction s'applique à tous documents matériels ou immatériels tels que des logiciels nécessairement utilisés par les salariés pour exécuter leur travail ».

Le Tribunal avait ainsi relevé la primauté de la langue français pour toute entreprise située en France, ce qui ne pouvait pas être compensé par la mise en place d’un didacticiel dans la mesure où « un didacticiel ne peut constituer une alternative équivalente à une interface en langue maternelle et compenser des écrans en langue étrangère ».

Enfin, la juridiction avait relevé « qu'une langue étrangère constitue pour un salarié, à défaut d'une maîtrise parfaite, un handicap important ne serait-ce que pour gérer les incidents et comprendre les procédures hors cadre ou les messages d'erreur » (TGI PARIS, 6 mai2008, RG n° 08/00924).


Se pose également la question de savoir si cette sanction s’applique dans l’hypothèse où le salarié sait parler la langue dans laquelle est rédigée le document. Dans un tel cas, on ne pourra que constater qu’il ne subit aucun préjudice puisqu’il a su déchiffrer ce document.

Pour autant, la Cour d’appel de PARIS a été amenée à juger que la sanction de l’inopposabilité s’appliquait, peu importe que le salarié victime sache parler la langue étrangère. Sa décision a fait l’objet d’un pourvoi mais la Cour de cassation n’a pas été expressément interrogée sur ce point (CA PARIS, 14 novembre 2017, RG n° 15/00146, confirmé par Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-10.649).


2. Sur les exceptions

La rédaction en français des documents de travail n’est pas exigée selon l’article L. 1321-6 précité dans les situations suivantes :
 

Des exceptions peuvent également résulter d’un secteur d’activité spécifique faisant l’objet d’une convention internationale. Tel est le cas de l’aviation civile où le caractère international de cette activité implique l'utilisation d'une langue commune, de sorte que la rédaction en français n’est pas obligatoire (Cass. soc., 12 juin 2012, n° 10-25.822).

En dehors de ces hypothèses, il convient de rédiger les documents de travail en français pour les rendre opposables à tout salarié.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/

N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d'information. En raison de l'évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de Blog de Maître Florent LABRUGERE

Bienvenue sur le blog de Blog de Maître Florent LABRUGERE

Rechercher
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles