CA ROUEN, 26 janvier 2023, RG n° 20/03889
CA PARIS, 25 janvier 2023, RG n° 20/00641 *
Par ces arrêts, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, les Cour d'appel de PARIS et ROUEN rappellent l’obligation de l’employeur d’informer, au préalable, le salarié du motif économique de la rupture de son contrat de travail avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
En effet, tout salarié licencié pour un tel motif dans une entreprise de moins de 1.000 salariés doit se voir proposer par son employeur le bénéfice du CSP. Un tel système permet au salarié de bénéficier d’un accompagnement personnalisé et d’un droit de formation renforcé. En outre, il percevra une allocation majorée au titre du chômage.
Selon l’article L. 1233-67 du code du travail, l’adhésion au CSP emporte rupture du contrat de travail. En dépit de cette rupture, la jurisprudence a imposé à l’employeur d’informer le salarié concerné du motif économique de la rupture.
Pour ce faire, cette information doit avoir lieu avant que le salarié n’accepte le CSP (Cass. soc., 22 octobre 2015, n° 14-16.218).
A défaut, la sanction est immédiate puisque le licenciement prononcé sera jugé sans cause réelle et sérieuse, peu importe que le motif économique soit réel.
Encore récemment, la chambre sociale a rappelé cette obligation. Ainsi, un simple affichage dans l’entreprise est insuffisant, une information personnelle étant indispensable (Cass. soc., 23 novembre 2022, n° 21-17485).
L’idéal est de remettre cette information du motif économique de la rupture le jour de la remise de la proposition du CSP et, bien évidemment, pour des questions de preuve, sur un support démontrant sa réception par le salarié (document écrit remis contre décharge, courrier recommandé).
Tel est le cas, par exemple, d’une information des difficultés économiques adressées dans le cadre d’un mail avant l'acceptation du CSP (Cass. soc., 13 juin 2018, n° 16-17.865).
En revanche, l’information doit être effectuée au cours de la procédure de licenciement et non antérieurement, à défaut, elle est dépourvue de toute effet (Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-24.531).
La jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation est extrêmement stricte : l’absence de tout document écrit remis au salarié énonçant la cause économique de la rupture avant son acceptation du CSP rend le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 18 janvier 2023, n° 21-15.315 + n° 21-19.349).
Dans les deux arrêts commentés, les deux salariées en cause avaient fait l’objet d’un licenciement économique.
Elles contestaient chacune leur licenciement respectif en soutenant n’avoir jamais été informée du motif économique de la procédure de licenciement préalablement à leur acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
Dans l’arrêt de la Cour d’appel de PARIS, par courrier du 18 janvier 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable de licenciement pour motif économique fixé au 29 janvier 2018. Le 07 février 2018, elle a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.
Or, le juge d’appel note que le courrier de convocation à entretien préalable précisait que :
« Pour votre parfaite information, nous vous précisons d'ors et déjà que nous envisageons de supprimer votre poste de Directrice de la Fabrication, et ce, à cause des difficultés économiques rencontrées par notre Société.
En effet, il apparaît que pour l'exercice 2017 notre société devra supporter un déficit de plus de 90 000 euros .
De surcroît, nos perspectives économiques apparaissent, à ce jour, particulièrement préoccupantes. »
Ainsi, au regard des termes de cette lettre de convocation, la salariée a bien été informée des motifs économiques de son licenciement antérieurement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
Dès lors, son licenciement est parfaitement régulier.
La situation est différente dans l’arrêt de la Cour d’appel de ROUEN. Au cas d’espèce, le 11 janvier 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour motif économique, lequel a été fixé au 24 janvier suivant. Le 08 février 2019, elle a, finalement, accepté le contrat de sécurisation professionnelle.
Or, ici, l’employeur soutenait avoir remis à la salariée, lors de l’entretien préalable, un courrier exposant les motifs du licenciement.
Cependant, la Cour d’appel constate que ledit document ne porte aucune mention manuscrite, ni signature de la salariée, à la différence du courrier portant proposition de reclassement remis le jour de l'entretien préalable et mentionnant, de manière manuscrite, la remise en mains propres, la date et la signature de la salariée.
Dès lors, pour la Cour, l'employeur n'avait pas satisfait à l'exigence d'information concernant le motif de la rupture, rendant de facto le licenciement prononcé abusif.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.