CA PARIS, 12 janvier 2022, RG n° 18/09441 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de PARIS sanctionne le recours excessif à des contrats de mission d’intérim.
Plus précisément, il était question d’un salarié ayant été mis à disposition d'une entreprise utilisatrice à compter du 24 juillet 2006 par divers contrats de missions d'intérim jusqu'au 2 août 2017, soit la conclusion de 223 contrats.
Quelques semaines après la fin du 223ème contrats d’intérim, l’entreprise utilisatrice lui avait proposé la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Le salarié a ultérieurement saisi le Conseil de prud'hommes en vue de faire requalifier l'ensemble des contrats de missions en un seul contrat de travail à durée indéterminée.
Conformément à l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
L'article L. 1251-6 du même code précise qu'il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée mission et seulement dans certains cas précis, comme le remplacement d'un salarié absent.
Au regard de ces dispositions, le contrat de mission n’est donc pas destiné à combler un besoin structurel de main d'œuvre (Cass. soc., 21 octobre 2020, n° 19-23.139).
Selon la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation, le recours à l’utilisation de contrats de missions successifs impose de vérifier qu’il est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi (Cass. soc., 12 novembre 2020, n° 19-11.402).
Dès lors, l’usage pendant de nombreuses années et de manière répétitive aux contrats de mission exclut leur nature temporaire. Tel est le cas par exemple de la conclusion de plus de 961 missions d'intérim pour le même salarié pendant plus de huit ans (Cass. soc., 24 mars 2021, n° 18-23.494).
Après avoir rappelé les règles précitées, la Cour d'appel de PARIS précise qu'en cas de litige sur le motif de recours au travail temporaire, c'est à l'entreprise utilisatrice qu'il incombe de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.
Or, il ressortait de l'examen des contrats de missions du salarié que celui-ci a été affecté, entre le 7 novembre 2011 et le 2 août 2017, au sein de l'entreprise utilisatrice, en exécution de 223 contrats d'intérim, d'une durée d'une journée à vingt-cinq jours, pour remplacer des salariés absents.
Ainsi, pour la Cour, l'engagement du salarié par le cumul de nombreux contrats de missions, au motif de remplacer des salariés absents, a eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et de pallier une insuffisance structurelle et non seulement conjoncturelle en personnel, étant par ailleurs observé que le 12 octobre 2017, l'entreprise utilisatrice lui avait proposé la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à effet au 16 octobre 2017.
Dès lors, le salarié est en droit de réclamer une indemnité de requalification.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.