Qui dit stagiaire, ne dit pas forcément sans droit. En effet, la loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires a opéré à une nouvelle codification dans le code de l’éducation de la partie relative au stage réalisé dans le secteur privé.
A cet effet, l’alinéa 3 de l’article 124-1 de ce code précise la finalité première d’un stage, à savoir une mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l'étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue d'obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle.
Autrement dit, il ne doit pas s’agit d’un « stage photocopie » au cours duquel il serait confié au stagiaire des missions en inadéquation totale avec sa formation scolaire.
Outre cette première limite, on notera également que l’article L. 124-7 du code de l’éducation prohibe le recours à un stage dans les hypothèses suivantes :
- Exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent,
- Faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'organisme d'accueil,
- Occuper un emploi saisonnier,
- Remplacer un salarié en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail.
Ainsi, depuis longtemps, cette sanction est appliquée en l’absence totale de formation du stagiaire à qui il est confié les tâches normales d’un emploi de l’entreprise, de sorte que celui-ci peut notamment réclamer le paiement d’un salaire en cas de stage non rémunéré (Cass. soc., 27 octobre 1993, n° 90-42.620).
L’infraction pénale de travail dissimulé peut d’ailleurs être constituée en cas de recours abusif aux stagiaires sur une courte période (Cass. crim., 28 septembre 2010, n° 09-87.689 : recours à 86 stagiaires pour les vendanges).
A cet effet, il est prévu une saisine directe du bureau de jugement du Conseil de prud’hommes en cas de demande de requalification du stage en contrat de travail. Ce dernier doit, en principe, statuer dans un délai d’un mois à compter de sa saisine conformément à l’article L. 1454-5 du code du travail, ce qui n’arrive quasiment jamais en pratique, les délais prud’hommaux étant beaucoup plus long.
Dans une décision récente, la Cour d’appel de PARIS a fait une application de l’ensemble des règles précitées (CA PARIS, 13 avril 2021, RG n° 19/02526).
Au cas présent, une stagiaire a entamé une formation niveau Bachelor (Bac +3) en marketing-communication. Dans ce cadre, elle a débuté un stage pour une durée de trois mois, à temps complet, au sein d’une entreprise dont l’activité consistait notamment en l’organisation de mariages. La gérante de l’entreprise a mis fin, de manière anticipée, à ce stage.
La stagiaire a saisi la juridiction prud’homale parisienne en vue de réclamer la requalification de son stage en CDD.
Après avoir rappelé textes précités, la Cour d’appel de PARIS fait droit à cette demande pour les motifs suivants :
- La convention de stage conclue prévoyait le programme de formation suivant : community management (missions de communication) plan marketing, recherche de prestataires, établissement de devis.
Or, même si certaines de ses tâches ont été confiées à la stagiaire, il ressortait des courriels versés aux débats que cette dernière exécutait des tâches extrêmement variées (recherche utilitaire transport, recherche d'un miroir et plans de table, accueil et placement des invités, mise en tableau des frais kilométriques de l'année-pièce…).
Partant, il a été confié à la stagiaire des tâches diverses et variées correspondant plus à l'activité commerciale d'organisation de mariages de la société qu'aux activités conformes au projet pédagogique défini. - L’absence d’accompagnement de la stagiaire par la gérante de l’entreprise qui devait, en principe, assurer un rôle de tuteur à son égard.
- L’absence de contact physique entre la gérante et la stagiaire, les activités confiées étant adressées par mail et l’entreprise n’accueillant cette dernière dans aucun local.
- L’absence de signature de la convention de stage par la gérante de l’entreprise.
Dès lors, la salariée – et non plus la stagiaire – a pu réclamer les indemnités suivantes :
- Un rappel de salaire calculé sur le minima conventionnel pendant la période du stage prévue, soit trois mois de salaires,
- Des dommages et intérêts pour rupture abusive et anticipée de son CDD,
- Une indemnité de précarité équivalent à 10 % des salaires perçus.
En revanche, la Cour d’appel ne fait pas droit à la demande de travail dissimulé, l’intention de dissimulation d’emploi par l’employeur n’étant pas rapportée.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
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