Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de MONTPELLIER rappelle l’importance d’engager la procédure de licenciement dans les jours qui suivent le prononcé d’une mise à pied conservatoire, sous peine de voir requalifier cette premier en sanction disciplinaire et ainsi voir jugé abusif le licenciement qui s’en est suivi compte tenu du principe non bis in idem (aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction).
Le régime de la mise à pied conservatoire n’est pas posé par le code du travail. Seul l’article L. 1332-3 de ce code y fait référence en disposant que la procédure disciplinaire doit être respectée en cas de sanction ayant donné lieu à « une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat ».
En effet, la Cour de cassation juge, sur le fondement du principe non bis in idem, que la mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire dès lors que la procédure de licenciement n’a pas été engagée dans un laps de temps bref après la notification de la mesure conservatoire (Cass. soc., 17 octobre 2018, n° 16-28.773).
Tel est le cas par exemple lorsque la procédure de licenciement a été engagée :
- Plus de 13 jours après la notification d’une mise à pied conservatoire (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 18-25.565)
- Plus de 7 jours après la notification d’une mise à pied conservatoire (Cass. soc., 15 mai 2019, n° 18-11.669 ; Cass. soc., 14 avril 2021, n° 20-12.920).
- Plus de 4 jours après la notification d’une mise à pied conservatoire (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-15.303).
Par ailleurs, le seul moyen de justifier d’un délai excessif est la possibilité de démontrer pour l’employeur d’un motif légitime expliquant cette tardiveté entre la notification entre la mise à pied et l’engagement de la procédure licenciement.
Les hypothèses sont assez rarement retenues par la jurisprudence :
- Lorsque les faits reprochés au salarié donnent lieu, en même temps, à des poursuites pénales (Cass. soc., 6 octobre 2016, n° 15-15.646 : délai de sept semaines jugé non excessifs).
- Lorsque les faits reprochés nécessitent, par leur importance des investigations complexes et s’étalant sur plusieurs jours (Cass. soc., 13 septembre 2012, n° 11-16.434 : pour un délai de 13 jours entre la notification de la mise à pied et la convocation à l’entretien préalable, délai justifié par des investigations sur les faits reprochés portant sur un détournement de fonds).
Reprenant cette règle prétorienne, la Cour d’appel de MONTPELLIER constate, au cas présent, l’absence de concomitance entre le prononcé de la mise à pied, le 17 juin 2014, et l'engagement de la procédure de licenciement, le 2 juillet 2014.
Au demeurant, l’employeur était dans l’incapacité de justifier un motif de nature à justifier ce délai de plus de 16 jours. Ce dernier invoquait qu’il avait dû entreprendre des investigations supplémentaires suite à la plainte d’un client sur la prestation de travail du salarié.
Cependant, la Cour relevait que le courriel du client était suffisamment précis et circonstancié et rendait des investigations supplémentaires auprès de la même personne accessoires.
Dès lors, elle requalifie la mise à pied conservatoire en sanction disciplinaire, de sorte que le licenciement qui s’en est suivi portant sur les mêmes faits est nécessairement abusif au regard du principe non bis in idem (aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction).
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l' arrêt cité est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.