CA VERSAILLES, 9 juin 2021, RG n° 18/04853 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de VERSAILLES est amenée à statuer sur le bien-fondé d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formulée par un salarié.
Au cas présent, le salarié a été en arrêt de travail avant d’être finalement déclaré inapte par le médecin du travail à son retour, le 17 janvier 2017. N’ayant toujours pas été licencié pour ce motif dans le mois suivant sa visite, et en l’absence de reprise du paiement de son salaire, il a décidé de saisir le Conseil de prud’hommes, en mars 2017, en vue de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Ultérieurement, le 15 mai 2017, il a finalement été licencié pour inaptitude.
En la matière, le code du travail ne prévoit pas la possibilité pour un salarié de demander au juge qu’il prononce directement la rupture de son contrat de travail. Toutefois, comme toute convention, celui-ci reste soumis au droit commun des contrats compris dans le code civil.
Dès lors, la chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi admis que le salarié ne peut être privé de la possibilité de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations (Cass. soc., 16 mars 2005, n° 03-40.251).
Ainsi, en application de l’article 1227 du code civil, la résolution, dénommée résiliation en l’absence de restitution, peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.
Pour ce faire, le salarié doit rapporter la preuve de manquements commis par l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail. Dans un tel cas, la résiliation judiciaire produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Enfin, on précisera que lorsque le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, avant que son employeur ne lui notifie son licenciement, la juridiction doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée (Cass. soc., 6 février 2019, n° 17-26.562).
Dans l’arrêt d’appel susvisé, la Cour d’appel constate que le salarié a saisi le CPH de sa demande de résiliation judiciaire avant d’être licencié, quelques mois après, pour inaptitude. Elle doit donc statuer, au préalable, sur le bien-fondé de la première demande.
Sur ce point, les juges d’appel constatent que l'employeur n'a ni procédé à son licenciement dans le mois suivant l'avis d'inaptitude, ni repris le paiement du salaire à l'issue de ce délai en application de l'article L. 1226-4 du code du travail. Les salaires n’ont finalement été payés que le 13 juin 2017, après que le salarié ait intenté, en parallèle, une action en référé afin d’en obtenir le paiement.
Dès lors, elle considère que l'absence de paiement des salaires pendant trois mois, alors que le paiement du salaire est une obligation essentielle de l'employeur et que ce dernier avait été alerté de son obligation de paiement a minima lors de la réception de sa convocation devant le CPH, constitue un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail et justifiant la résiliation judiciaire dudit contrat.
Elle juge donc que la résiliation produit les effets d’un licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié en cause est légitime à solliciter des dommages et intérêts au titre de ce licenciement abusif ainsi qu’à une indemnité compensatrice de préavis.
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Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.