CA CHAMBERY, 12 mai 2022, RG n° 21/00974 *
Dans un article précédent, il avait été évoqué les possibilités de rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée et, plus particulièrement, du cas de force majeure.
Tel est également le cas de l’arrêt commenté rendu par la Cour d’appel de CHAMBERY.
Plus précisément, celui-ci est au cœur de l’actualité en lien avec la crise sanitaire et la Covid 19 qui sévit depuis 2020.
En effet, au cas d’espèce, il était question d’une salariée embauchée par un hôtel situé dans une station de ski du 12 décembre 2019 au 13 avril 2020 sous CDD saisonnier.
Toutefois, l'employeur a rompu le contrat de travail par lettre du 15 mars 2020 pour force majeure consécutif à la crise sanitaire et de la décision prise par l’administration de fermer tous les restaurants, bars, discothèques, cinémas et autres lieux publics non essentiels à partir de samedi 14 mars minuit.
La salariée a contesté cette rupture devant les juridictions prud’homales.
En la matière, on rappellera que l’article L. 1243-1 du code du travail liste de manière limitative les cas de rupture anticipée du CDD, notamment en visant la force majeure.
Cette notion juridique est définie à l’article 1218 du code civil comme étant « un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ».
Rapporté au droit du travail, la force majeure est quasiment jamais retenue par les juridictions sociales. Tel n’est pas le cas par exemple des difficultés financières de l'employeur (Cass. soc., 20 février 1996, n° 93-42.663),
En cas de rupture anticipée et abusive de l’employeur, le salarié est en droit de réclamer des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat selon l’article L. 1243-4 du code du travail.
Dans la continuité de ces éléments, et en toute logique à notre sens, la Cour d’appel de CHAMBERY écarte l’existence d’un cas de force majeure au cas d’espèce.
En effet, si la crise sanitaire est un événement soudain et imprévisible, il n'était pas impossible de maintenir le contrat de travail de la salariée, l'Etat ayant mis en œuvre rapidement des mesures permettant le recours au travail partiel et le versement d'allocations compensatrices versées par l'Etat à l'employeur, ce qui permettait de sauvegarder des emplois et de garantir aux salariés dont l'entreprise était fermée un revenu.
Dès lors, la crise sanitaire liée à la Covid 19 ne saurait constituer un cas de force majeure au sens juridique permettant de mettre fin prématurément à un CDD.
La rupture anticipée du contrat de la salariée n'étant pas fondée, la Cour condamne l'employeur à verser à la salariée l'ensemble des salaires que cette dernière aurait perçus jusqu'au terme du CDD.
Au regard de l’actualité de la question et des conséquences non négligeables de la Covid 19 sur les relations de travail, il n’est pas impossible que la Cour de cassation soit amenée à trancher cette question dans les années à venir.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.