CA PARIS, 07 juin 2023, RG n° 21/03220 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de PARIS est amenée à apprécier le bien-fondé d’un licenciement pour faute lourde d’un salarié.
Sur l’échelle des sanctions disciplinaires, et plus particulièrement du licenciement, la faute lourde constitue la sanction la plus grave susceptible d’être reprochée à un salarié.
En la matière, le code du travail ne donne aucune définition d’une telle faute, ce travail revenant à la jurisprudence.
Compte tenu de cette extrême gravité, la Cour de cassation définit la faute lourde comme « l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise » (Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-26.299).
En pratique, il est difficile de caractériser cette volonté de nuire du salarié qui dépend surtout des données factuelles d’un litige. Tel est le cas par exemple :
- D’un salarié qui prend contact avec un concurrent direct de son employeur en vue de lui faire perdre un marché (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 17-27.933).
- Le détournement de la clientèle de son employeur (Cass. soc., 6 avril 2022, n° 20-20.128).
Au cas d’espèce, il s’agissait d’un salarié qui a été engagé, le 01er avril 2009, en qualité de responsable commercial. Le 03 janvier 2019, il a été licencié pour faute lourde au motif, d'une part, qu'il aurait organisé un stratagème lui permettant de détourner de l'argent sous couvert de négociation d'amendes douanières inexistantes et, d'autre part, qu'il aurait utilisé les fonds de la société pour régler des dépenses personnelles.
Après avoir rappelé la définition de la faute lourde, la Cour d’appel de PARIS précise également que l'intention de nuire à l'employeur ne saurait en outre se déduire du seul caractère pénalement répréhensible des faits reprochés.
En premier lieu, elle s'intéresse aux deux griefs invoqués dans la lettre de licenciement en vue d'apprécier ou non la réalité d'une telle faute.
Sur le grief relatif à un détournement de fonds sous couvert de négociation d'amendes douanières inexistantes, elle note qu'entre 2015 et 2018, 18 amendes douanières ont été réglées à l'initiative du salarié. Cependant, l'employeur n'a jamais obtenu le moindre document justificatif émanant de l'administration douanière.
Sur le second grief, l'employeur versait aux débats un audit interne démontrant que les fonds de la société avaient été utilisés pour régler directement des dépenses de réparation de véhicules ne lui appartenant pas.
Ainsi, pour la Cour, compte tenu de leur gravité intrinsèque et du niveau de responsabilité du salarié, ces griefs interdisaient son maintien dans les effectifs de l'entreprise et justifiaient son départ immédiat au titre d'une faute grave.
En revanche, l'intention de nuire à son employeur du salarié n'est pas suffisamment établie, ce dernier étant manifestement animé par la volonté de s'enrichir mais non de porter préjudice volontairement à son employeur.
Récemment, la Cour de cassation a confirmé un arrêt dont les faits d’espèce étaient similaires relatifs à un détournement de marchandises, le salarié étant animé d’une volonté de s’enrichir mais non de nuire à son employeur. Seule la faute grave est retenue (Cass. soc., 18 janvier 2023, n° 20-21.223).
Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON en droit du travail et droit de la sécurité sociale
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.