Le harcèlement moral devient de plus en plus présent dans les relations de travail.
Les salariés disposent donc désormais d'armes légales pour lutter contre le harcèlement moral au travail.
I- Définition du Harcèlement moral
Le harcèlement moral est défini à l'article L. 1152-1 du Code du travail qui dispose qu’
"aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".
L'article L. 1152-1 apporte plusieurs précisions :
Tout d’abord, le harcèlement moral n’est pas lié à un abus d'autorité. En effet, toutes les situations de harcèlement sont envisagées par le texte, qu'elles émanent de l'employeur, de son représentant ou même des salariés de l'entreprise. (Crim. 6 déc. 2011)
Puis, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de nuire de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité. (Soc. 10 nov. 2009)
Enfin, le fait que l’article mentionne « des agissements répétés » n’empêche en rien que les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période (Soc. 26 mai 2010)
Quelques exemples de harcèlement moral reconnus par la Cour :
- Constituent des faits caractéristiques de harcèlement moral, de par leur conjonction et leur répétition, le retrait sans motif à une salariée de son téléphone portable à usage professionnel, l'instauration d'une obligation nouvelle et sans justification de se présenter tous les matins au bureau de sa supérieure hiérarchique, l'attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, faits générateurs d'un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail.
- Caractérisent un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet et pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
- Est victime de harcèlement moral le salarié qui produit des attestations précises, circonstanciées et concordantes selon lesquelles l'employeur a, à plusieurs reprises cherché à le déstabiliser, lors de réunions, menaçant de produire des documents émanant d'une entreprise commanditaire mettant en cause ses prestations; de plus l'employeur n'avait de cesse quotidiennement de dénigrer ses employés et de leur faire perdre confiance, et avait des réactions démesurées, menaçant par exemple d'appeler la police pour un incident précis, et cherchant en permanence à créer le conflit entre salariés.
- Constituent des faits caractéristiques de harcèlement moral le fait d'installer une salariée dans le bureau de son supérieur hiérarchique avec lequel elle ne s'entendait pas et sans lui fournir les moyens lui permettant d'effectuer son travail.
- Constituent des faits caractéristiques de harcèlement moral le fait qu'une salariée ait été installée avec une collègue dans un bureau aux dimensions restreintes, qu'elle ait été laissée pour compte, et que le travail qui lui était confié se limitait à l'archivage et à des rectificatifs de photocopies.
- Constituent des faits caractéristiques de harcèlement moral les méthodes de gestion consistant, pour un supérieur hiérarchique, à soumettre ses subordonnés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l'intention de diviser l'équipe, se traduisant pour le salarié par sa mise à l'écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue caractérisée par une communication par l'intermédiaire d'un tableau, ayant entraîné un état dépressif, quand bien même l'employeur aurait pu prendre des dispositions en vue de le faire cesser.
Lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant, selon lui, un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. (Soc. 16 mai 2012)
II- Sanctions du Harcèlement moral
A- Sanction Pénal
L’infraction pénal se trouve dans l’article 222-33-2 du code pénal qui dispose que
« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000€ d'amende. »
Lorsque l’infraction commise est couverte à la fois par le Code du travail et par les dispositions du Code pénal, ce sont les sanctions, plus élevées, prévues par ce code qui sont appliquées.
B- Sanction Civil
Selon l’article L.1155-2 du code du travail, toute infraction aux dispositions de l'article L.11521 du Code du travail est sanctionnée d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement.
D’après l’article L. 1152-3 du code du travail:
« Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul. »
Cela implique :
- que toute rupture du contrat de travail qui résulterait d'agissements répétés de harcèlement moral, toute disposition ou tout acte contraire à l'article L. 1152-1 et L. 1152-2 du Code du travail, est nul de plein droit.
- que l'employeur a eu à l'égard du salarié une attitude «répétitive» constitutive de violences morales et psychologiques, le salarié était en droit de rompre son contrat de travail et d'en imputer la rupture à l'employeur (Soc., 26 janvier 2005, société Industrielle méditéranéenne alimentaire (IMA)
- que si le harcèlement est caractérisé et que le comportement reproché à la salariée est une réaction au harcèlement moral dont elle a été victime, alors il n'y a pas à examiner les autres faits énoncés dans la lettre de licenciement pour prononcer le licenciement nul. (Soc., 29 mai 2011, l'Association hospitalière Nord Artois cliniques)
Il peut exister une atténuation à cette sanction, dès lors que le comportement de la victime a contribué à la dégradation de ses conditions de travail, la responsabilité de l'employeur peut être atténuée.
Enfin, le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. (Soc., 10 mars 2009, M. Bennasser Boulmane)
Gaël COLLIN