LA JURISPRUDENCE PENALE ET LE DELIT D'ESCROQUERIE AU JUGEMENT.

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Si l'action en justice est un droit, dont dispose tout justiciable, des limites sont posées à la fois dans l’abus de cette action, mais aussi par la notion de fraude. Ainsi, peuvent être sanctionnés - l'abus du droit "d’ester en Justice" fautif, par le biais d’une amende civile et des dommages et intérêts contre le demandeur - La duperie et la tromperie des juges provoquées par des manœuvres. Il s'agira du délit pénal d’escroquerie au jugement, dont les contours ont été fixés par la jurisprudence. Dans l'escroquerie au jugement l'auteur trompera la religion du juge dans le but d’obtenir un titre qui portera nécessairement atteinte à la fortune de la personne condamnée. - Duper la religion d'un tribunal et tromper ses juges avec des manœuvres déterminantes ne seront pas sans conséquences.

Si l'action en justice est un droit, dont dispose tout justiciable, des limites sont posées à la fois dans l

LA JURISPRUDENCE PENALE ET LE DELIT D'ESCROQUERIE AU JUGEMENT.

Cet article a été remis à jour le 27 août 2013  ESCROQUERIE AU JUGEMENT POUR TROMPER LE JUGE: UN DELIT LOURD DE CONSEQUENCES.

L’article 313-1 du Code pénal dispose :

« L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. »

La peine et l'amende pourront être majorées dans certaines circonstances agravantes  visées par l'article L 313-2 du Code pénal (ex bande organisée...) , étant rappelé que la tentative est punie des même peines que l'action aboutie.

Le principe posé,il faut rappeler que: Si toute action en justice est un droit, des limites sont posés à la fois dans l’abus de l'action, mais aussi dans sa fraude. Ainsi

- -  L’abus de droit "d’ester en Justice", fautif peut  être sanctionné par une amende civile et des dommages et intérêt contre le demandeur; (Il s'agit ici d'une action judiciaire, intentée de mauvaise foi, sachant qu'elle est vouée à l'échec ou pour nuire à l'adversaire. De la même façon en cas de plainte avec constitution de partie civile, d'appel ou de pourvoi en cassation jugés dilatoires ou abusifs)

- -  La duperie et  la tromperie des juges provoquée par des manœuvres  déterminantes constitueront le délit pénal d’escroquerie au jugement.

Toute production d’une pièce fausse, destinée à obtenir une décision qui portera atteinte au patrimoine d’autrui, ou l’omission dans une déclaration pourront être prises en compte.

"L’escroquerie au jugement"  tient dans le fait de tromper la religion du juge dans le but d’obtenir un titre avec lequel le demandeur pourra porter atteinte à la fortune de la personne condamnée, de vouloir obtenir en fraude  des droits  d'autrui une décision de Justice

La Cour de cassation a précisé les contours de la notion d’élément matériel.

A partir du moment où une  action en justice n’est que l’exercice d’un droit, il  ne suffira pas pour que ce délit  soit constitué, que le plaideur formule des allégations mensongères, mêmes répétitives. Il faudra qu'il  les accompagne d’éléments extérieurs.

 

I- La définition de l’élément matériel affinée par les Tribunaux

 

A) Rappel de principe: l’usage de manœuvres

 

Les tribunaux considèrent que le jugement est un titre exécutoire qui crée obligation ou décharge.

Pour la jurisprudence , le fait de tromper sciemment un juge pour en obtenir une décision favorable à ses prétentions, soit par la production de faux documents, soit à l’aide de faux témoignages.

Ce principe a été posé il y a plus d’un siècle.

Crim 23 janvier 1919, (Bull. n° 21) « Le délit de tentative d’escroquerie au jugement est caractérisé par des manœuvres frauduleuses visant à tromper le juge dans l’exercice de sa fonction... »

Crim  8 novembre 1962, (Bull. crim, no 312 ).

 

Crim 7 janvier 1970 (Bull.crim. n°14 p.30) : Si l’exercice d’une action en justice constitue un droit, sa mise en œuvre peut constituer une manœuvre frauduleuse caractérisant le délit d’escroquerie.

B) Les moyens utilisés

 

Crim 24 juin 1970 (Bull.crim. n° 213 p.516) :

« On ne saurait voir une manœuvre frauduleuse, … dans la production, à l’appui d’une action en justice, d’une pièce dont le juge civil a précisément pour mission de déterminer le sens exact et la valeur probante ».

 

Crim 26 mars 1998 (GP 1998 II Chr.crim. 121 )

« Constitue une tentative d’escroquerie le fait pour une partie de présenter sciemment en justice un document mensonger destiné à tromper la religion du juge et susceptible, si la machination n’est pas déjouée, de faire rendre une décision de nature à préjudicier aux intérêts de l’adversaire. » voir aussi Crim. 14 mars 1972 (GP 1972 II 738)

Des déclarations mensongères, même répétitives, ne suffiront pas pour constituer le délit d’escroquerie lorsqu’elles ne sont pas accompagnées d’un fait extérieur ou d’un agissement quelconque destiné à y faire ajouter foi.

 

Les éléments extérieurs ( manœuvres, fausse qualité, faux document, mise en scène…) devront être provoqués de mauvaise foi, par l’intervention et l'utilisation de l’appareil judiciaire dans l'obtention d'une  décision  en vue de la spoliation de l'adversaire.

Crim 20 avril 2005, n° de pourvoi: 04-84828

Crim 7 avril 1992 a condamné un époux qui, sans présenter de faux documents, avait produit des pièces qui donnaient une image inexacte de sa situation réelle …

Les circonstances de fait seront appréciées souverainement. Il faudra démontrer la fausseté des documents allégués par exemple.

N’oublions pas les dispositions de l’article 272 du code civil qui prévoit que

« Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie....  »

La production d'une fausse attestation obligatoire aux débats sera un élément à considérer, si elle a emporté ou faussé la conviction du juge.

Crim 22 février 1996, pourvoi n° 95-81.627.

La déclaration d'un sinistre à une compagnie d'assurance, accompagnée d'un certificat de dépôt de plainte pour vol, destiné à donner force et crédit à la réalité de ce vol, caractérise le commencement d'exécution d'une tentative d'escroquerie.

 

 

II- Elément moral et mise en œuvre de l’action

 

A) L'élément moral : L'intention frauduleuse

L’intention coupable, sans laquelle n’y a pas infraction, tient dans le fait que le l’une des parties,  en parfaite connaissance de cause, a commis les manœuvres frauduleuses dans le dessein de tromper les magistrats et d'y aboutir. Sinon, il s'agirait de tentative.

C'est la mauvaise foi, la malhonnêteté, l'intention de nuire...

 

B) La mise en œuvre de l’action pénale

Une plainte devra être adressée par RAR au procureur de la république près le tribunal de grande instance compétent, ou déposée au commissariat pour escroquerie en demandant réparation du préjudice qui a été causé. la victime pourra se constituer partie civile jusqu'à l'audience pénale afin de formuler une demande de  dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier et du préjudice moral causé.

La Cour de cassation considère que l'escroquerie au jugement sera consommée au jour où la décision obtenue frauduleusement est devenue exécutoire.

C'est donc à cette date que doit être fixé le point de départ du délai de prescription de 6 ans, s'agissant d'un délit. Crim 30 juin 2004 (Bull. n° 178).

Parfois elle sera ajoutée à d'autres délits : faux et usage de faux document, et/ou  faux témoignage.

Ainsi, entre les plaintes pour faux et usages de faux documents, faux témoignages, y compris par omission ou escroquerie au jugement, les risques d'amendes civiles liées aux abus judiciaires, les justiciables feront bien de respecter  des conseils de prudence, puisqu'au delà du risque, il y a la sanction..

Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm

Sabine HADDAD

Avocate au barreau de Paris

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1 Publié par Visiteur
20/02/2010 18:49

Cher Maitre, merci infiniment pour cet excellent article

si j'ai bien compris
prenons le cas d'une partie qui assigne une autre par exemple pour contrefacon sur un produit, qui fournit en prejudices des justificatifs de depense de salons professionnels et de publicité qu'elle s'attribue, qu'elle reprends a la fois dans le corps de l'assignation le montant desdits frais pour evaluer son prejudice et insiste sur le fait qu'elle a bien payé ces frais (au passage faisant reference au bordereau des pieces justificatives qu'elle fournit en bordereau de pieces jointes et sur lequel figure également la mention: factures des depenses de publicite et de salons professionnels payes depuis 2004.

il y a donc repetition
il y a également fourniture de piece qui toutes font reference a des depenses de la societe qui assigne "depenses depuis 2004"

le jugement est rendu en faveur de la societe qui a assigné le juge statuant sur les prejudices dont il reprend les termes dans le corps du jugement (depenses salons professionnels et publicite).

l'evaluation du prejudice s'est fondée sur les depenses de salons professionnels et de publicite payes depuis 2004 de la societe qui assigne et ordonne une execution provisoire.

la societe perdante fait appel
il y a echange de conclusions et lors des conclusions responsives la societe qui fait appel s'appercoit que :
les depenses de publicite et de salons professionnels ne correspondent pas pour la plupart a la meme societe mais a une societe de meme nom mais de droit etranger sans lien juridique, de surcroit la societe qui assigne creee en 2007, elle ne peut pas fournir de pieces datant 2004.

s'agit il d une escroquerie au jugement?
fornir des justificatifs dans un proces au civil qui ne correspondent pas à la societe qui assigne mais à une societe homonyme pour gonfler artificiellement les prejudices : s'agit il également de faux en ecriture publique, toutes les mentions faisant references aux dites pieces sont nominativement attribuées à la societe qui assigne?

sur la base de votre article j aimerais avoir votre avis (j ai pris contrefacon mais j aurais pu prendre tout autre delit)car il s'agit de la fourniture de fausses preuves ou eventuellement d'une usurpation d'identite commerciale ayant servi a tromper le juge dans sa religion, juge s'appuyant sur ces pieces pour etablir le prejudice et rendre un jugement.

bien cordialement
Shugasan





l

2 Publié par Visiteur
22/02/2010 16:02

cher maitre,
dans le cadre d une escroquerie au jugememnt
quid du juge et surtout de l'avocat de la partie qui a aura commis la fraude?

en s appuyant sur l article 121-3 du cp particulierement en son alinea 2, l avocat risque t il par ricochet de rentrer dans le champs de l'article 121-7 (complice)

quid du juge également?

j'aimerais avoir votre avis
bien cordialement
shugasan

3 Publié par Me Haddad Sabine
22/02/2010 16:39

A shugasan

Cher shugasan,

Comme tout délit, et en particulier,au regard de l' escroquerie au jugement, la preuve de ses éléments constitutifs reste un élément déterminant.Je pense à la fois à l'élément matériel,mais aussi intentionnel.Poursuivre un homme de Loi, sera le parcours du combattant, mais rien n'est impossible. La loi est faite pour tout le monde. Encore faut-il démontrer que le client d'un avocat ne lui a pas caché la situation et qu'il connaissait l'origine frauduleuse des éléments produits aux débats.
Nous avons une déontologie, et une conscience. Les règles du droit pénal et notre règlement intérieur sont là pour sanctionner tout abus de comportement. Une poursuite de l'auteur et du complice ne serait pas exclue... Chaque cas doit s'analyser in concreto. N'ayant pas les éléments de situation, faits, pièces produites et de dossier, ma réponse, ne peut aller au delà, et je ne peux garder qu'une grande circonspection. Bonne journée

Me HADDAD Sabine

4 Publié par Visiteur
25/02/2010 19:18

Merci Maître pour ces précisions,il s'agit d'un sujet passionnant.
S'agissant des risques de poursuite à l'encontre du conseil de la partie qui commet ce délit.
Admettons que l'erreur materielle soit constituée par une fausse facture
la piece est presentée par l avocat en 1ere instance, fait références plusieurs fois dans l'assignation à ce document et etablit par ces motifs demande au juge de tenir compte des sommes engagées par la sté en faisant référence à la fausse facture. admettons 3 référence dans l'assignation.
Le juge etablit son jugement et se base sur cette facture pour condamner la societe assignée
il reprend comme il se doit les termes dans son jugement ce qui implique qu'il prend en compte la demande de la demanderesse.

il y a répétition (3 evocation des pieces) dans l'assignation et reprise claire par le juge dans son jugement.
la mauvaise foi est retenue lorsqu'il y a répétition des actes. le devoir de conseil est de verifier toute pieces et fonder le prejudice sur un examen de ces pieces. ce qui met à mal la bonne foi qui consisterait à dire je ne savais pas. et là, on a recel non ?et complicité à mon sens.

dans un cas extreme au second degré
si l'intimée réitère à nouveau dans les conclusions responsives les fameuses pieces fausses et dans le corps ds conclusions et dans le bordereau des pieces jointes, la répétition n'est plus une simple vue de l'esprit.
Le conseil peut donc se voir malmené et embarqué par négligence sur un terrain désagréable.
quid du juge qui a manqué à son devoir de vérification, même s'il est trompé par une partie (et son conseil) par la production de fausses pieces ne risque t il pas un délit pénal si par exemple il ordonne une execution provisoire? un recel en quelque sortes par negligence
qu'en pensez vous?
Bien cordialement
shugasan
si la demanderesse fait

5 Publié par pontissou
26/02/2010 19:01

Dans une procédure d'appel, l'intimé a produit des pièces qui ont trompé les Juges dans leur arrêt.
Ceux-ci ont repris dans cet arrêt des affirmations qui corrompent la vérité.

Cet intimé a chargé un huissier d'exécuter cet arrêt qui est un faux au vu du Code Pénale, au besoin sous menace de saisie-vente de mes biens.

J'ai démontré à cet huissier qu'il avait utilisé un faux pour me faire payer à son Etude près de 5.000 euros.

Cet huissier doit-il aviser le Procureur en application de l'art 40 du Code de Procédure Pénale ?
Respectueusement

6 Publié par Visiteur
07/03/2010 16:22

cher maitre ,bonjour
j ai fais de grosses bêtises si ce n est un autre terme en effet j ai dérobé le porte feuille d un personne rencontré sur un lieux de drague et j ai a plusieurs reprises fais des retraits en guichet avec sa carte d identité et sa carte bleue je lui ai pris la somme de 5000Euros pourriez vous me dire ce que je risque et ala seule chose que je puisse faire c est rembourser jusqu'au dernier centimes

7 Publié par nels
21/03/2010 16:25

Cher Maître,
Je vous remercie pour cette publication détaillée sur le délit d’escroquerie au jugement qui donne à vos lecteurs quelques espoirs. Pouvez-vous avoir la gentillesse d’apporter une petite précision :
Si on a une preuve écrite incontestable qu’un document utilisé lors d’un jugement est mensonger, qu’il a trompé la religion du juge et qu’il a porté préjudice aux intérêts de l’adversaire ; une action pénale peut-elle aboutir malgré le fait que l’avocat et l’avoué de la victime aient eu connaissance du document mensonger et se soient contentés de le contredire très brièvement dans leurs conclusions sans prendre la peine d’apporter au juge la preuve du mensonge (preuve qu’ils possedaient).
Peut-on encore parler dans ce cas de fraude, de tromperie, d’éléments provoqués de mauvaise foi ?
Merci, Maître, pour votre réponse
Bien cordialement
Nels

8 Publié par danielle argant
20/04/2010 18:56

bonjour,
je reprends la belle démonstration de Me Hadad.
si un élément nouveau prouve que plusieurs procès ont été menés en cachant cet "élément"
ce qui a permis aux personnes dissimulant cet "élément" de "gagner" les-dits procès,
si ces procès ont eu lieu au "civil" est-ce que la révision se fera au "civil" ou au "pénal" puisqu'il y a eu "escroquerie" à jugement ?
merci de votre réponse
danielleargant

9 Publié par Me Haddad Sabine
20/04/2010 19:09

A Daniellearguant

Chère Madame,

Le délit d'escroquerie au jugement est un délit pénal autonome et à part entière, susceptible de poursuites pénales.

La partie civile arguera de ses préjudices personnels et moraux...

Ce délit peut résulter d'une commission ( ex production de faux documents, ou de documents sans valeur, pour obtenir) mais aussi d'une omission...La violation du principe du procès équitable devrait permettre une révision de la décision qui aura rendu la décision, en revenant devant les juges qui l'ont prononcé pour leur demander de modifier leur décision erronée.

Une condamnation pénale d'escroquerie au jugement fortifierait aussi une telle demande.

Cordialement

Me HADDAD Sabine

10 Publié par Visiteur
30/06/2010 16:43

Maître Haddad,

La production, lors d'un jugement, d'un contrat de bail comportant une clause contraire à la loi peut-elle être considérée comme une escroquerie au jugement?
Cordialement,

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L’Avocate vous fait Juge” Copyright Sabine HADDAD Première Edition : décembre 2013 ISBN: 978-1-291-48466-3 -330 pages

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