Lors de la liquidation du régime matrimonial de communauté, se posera le problème des reprises et récompenses.
De quoi s'agit-il ?
La liquidation du régime matrimonial, postérieure au divorce suppose de connaître le régime matrimonial des époux (régime de type communautaire ou séparatiste ), et de savoir à quelle date est intervenue la date de dissolution de la communauté, à défaut d'accord amiable des époux.
Lors du partage de communauté, deux dates doivent en effet impérativement être connues afin de procéder à sa liquidation .
D’une part, la date de dissolution de la communauté, qui marque la fin de la communauté et le début de l’indivision post-communautaire
En vertu de l’article 262-1 du Code civil sera retenue en principe la date de l’ordonnance de non-conciliation, cependant, l’un des deux époux pourrait demander le report de la date de dissolution de la communauté à la date où les époux ont cessé de cohabiter ou de collaborer.
D'autre part la date de jouissance divise, qui est la date à laquelle ladite indivision prend fin. Elle permettra de déterminer la date du partage, date à laquelle seront évalués les biens présents des époux.
En vertu de l'’article 262 du Code civil, en ce qui concerne les biens des époux, le jugement leur est opposable à partir du jour où les formalités de mention en marge prescrites par les règles de l’état civil ont été accomplies.
Qu'en est-il de la liquidation du régime de communauté ?
I- Les reprises
A) Reprises des biens propres
L'article 1467 alinéa 1er du code civil envisage la reprise des biens propres pour chaque époux. «la communauté dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n’étaient point rentrés en communauté s’ils existent en nature ou les biens qui y ont été subrogés».
1°- Reprise des immeubles
Les actes notariés feront foi de la qualité de biens propres.
Soit ils viseront un bien antérieur au mariage, soit en cas d'achat durant le mariage ils porteront une clause d'emploi ou de remploi rappelant l'origine des fonds propres et leur utilisation...
La clause d'emploi permettra de préciser que les fonds à l'origine de l'achat sont propres ( ex issus de donation ou succession).
La clause de remploi permettra à l’époux qui vend un de ses biens propres en vue d’effectuer un autre achat, de démontrer que ce nouveau bien reste un bien propre puisque acquis avec des fonds propres issus de cette vente.
La technique du remploi permet à la fois de prouver les fonds propres ainsi que l’utilisation des ces derniers par la communauté.
2°- Reprise des meubles
La preuve du mobilier en cas de conflit se fera par tous moyens, étant rappelé que l'article 1402 du code civil instaure une présomption de communauté.
En présence d'un inventaire cette preuve sera facilitée pour éviter toute contestation sur la nature du bien propre.
A défaut,le juge exercera son pouvoir souverain d'appréciation en présence d'autres éléments probants ( ex titre de famille, registre et papiers domestiques ,documents de banque et facture, ) tels qu'envisagés par l' article 1402 alinéa 2 du code civil.
3°- Reprise d'argent propre sur un compte ?
Il faudra ici analyser si le compte bancaire appartient à un seul époux et s’il n’existe que des mouvements entrants ou sortants dus à l’époux, seul titulaire du compte.
Toute confusion de l'argent propre avec de l'argent commun : ex porté dans un compte joint donc commun, rendra les sommes portées sur les comptes communes...
II Les récompenses
Dans le régime communautaire , il y a lieu d’apprécier et de distinguer après la « reprise » des biens propres 3 sortes de patrimoines.
- Les biens propres de chaque époux (ceux leur appartenant à titre personnel), étant précisé que dans le régime légal tous biens possédés avant le mariage ou reçus par donation ou succession sont des biens propres...
-Les biens communs, constitués des gains et salaires des époux, ceux acquis durant le mariage.
C’est dans ce cadre précis, que les mouvements effectués entre les divers patrimoines seront envisagés afin d’évaluer les récompenses au sein de cette communauté.
A) Définition et circonstances de leurs mises en œuvre
1°- Une indemnité destinée à maintenir l’équilibre des patrimoines.
La récompense peut être définie comme une indemnité due lors de la dissolution du régime matrimonial à la communauté lorsque le patrimoine personnel d’un époux s’est enrichi au détriment de celle-ci ou à l’époux si la communauté s’est enrichie à son détriment.
Ce procédé technique est destiné à maintenir, l'équilibre des patrimoines propres des époux et de leur patrimoine commun, pour éviter que la masse de biens commune ne se trouve, au moment du partage, augmentée ou diminuée au détriment, ou au profit du patrimoine propre de l'un des époux.
L’article 1468 du code civil dispose « Il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu'il doit à la communauté …."
2°- Une indemnité différente de la créance entre époux
La créance entre époux aura pour objet de rectifier un mouvement de valeur intervenu durant la communauté entre les deux patrimoines propres des époux, sans que la communauté n'intervienne au sein d’une créance entre époux.
B) Une indemnité due au profit des époux ou de la communauté elle-même.
1°- Récompenses dues par l'un des époux
Article 1437 du code civil
« Toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense »
Il appert que lorsqu’un époux aura pris une somme à la communauté pour s’acquitter d’une dette personnelle qui serait antérieure au mariage avec les fonds communs. Il devra une « récompense ».
De même s’il prend un bien à la communauté pour consentir une donation à titre personnel, ou s’il prive la communauté de revenus…
Ainsi, la communauté a droit à récompense lorsqu’elle s’est appauvrie au profit d‘un époux.
Dans trois situations, la récompense ne sera pas possible: ainsi pour les dépenses usufructuaires, les intérêts d’emprunt et le travail en industrie.
---------------- Prenons 3 exemples concrets --------------------
1 er cas : Un époux cède un bien propre d'une valeur de 400.000 euros pour en acheter un autre d’une valeur de 500 000 euros avec « clause de remploi ».
De ce fait, au regard de la déclaration portée dans l’acte notarié ( voir 2°) il sera, certes propriétaire du nouveau bien, mais redevable d’une somme de 100.000 euros à la communauté.
2ème cas : Un époux, propriétaire d’un terrain y fait construire une maison, au moyen de fonds communs. Cet immeuble restera son bien propre en vertu de la règle de « l’accessoire suit le principal. », mais il devra une récompense à la communauté.
3ème cas : ex Un couple qui finance l'acquisition de fournitures destinées à un fonds de commerce propre à l’un d’eux, rendra son propriétaire, tenu de rembourser l'achat desdites fournitures à la communauté.
La jurisprudence a été amenée à préciser les contours, face à la complexité du code civil et des diverses situations.
1ère Civ, 14 novembre 2007, pourvoi N° 05-18.570
« La cour d’appel a retenu à bon droit que les soldes débiteurs des comptes bancaires professionnels du mari avaient été apurés à l’aide de deniers communs afin d’éviter la disparition du fonds artisanal ; elle en a exactement déduit que Monsieur X tait redevable envers la communauté d’une récompense à raison de la dépense faite pour la conservation d’un bien lui appartenant en propre.
1ère Civ, 28 février 2006, pourvoi N° 03-16-887
"Il résulte de l’article 1437 du code civil (précité) qu'un époux ne doit récompense à la communauté que lorsqu'il est pris une somme sur celle-ci ou, plus généralement, lorsque l'époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté.
Il s'ensuit que la plus-value procurée par l'activité d'un époux ayant réalisé lui-même certains travaux sur un bien qui lui est propre, tels ceux effectués grâce à son travail personnel durant ses moments de loisirs, ne donne pas lieu à récompense au profit de la communauté. »
1ère Civ, 8 novembre 2005 (BICC n°634 du 1er février 2006) a jugé
« les époux ne sont pas tenus à récompenses envers la communauté, l'un pour les pensions alimentaires versées, pendant la durée du mariage à ses filles nées d'une précédente union, l'autre pour les pensions de même nature servies, pendant le mariage, à sa fille issue d'une précédente union et à son père, alors que ces dettes constituent un passif définitif de la communauté »
2°- Récompenses dues par la communauté à l’un des époux
L’article 1433 du code civil précise :
« La communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit des biens propres.
Il en est ainsi, notamment, quand la communauté a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi.
Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous moyens, même par témoignage et présomption".
Il s’agira de l'utilisation opérée de fonds ou de la vente d'un bien propre afin d’acquérir un bien commun.
exemple 1: La communauté finance des travaux d’entretien d’un logement appartenant en propre à un époux (ex domicile conjugal ), ce qui rend ce dernier redevable d’une récompense, lors de la liquidation du régime matrimonial suite à divorce.
exemple 2 : un mari, vend un immeuble lui appartenant en propre, pour acquérir un fonds de commerce sans remploi, lequel devient un bien commun.Dans la mesure où il aura enrichi la communauté, celle-ci lui devra récompense.
exemple 3: aura droit à récompense, à charge de la communauté, l'épou(x)se qui aurait perçu des sommes dans le cadre de la succession de son père, lesquelles seraient encaissées sur les comptes de la communauté.
1ère Civ, 22 novembre 2005, pourvoi N° 02-19.283
Si la preuve double de l’existence de deniers propres est rapportée ainsi que celle de leur utilisation au profit de la communauté alors le conjoint concerné aura droit à récompense.
1ere Civ, 8 février 2005, pourvoi N°03-13.456
«le profit résulte de l’encaissement par la communauté de fonds propres, à défaut d’emploi ou de remploi».
La technique du remploi permet à la fois de prouver les fonds propres ainsi que l’utilisation des ces derniers par la communauté.
Dans un prochain article, j'aborderai le calcul de la récompense.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter
DE QUELQUES RECOMPENSES ENTRE EPOUX.
Les « récompenses » : un bon point ou un mauvais ticket pour les époux ?
L'évaluation des récompenses au moment de la liquidation du régime de communauté