Le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dit "Loi Pinel", du nom de son auteure, la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, est actuellement à l'examen au parlement.
Soumis au régime de la procédure accélérée, le projet amendé a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 18 février 2014, et doit à présent être débattu au Sénat.
Ce projet de réforme comporte un certain nombre d'évolutions en matière de baux commerciaux, dans le but affirmé de rétablir l'équilibre contractuel au profit des commerçants locataires, en leur conférant notamment des garanties accrues et davantage de souplesse.
Le projet de loi en discussion comporte notamment les modifications suivantes.
- L'allongement de la durée des baux dérogatoires
La durée de principe d'un bail commercial est de 9 ans. Par dérogation à ce principe, les parties au bail peuvent actuellement convenir d'une durée d'occupation dérogatoire pouvant aller jusqu'à 2 ans.
L'article 1er du projet de loi propose de porter cette durée dérogatoire à 3 ans, affirmant apporter ainsi plus de souplesse aux parties.
- L'assouplissement du congé pouvant être délivré par le preneur au terme des périodes triennales (3/6/9)
Par exception à la durée de principe du bail commercial, de 9 ans, la preneur a la faculté de résilier le bail au terme de chaque période de 3 ans, sous réserve de donner préavis à son bailleur par acte d'huissier au moins 6 mois à l'avance.
Sur ce point, deux modifications importantes pourraient être introduites par la future loi.
La première mesure réside dans un amendement présenté par le rapporteur du texte Fabrice Verdier. Il s'agit de permettre au preneur souhaitant résilier le bail de notifier le congé par lettre recommandée et non plus obligatoirement par acte extrajudiciaire (acte d'huissier).
La chambre nationale des huissiers de justice est vigoureusement opposée à cet amendement. La profession, qui fait valoir les enjeux liés à la bonne délivrance du congé, affirme en effet que la mesure aura pour effet un risque important sur la sécurité juridique.
L'auteur de l'amendement a néanmoins précisé que, par souci de sécurité juridique, et notamment pour obtenir une date certaine, les parties pourraient toujours choisir de recourir à un acte extrajudiciaire.
La seconde mesure réside dans un amendement approuvé par le gouvernement en commission des affaires économiques, visant à conférer au congé triennal un caractère d'ordre public.
Cet amendement, émanant de Mme Janine Dubié, M. Frédéric Roig et M. Thierry Benoît, propose de rétablir l'interdiction des clauses dérogatoires à la possibilité de résiliation anticipée pouvant intervenir à la fin de chaque période triennale.
Dans l'état actuel du droit, les parties au bail commercial peuvent en effet convenir que le preneur renonce à sa possibilité de résiliation anticipée.
Cette pratique, fréquente, permet souvent au preneur de monnayer sa renonciation. Il n'est ainsi pas rare que le bailleur accorde une franchise de loyers, en contrepartie de la garantie de voir ainsi son local occupé pour une période minimale de 6, voire 9 ans.
L'amendement propose de mettre fin à cette pratique, affirmant éviter ainsi que des commerçants, qui auraient renoncé à leur faculté de résiliation anticipée, ne se trouvent tenus de continuer à verser des loyers alors qu'ils n'utilisent plus le local, du fait, par exemple, de la faillite de leur commerce.
- L'indexation des loyers :
Actuellement, l'évolution du prix du loyer, qu'elle soit annuelle, triennale, ou résultant du renouvellement du bail, est fréquemment calculée sur la base de l'indice du coût de la construction (ICC).
Le projet de loi propose de remplacer cet indice, jugé trop volatil et haussier, par l'indice des loyers de l'activité tertiaire (ILAT) et l'indice des loyers commerciaux (ILC).
Ces deux indices sont constitués à partir de la prise en compte de plusieurs autres indices de référence :
- L'ILC correspond ainsi à la somme pondérée de l'indice des prix de la consommation (IPC, pour 50 %), de l'indice du coût de la construction (ICC, pour 25 %), et de l'indice du chiffre d'affaires du comerce en détail de valeurs (ICAV, pour 25 %).
- L'ILAT, quant à lui, est calculé sur la base de l'IPC (50 %), de l'indice représentatif du niveau des prix de la construction neuve (25 %), et de l'indice représentatif du produit brut en valeur (25 %).
- L'obligation de dresser un état des lieux et un inventaire des charges locatives
Dans le but d'éviter les conflits entre les parties, le projet envisage la création d'un nouvel article L. 145-40-1 du code de commerce, rendant obligatoire la tenue d'un état des lieux lors de l'entrée et de la sortie du locataire.
Un nouvel article L. 145-40-2 est également projeté, imposant au bailleur de dresser un inventaire précis des charges locatives liées au bail et de leur répartition entre le locataire et le bailleur.
Selon la ministre, cette mesure est justifiée par l'objectif de donner plus de lisibilité aux locataires, souvent tenus au versement d'un loyer "triple net", comprenant le paiement de tous les frais, impôts et taxes afférents au local.
- La limitation de l'augmentation du loyer lors du renouvellement du bail
L'augmentation du loyer commercial lors du renouvellement du bail est en principe plafonnée, le montant des baux renouvelés devant correspondre à la valeur locative du local (art. L. 145-33 du code de commerce). De fait, l'augmentation de loyer lors du renouvellement du bail est souvent fonction de l'indexation prévue au contrat.
Cependant, la possibilité de "déplafonner" cette augmentation aboutit parfois à de fortes hausses du loyer entre le bail initial et le bail renouvelé. C'est notamment le cas lorsque la valeur du local loué s'est accrue.
Dans pareils cas, l'augmentation, qui peut être brutale, met parfois en difficulté le commerce du preneur.
Le projet de loi envisage de limiter cette hypothèse d'augmentation à 10 % du dernier loyer acquitté.
- La création d'un droit de préférence du locataire en cas de vente du local
Le projet de loi envisage de créer un droit de préemption du locataire, comparable à celui existant en matière de baux d'habitation.
Ismaël TOUMI Avocat
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