Par principe, le changement du lieu de travail constitue une modification du contrat de travail que l’employeur ne peut imposer au salarié.
Pour éviter toute difficulté, chaque fois qu’un changement du lieu de travail est envisageable au moment où il embauche un salarié (en raison de l’existence d’établissements multiples, d’un projet de déménagement de l’entreprise, des fonctions du salarié, etc.), l’employeur peut avoir intérêt à insérer, dans le contrat de travail, une clause de mobilité géographique. En ratifiant une telle clause, le salarié accepte expressément et par avance une nouvelle affectation géographique.
Par deux arrêts (7 juin 2006 et 12 juillet 2006), la Cour de Cassation, tout en maintenant les conditions de mises en oeuvre jusqu’alors dégagées par la jurisprudence a posé pour principe qu’une telle clause devait définir de façon précise sa zone géographique d’application et qu’elle ne pouvait conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée.
Ces principes ont été réaffirmés par la chambre sociale de la Cour de Cassation dans le présent arrêt.
L'employeur qui met en œuvre une clause de mobilité ne doit pas abuser du droit qu'il tient de celle-ci. Cet abus peut résulter des incidences de l'application d'une telle clause sur la situation personnelle du salarié.
Dans cette affaire, l'employeur avait licencié une salariée qui refusait de se conformer à la mise en œuvre de la clause de mobilité contenue dans son contrat de travail. Celle-ci avait alors contesté le bien-fondé de son licenciement en tentant de faire reconnaître l'abus de droit par les juges aux motifs :
- - que son nouveau poste d'affectation, situé à environ 150 kilomètres de son domicile, n'était pas desservi par les transports en commun,
- - qu'elle ne disposait pas d'un moyen de transport personnel,
- - et que son employeur ne lui avait pas assuré les moyens de se rendre sur son nouveau lieu de travail.
En l'espèce, les juges du fond n'ayant pas recherché si l'abus de droit était caractérisé, ils ne pouvaient pas se prononcer sur le caractère abusif ou non du licenciement.
Cass. soc. 25 mars 2009, n° 07-45281 FD - revue fiduciaire
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 122-14-5 du code du travail ensemble l'article 1134 du code civil ;
« Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Protection service ouest sécurité en qualité d'agent de surveillance par contrat de travail à effet du 8 novembre 2002 qui comportait une clause de mobilité, a été affectée au Monoprix de Doullens à compter du 25 mars 2004 ; qu'à la suite de son refus, elle a été licenciée le 10 mai 2004 pour absence sans motif ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour notamment contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes tendant à voir juger que son licenciement était abusif et à se voir allouer la somme de 7 230 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt énonce par motifs adoptés des premiers juges que la clause de mobilité litigieuse peut permettre à l'employeur de muter la salariée dès lors qu'il justifie que la mutation a été mise en oeuvre dans l'intérêt de l'entreprise et démontre l'impossibilité de la maintenir sur les sites de Monoprix Dunkerque et Marionnaud Coquelles ; que, le licenciement est fondé sur le refus de Mme X... de rejoindre les effectifs de la société Protection service en se rendant sur le site de Doullens ; qu'au surplus, la société Protection service s'engageait à payer à Mme X... les frais de transport engendrés par la mutation ; que, dès lors, il apparaît que la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail a été mise en oeuvre dans l'intérêt de l'entreprise et est justifiée par un motif objectif ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme l'y invitait la salariée, si l'abus de droit par l'employeur dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité ne résultait pas du fait que le poste auquel la salariée était affectée située à environ 150 kilomètres de son domicile n'était pas desservi par les transports en commun, qu'elle ne disposait pas d'un moyen de transport personnel et que l'employeur ne lui avait pas assuré les moyens de se rendre sur son nouveau lieu de travail, ce dont il résultait son absence de faute à l'origine de son licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné la société Protection service ouest sécurité à payer à Mme X... la somme de 39, 87 euros au titre de la prime d'habillage et celle de 211, 56 euros au titre d'un rappel de congés payés, l'arrêt rendu le 31 janvier 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens