Bulletins de salaire : preuves de l'existence d'un contrat de travail

Publié le 13/05/2014 Vu 10 005 fois 1
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Dans son arrêt du 30 avril 2014, la Cour de cassation précise que la seule communication de bulletins de salaire suffit à démontrer l'existence d'un contrat de travail

Dans son arrêt du 30 avril 2014, la Cour de cassation précise que la seule communication de bulletins de sal

Bulletins de salaire : preuves de l'existence d'un contrat de travail

Dans son arrêt du 30 avril 2014, la Cour de cassation s'avère plus souple quant à la preuve à rapporter par le dirigeant-salarié d'une entreprise aux fins de démontrer l'existence d'un contrat de travail outre le mandat social dont il est titulaire.

En effet, la seule communication des bulletins de salaire sur sept années a suffit à créer l'apparence d'un contrat de travail et ce, alors qu'elle estimait auparavant que des bulletins et une lettre de licenciement étaient insuffisants (cass. soc. 7 novembre 1995, n° 92-41132 D).

A contrario, la Cour de cassation précise que l'absence de cotisations chômage durant une certaine période ne suffit pas à rejeter l'existence d'un contrat de travail.


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Cass. soc. 30 avril 2014, n°12-35219

"LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 31 octobre 2012), que Mme X... a été engagée selon contrat à durée indéterminée du 1er janvier 1977 en qualité de technico-commerciale par son père Léon Y..., ayant une activité d'imprimerie exploitée sous le nom Imprimerie L. Y... ; que la société Y... a été créée le 8 juin 1984 à la suite du décès de Léon Y..., sa veuve et la soeur de Mme X... étant nommées gérantes, et Mme X... en étant l'associée égalitaire avec sa soeur ; que Mme X... a, du 24 septembre 2001 au 7 février 2003, exercé les fonctions de gérante de la société Y... ; que cette société, placée en redressement judiciaire a, le 7 février 2003, été cédée, dans le cadre d'un plan de cession, à la société UGS, laquelle a engagé « à compter du 7 février 2003 » Mme X... en qualité de directeur commercial ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société UGS et de la cession d'une unité de production, le contrat de travail conclu entre celle-ci et Mme X... a, le 19 février 2004, été transféré à la société Vassel ; que Mme X..., licenciée pour motif économique le 7 août 2009, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Vassel fait grief à l'arrêt de retenir une ancienneté de trente-deux ans et huit mois et de fixer en conséquence les sommes dues à la salariée, alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de travail conclu le 7 février 2003 entre Mme X..., alors gérante égalitaire de la société Y..., en redressement judiciaire, et la société UGS, repris par la société Vassel le 19 février 2004, mentionnait : « la société engage la salariée en qualité de directeur de clientèle à compter du 7 février 2003 » ; que ce contrat ne prévoyait ni transfert d'un éventuel contrat de travail antérieur, ni reprise d'ancienneté ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que ce contrat caractérisait « les conséquences de la reprise d'un contrat de travail suite à reprise d'activité en l'occurrence reprise de la société Y... par la société UGS » la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat, a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'il appartient au salarié qui revendique l'existence d'une relation de travail différente de celle résultant des mentions de son contrat de travail écrit d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que le contrat de travail conclu le 7 février 2003 entre Mme X..., alors gérante égalitaire de la société Y..., en redressement judiciaire, et la société UGS, repris par la société Vassel suivant contrat écrit du 7 décembre 2004, mentionnait : « la société engage la salariée en qualité de directeur de clientèle à compter du 7 février 2003 » ; que ces contrats ne prévoyaient ni transfert d'un éventuel contrat de travail antérieur au 7 février 2003, ni reprise d'ancienneté ; qu'il appartenait, dès lors, à Mme X... de rapporter, contre et outre les mentions de ces contrats de travail écrits, la preuve qu'elle avait bénéficié à cette occasion du transfert d'un contrat de travail antérieur ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;

3°/ que lorsque celui qui prétend avoir été salarié exerçait un mandat social, la production de bulletins de salaire est à elle seule insuffisante à créer l'apparence d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'au moment de la conclusion, le 7 février 2003, d'un contrat de travail avec la société UGS, Mme X..., associée égalitaire et gérante de la société Y..., n'était plus sous la subordination de celle-ci ; qu'il lui incombait dès lors de démontrer, autrement que par la production de bulletins de salaire antérieurs, qu'elle était titulaire, au sein de la société Y..., d'un contrat de travail transféré de plein droit à la société UGS avec la société Y... ; qu'en décidant, au contraire, que la production, par Mme X..., des bulletins de salaire délivrés à partir de 1977 par l'entreprise L. Y... puis par la société Y... suffisait à établir l'existence d'un contrat de travail apparent dont la société Vassel échouait à démontrer la fictivité, la cour d'appel a violé derechef l'article 1315 du code civil ;

4°/ qu'en se déterminant aux termes de motifs, pris de la mention, sur les bulletins de paie délivrés à la salariée de février 2003 à novembre 2009, de sept calculs différents d'ancienneté, dont ne résulte pas la volonté claire et non équivoque de ses employeurs successifs de lui conférer une ancienneté remontant à l'année 1977 la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la qualité d'associé d'une société à responsabilité limitée n'est pas exclusive de celle de salarié ;

Attendu, ensuite, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve ;

Attendu, enfin, qu'en vertu de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par le tribunal de la procédure collective entraîne de plein droit le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail des salariés attachés à l'entreprise cédée ; qu'il ne peut être dérogé à ces dispositions que lorsqu'en application de l'article L. 642-5 du code de commerce le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique ;

Et attendu que la cour d'appel a, pour retenir une ancienneté de trente-deux ans et huit mois, relevé que Mme X... avait produit l'intégralité de ses bulletins de salaire de 1977 à 1984, période pendant laquelle elle travaillait pour le compte de l'entreprise en nom personnel Y..., que, pour la période pendant laquelle elle était associée égalitaire de la société Y..., des bulletins de salaire mentionnant un emploi de Imp. Tech. Photogravure avaient été établis et que l'absence de cotisations aux Assedics à compter de 1989, alléguée par la société Vassel, ne suffisait pas à exclure l'existence d'un contrat de travail alors que l'intéressée n'était investie d'aucun mandat social ; qu'elle a ainsi pu retenir l'existence d'un contrat de travail apparent liant Mme X... à l'entreprise en nom personnel Y... et à la société Y... dont la société Vassel n'établissait pas le caractère fictif, ce dont elle a exactement déduit que c'est par suite du transfert de son contrat de travail et non d'une embauche que l'intéressée est devenue salariée de la société UGS ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ses première et deuxième branches en ce que des stipulations contractuelles ne sauraient faire échec aux dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail et en sa quatrième branche comme critiquant des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Vassel fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'un groupe de sociétés ne saurait exister qu'entre plusieurs sociétés entretenant une communauté d'intérêts, susceptible de naître de la détention de participations en capital, de clauses statutaires créatrices d'un pouvoir spécifique de vote ou de désignation des membres des organes de direction, ou encore de contrats commerciaux porteurs d'influence et source d'un courant d'échange permanent et important ; qu'en décidant l'appartenance de la Société Vassel au « Groupe Firopa » aux termes de motifs insusceptibles de caractériser, à la date du licenciement, l'existence de tels liens entre des sociétés du Groupe Firopa et la société Vassel, laquelle faisait valoir que Firopa ne détenait aucune participation dans son capital, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3, L. 1233-4, L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société Vassel et le groupe Firopa faisaient état, dans leur documentation respective, de ce que celle-ci appartenait au groupe Firopa, que les directeurs généraux de la société holding Firopa et de la société Vassel étaient convoqués à la même réunion de la délégation unique du personnel, et que la société Vassel et l'ensemble des sociétés du groupe Firopa oeuvraient dans le même secteur d'activité, la cour d'appel a pu en déduire, en l'état des éléments qui lui étaient soumis, que l'employeur faisait partie du groupe Firopa, en sorte que la cause économique invoquée devait être vérifiée au niveau du secteur d'activité de ce groupe, et, qu'aucune justification n'étant produite à cet égard, le licenciement motivé par les seules difficultés de la société était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Vassel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Vassel à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze."

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1 Publié par Atonico
11/09/2019 13:47

L’arrêt du 30 avril 2014, est-il toujours pertinent aujourd’hui en 2019?

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