Conditions de validité de la fouille des salariés

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Conditions de validité de la fouille des salariés

L’employeur ne peut apporter aux libertés individuelles ou collectives des salariés que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Il ne peut ainsi, sauf circonstances exceptionnelles, ouvrir les sacs appartenant aux salariés pour en vérifier le contenu qu’avec leur accord et à la condition de les avoir avertis de leur droit de s’y opposer et d’exiger la présence d’un témoin.

Cass. soc., 11 février 2009, n°07-42.068

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui était employé depuis le 11 avril 1988 en qualité d'aide-raffineur par la Société industrielle des oléagineux (SIO) et occupait en dernier lieu les fonctions de chef de poste, a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable tenu le 4 décembre, puis licencié pour faute grave le 11 décembre 2000 pour avoir dérobé trois cents emballages en plastique servant au conditionnement des produits, après un contrôle de son sac le 24 novembre 2000 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail ;

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 120-2, devenu L. 1121-1 du code du travail, et 9 du code civil ;

Attendu que pour retenir l'existence d'une faute grave et débouter le salarié de sa demande d'indemnités au titre de son licenciement, l'arrêt confirmatif relève notamment que le contrôle du sac du salarié a été fait en sa présence et avec son consentement, et que ce dernier, n'ayant pas été contraint de montrer le contenu de son sac, ne peut soutenir que cette opération est entachée d'illégalité ;

Attendu cependant que l'employeur ne peut apporter aux libertés individuelles ou collectives des salariés que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; qu'il ne peut ainsi, sauf circonstances exceptionnelles, ouvrir les sacs appartenant aux salariés pour en vérifier le contenu qu'avec leur accord et à la condition de les avoir avertis de leur droit de s'y opposer et d'exiger la présence d'un témoin ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans qu'il résulte de ses constatations que le salarié avait été informé de son droit de s'opposer à l'ouverture de son sac et au contrôle de son contenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnités relative au bien-fondé de son licenciement, l'arrêt rendu le 14 avril 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société SIO aux dépens ;

Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société SIO à payer à la SCP Defrenois et Levis la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille neuf.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP DEFRENOIS et LEVIS, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement était justifié par la faute grave du salarié et d'AVOIR débouté en conséquence M. X... de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE M. X... a été licencié pour avoir dérobé 300 sachets en plastique appartenant à l'entreprise ; qu'aux termes de la lettre de licenciement, les 300 sachets ont été découverts dans le sac de M. X..., lors d'une vérification opérée le 24 novembre 2000 par M. Y..., directeur de l'établissement, en présence de M. Z..., chef de production, et de M. A..., agent de sécurité ; que selon le même document, les faits reprochés à M. X... ont été reconnus par l'intéressé lors de l'entretien préalable du 4 décembre 2000 ; qu'à l'appui du grief articulé à l'encontre du salarié, la SIO verse aux débats des attestations émanant de MM. Z..., B... et C... qui certifient respectivement : - « Le vendredi 24 novembre 2000 à 6 heures, au cours d'un contrôle effectué en compagnie du directeur de l'établissement, nous avons demandé à MM. C..., X..., B... et D... de bien vouloir ouvrir leurs sacs personnels. Aucun d'entre eux n'a soulevé d'objection à cette demande. Dans les sacs de MM. C..., B... et D..., nous n'avons constaté aucun objet appartenant à l'usine. Dans le sac de M. X..., se trouvaient trois paquets de sachets plastiques bleus (servant à conditionner nos produits malaxés) qu'il avait dérobés pendant son poste. Lors de l'entretien du 4 décembre 2000 à 9 h 30, M. X... a reconnu les faits et précisé que ces sachets étaient destinés à une association caritative » ; - « Le vendredi 24 novembre 2000 à 6 heures du matin à la sortie du poste de nuit M. Y..., M. Z... m'ont demandé si je voulais ouvrir mon sac, chose que j'ai acceptée. J'ai été en présence de M. D..., M. C... ainsi que M. X.... Ces personnes ont toutes accepté d'ouvrir leur sac sans problème. J'ai constaté ainsi que mes collègues que trois rouleaux de sachets bleus se trouvaient dans le sac de M. X.... Des sachets que l'on utile au malaxage » ; - « Ayant terminé notre poste de travail le vendredi 24 novembre 2000 à 6 heures du matin mon collègue M. X... et moi-même sommes allés chercher nos véhicules personnels, en passant devant le poste de garde nous fûmes arrêtés par M. Y..., directeur de l'usine, et M. Z..., chef de fabrication. Après salutations, ils nous invitèrent à rentrer dans les bureaux de M. Y.... Celui-ci a sorti le code du travail (législation) et nous demanda d'ouvrir nos sacs. Je savais que cette requête pouvait m'être demandée un jour. Je n'y fis pas opposition et je présentais mon sac. M. X... en fit autant en précisant qu'il avait pris quelques sachets plastiques. M. Y... appela le garde de service et sans toucher aux sacs, ils constatèrent que le mien ne présentait aucun intérêt mais que celui de M. X... contenait une certaine quantité de sachets plastiques. M. Y... me donna l'autorisation de partir » ; que les faits en cause se sont inscrits dans un contexte de disparitions renouvelées et rapprochées de sachets appartenant à l'entreprise ; que confronté à ces disparitions, l'employeur était fondé à organiser une opération de fouille des effets personnels de ses salariés ; que les attestations précitées confirment largement la réalité du grief énoncé dans la lettre de licenciement ; qu'elles sont suffisamment précises et concordantes pour ne laisser place à aucune équivoque ou incertitude ; qu'elles établissent également que le contrôle du sac de M. X... a été fait en sa présence et avec son consentement ; que ce dernier, qui n'a pas été contraint de montrer le contenu de son sac, ne saurait sérieusement soutenir que la fouille opérée était illégale ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant que, se plaignant de la disparition d'un nombre important de sachets, la société a décidé de réagir ; qu'un contrôle a été réalisé le 24 novembre 2000, dans des conditions qui ne sont pas remises en question – 4 salariés ont été contrôlés ; - que selon M. P. Z..., ingénieur de production, on a trouvé 3 paquets de sachets dans le sac de M. X... qui, lors de l'entretien ultérieur, a reconnu les faits, précisant que les sachets étaient destinés à une association caritative ; - que selon M. C..., salarié, on a trouvé une certaine quantité de sachets plastiques dans le sac de M. X... ; - que selon M. B..., salarié, 3 rouleaux de sachets bleus se trouvaient dans le sac de M. X..., sachets que l'on utilise au malaxage ; que lors de l'entretien, M. X... a choisi d'être assisté d'un salarié, M. Francis E..., qui précise l'avoir informé de son inexpérience dans ce genre de procédure et de sa méconnaissance des faits reprochés, éléments qui ne rendent pas suspecte son attestation, peut-être au contraire ; qu'or, M. E... atteste « … après s'être expliqué sur les raisons de son acte M. X... a reconnu les faits » (soit qu'il détenait dans un sac plusieurs paquets de sachets d'emballages évalués à 300) ; que les faits qualifiables pénalement de vol ou abus de confiance sont établis et constituent une faute grave ; que s'il a pu être jugé que la consommation de quelques denrées ne justifiait pas le licenciement car constituant une pratique généralisée et admise dans certains artisanats alimentaires, tel n'est pas le cas d'espèce : - il s'agit de produits industriels d'emballage, - le fait d'emmener chez soi du matériel appartenant à la société est explicitement interdit par le règlement intérieur versé aux débats, - il n'a été fourni aucun indice laissant supposer que cette pratique était générale, bien au contraire, sur 4 salariés contrôlés ce jour-là, aucun autre n'avait emporté de sachets ;

ALORS QU' il ressort de la relation de la fouille telle qu'elle a été transcrite par la cour d'appel, que l'employeur n'a pas informé le salarié de son droit de s'opposer à la fouille de son sac, en sorte que le licenciement a été prononcé sur un moyen de preuve illicite et se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse qui, en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3, L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement était justifié par la faute grave du salarié et d'AVOIR débouté en conséquence M. X... de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS QU' en tout état de cause, à supposer que cette opération de fouille soit entachée d'illégalité, cela n'affecterait en rien la légitimité du licenciement, celui-ci reposant également sur les aveux faits par M. X... lors de l'entretien préalable, aveux dont la réalité est confirmée par le témoignage de M. Francis E... qui atteste : « J'ai assisté à la réunion d'entretien préalable de M. Mohamed X... le 4 décembre 2000 à 9 heures en présence de MM. Y..., Z... et Clement. M. X... m'a contacté 15 minutes avant la réunion, j'ai répondu favorablement à sa requête après l'avoir informé de mon inexpérience dans ce genre de procédure et de la méconnaissance des faits reprochés. M. X... répondait à une convocation pour s'expliquer sur deux faits. Le premier engageait sa responsabilité en tant que chef de poste sur l'arrêt volontaire d'un enregistreur de température. Les faits sont non reconnus par l'intéressé. Le second l'accusait de vol de sachets plastiques bleues utilisés pour le conditionnement dans l'atelier malaxage. Rappel des faits : le 24 novembre 2000 à 6 heures MM. Y... et Z... ont demandé au personnel en poste de nuit d'entrer dans le bureau du directeur d'usine à la fin de leur poste, puis de procéder avec l'accord des intéressés à une inspection des effets personnels (sacs). M. X... détenait dans son sac plusieurs paquets de sachets d'emballage (évaluées à 300). Le garde de service fut appelé pour constater les faits. Après s'être expliqué sur les raisons de son acte, M. X... a reconnu les faits » ; que la volonté de M. X... de s'approprier les sachets plastiques appartenant à l'entreprise résulte des éléments précités ;

ALORS QUE la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur et ce dernier ne peut s'affranchir de cette obligation au motif que le salarié aurait reconnu, avant de se rétracter, les faits qui lui étaient reprochés au cours de l'entretien préalable ; qu'en déduisant des seuls propos tenus par le salarié au cours de l'entretien préalable la preuve des faits invoqués par l'employeur à l'appui de son licenciement pour faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la procédure était régulière et d'AVOIR débouté en conséquence M. X... de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE ne saurait être tenue pour une irrégularité de procédure la présence lors de l'entretien préalable de deux membres du personnel pour assister le directeur de l'établissement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la loi ne limite pas le nombre de personnes pouvant assister l'employeur ; que s'il a pu, néanmoins, être jugé qu'était irrégulière la présence d'un grand nombre de personnes, le chiffre de 2 ne peut être considéré comme grand ; qu'il s'agit d'ailleurs d'un chiffre et non d'un nombre ;

ALORS QUE la procédure d'entretien préalable est détournée de son objet lorsque l'employeur est assisté de plusieurs membres de l'entreprise ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la procédure était régulière et d'AVOIR débouté en conséquence M. X... de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE M. X... a été prévenu oralement lors de l'entretien du 11 décembre 2000 de la décision de licenciement adoptée ; que cette mesure lui a été concomitamment notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée le même jour ; que dans ces conditions, la prévenance verbale dont s'est accompagné l'envoi de la lettre de notification du licenciement ne saurait s'analyser en un licenciement verbal ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le licenciement a été régulièrement notifié par LRAR du 11 décembre 2000, effectivement distribuée le 12 ; que le fait pour l'employeur d'annoncer son intention de licenciement ne constitue pas une irrégularité, sauf, comme cela est constamment jugé, si l'employeur considérait cette annonce comme le licenciement et ne procède pas immédiatement par écrit, de manière régulière ;

ALORS QUE le licenciement verbal est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ne peut être régularisé par l'envoi postérieur d'une lettre de rupture ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-1 et L. 122-14-2 du code du travail.



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