Les articles R. 1461-1 et R. 1461-2 du Code du travail prévoient les modalités d'appel d'un jugement rendu par le Conseil de prud'hommes.
Le dépôt de la déclaration d'appel doit ainsi être effectué par LRAR au greffe de la Cour dans un délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement et seulement pour les litiges dont le montant excède 4 000 euros. En deçà, seul un pourvoi en cassation est possible.
Par renvoi à l'article 58 du Code de procédure civile, l'article R. 1461-1 du Code du travail prévoit l'application des règles civiles en matière d'appel d'un jugement (I) outre les dispositions spécifiques au droit du travail applicables (II). Des regles specifiques demeurent pour ce qui concerne l'appel incident des parties en matière prud'homal. (III)
I. Les mentions légales obligatoires de droit commun
Par application de l'article 58 du Code de procédure civile, la déclaration d'appel doit impérativement contenir, "à peine de nullité,
"1° Pour les personnes physiques : l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
Pour les personnes morales : l'indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l'organe qui les représente légalement ;
2° L'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
3° L'objet de la demande.
Elle est datée et signée."
L'absence de mention complète de l'identité de l'appelant ne constitue qu'un vice de forme, en aucun cas le rejet de l'appel dès lors que la partie intimée n'invoquait aucune difficulté d'identification ni aucun grief liée à ce défaut de mention (Cass. soc., 15 déc. 1999, no 97-43.709).
L'absence de signature ou son irrégularité n’entraîne la nullité de l'acte d'appel que si elle fonde un grief de la partie adverse.
II. Les prescriptions légales spécifiques au droit du travail
En vertu de l'article R. 1461-1 du Code du travail, la déclaration d'appel :
- doit désigner le jugement dont il est fait appel,
- mentionne les chefs de celui-ci auxquels se limite l'appel,
- comporte le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour,
- est accompagnée d'une copie de la décision.
En vertu de la jurisprudence, cette modalité n'est pas prescrite à peine de nullité ou irrecevabilité de l'appel si bien qu'il suffit que la copie du jugement soit reçue dans le délai d'appel (Cass. soc., 31 oct. 2006, no 04-47.254 ; Cass. soc., 19 juin 2007, no 06-40.854 ; Cass. soc., 11 mars 2008, no 06-46.133).
III. Le cas particulier de l'appel dit "incident" de l'intimé (partie en défense devant la Cour)
L'appel incident est celui qui émane de la partie contre laquelle l'appel principal a été formé (on parle de l'intimé) et qui n'avait pas l'intention première d'user d'un appel.
Il s'agit, chronologiquement, du deuxième recours contre la décision. L'appel incident ne peut avoir lieu qu'en présence d'un appel principal. Ainsi si l'appel principal est irrecevable, l'appel incident ne peut être reçu (CPC, art. 550, al. 1er).
La partie contre laquelle est dirigé l'appel principal peut donc ne pas rester passive et tenter d'obtenir gain de cause sur les points qui ne sont pas visés par l'appel principal. Ce peut être une technique pour le salarié d'élargir l'effet d'un appel principal limité ou une occasion d'introduire de nouvelles demandes.
- Comment se forme l'appel incident ?
Compte tenu du principe de l'oralité qui domine la procédure prud'homale l'appel incident peut toujours être reçu oralement à l'audience, tant que l'appelant principal ne se désiste pas lui-même oralement.
Toutefois, lorsque l'appel incident n'est pas formulé oralement, il doit l'être dans les formes prescrites par l'article R. 1461-1 du Code du travail.
Ainsi les règles du code de procédure civile permettent à l'intimé de former un appel incident par simple dépôt de conclusions au greffe de la Cour et ce jusqu’à l’audience (Cass. soc. 21 mai 2002 pourvoi n° 00-41. 816, sous le visa des articles 401, 551 du NCPC et R 517-7 du code du travail).
Ainsi et conformément au principe de l'oralité des débats en matière prud'homale, l'appel incident peut être régulièrement formé par dépôt ou envoi au greffe de conclusions « valant déclaration d'appel ».
En conséquence, l'appel incident, ayant été formé avant tout désistement de l'appelant principal, est parfaitement recevable (cf. sur ces principes : Cour. Cass. Soc. 5 juillet 2005, n°02-47233).
Il est à ce titre vivement recommandé d’utiliser cette voie écrite, car une fois l'appel incident déposé, il contraindra l'appelant principal à obtenir de la partie adverse l'acceptation de son désistement.
Pas de délai pour l'appel incident !
Aucun délai n'est imposé pour former un appel incident dès lors qu'il intervient avant l'ouverture des débats. Par ailleurs, le demandeur à l'appel incident peut soutenir ce dernier oralement (C. trav., art. R. 1461-2).
C'est donc à tort qu'une cour d'appel a déclaré irrecevable l'appel incident au motif que des conclusions écrites avaient été déposées au greffe quatre jours avant l'audience d'appel et que le jugement entrepris avait été régulièrement notifié 15 mois auparavant (cassation 6/10/1998).
En cas d'appel incident exprimé oralement le jour de l'audience et lorsque l'autre partie est défaillante, une cour d'appel ne peut déclarer irrecevable cet appel incident, au motif qu'aucune demande incidente ou nouvelle ne peut être formulée à l'audience à l'encontre d'une partie défaillante. En effet, l'appel incident peut être formé nonobstant la non-comparution de l'appelant principal sauf à ce que la cour d'appel fasse respecter le principe du contradictoire en renvoyant l'affaire à une prochaine audience (Cass. soc., 30 mars 1994, no 90-42.380 ; Cass. soc., 26 mars 2003, no 01-41.793).
Dans le même sens, lorsque l'appel incident est régulier, que le conseil de prud'hommes en a informé la société et que cette dernière a été régulièrement convoquée par lettre recommandée, elle ne peut se prévaloir de sa propre défaillance pour reprocher aux juges d'appel d'avoir fait droit aux demandes du salarié
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Le cas particulier de l’appel incident postérieur au désistement de l'appel principal
Lorsqu'un appel incident est formé après que l'autre partie se soit désistée de son appel principal en l'ayant valablement notifié, l'appel incident est irrecevable, le juge du fond n'étant plus saisi du fond du litige (Cass. soc., 6 mars 1990, no 87-44.573).
ATTENTION : À compter du 1er août 2016, il sera impératif d’avoir un avocat ou un défenseur syndical en appel
Les articles 28 à 30 du décret n°2016-660 du 20 mai 2016, paru au Journal Officiel du 25 mai 2016, instituent désormais une dualité possible de représentation, avocat ou représentant syndical. Par ailleurs, mais de manière plus implicite, ils emportent l’application d’un strict régime de caducités et d’irrecevabilités. Les difficultés pratiques ne vont pas manquer, ne serait-ce qu'en raison du fait que là où les avocats devront obligatoirement, aux termes du nouveau décret, remettre les actes de procédure par voie électronique, les défenseurs syndicaux, eux, poursuivront dans l’utilisation de la voie papier. |
Un délai de 3 mois pour déposer ses conclusions à compter de la déclaration d'appel |
La procédure avec représentation obligatoire renvoie à l’égard de tous, avocats ou défenseurs syndicaux, aux règles actuelles prévues aux articles 899 et suivants du code de procédure civile et notamment les articles 908, 909 et 910 du CPC. L’appelant dispose d’un délai de trois mois pour conclure. L’intimé dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour conclure et former, le cas échéant, un appel incident. L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué a, quant à lui, deux mois pour conclure en réponse. |
Par Maître JALAIN - Avocat en droit du travail
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