L'employeur tire son pouvoir de sanction du contrat de travail conclu avec le salarié.
En conséquence, il ne peut sanctionner celui-ci que lorsqu'il se rend coupable d'un manquement aux obligations découlant dudit contrat.
Ainsi, le licenciement fondé sur un fait tiré de la vie privée d'un salarié ne saurait fonder un licenciement pour motif personnel sauf à ce que le dit fait caractérise un manquement aux obligations contractuelles du contrat de travail.
En l'espèce tel n'était pas le cas en ce que l'achat-revente d'un tracteur d'une marque commercialisée par son employeur avait été réalisée dans le cadre de sa vie personnelle, sans utilisation de la dénomination sociale de l'entreprise et n'avait eu aucune répercussion sur celle-ci.
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Cass. soc. 30 avril 2014, n°13-10249
"LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 novembre 2012), que M. X... a été engagé le 2 avril 1991 en qualité de voyageur représentant placier par la société Riche, aux droits de laquelle vient la société Agripro ; que dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de manager commercial et responsable occasion ; qu'il a été licencié pour faute grave le 1er février 2010 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire lorsqu'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le devoir de loyauté inhérent au contrat de travail interdit au salarié d'exercer une activité concurrente à celle de son employeur ; qu'en considérant néanmoins que l'opération effectuée par M. X... consistant à acheter puis à revendre rapidement un tracteur d'occasion identique à ceux commercialisés par son employeur tout en tirant profit des remises préférentielles accordées au personnel ne constitue pas un manquement du salarié à ses obligations contractuelles et relève de sa vie privée, la cour d'appel méconnaît son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile et partant viole les articles L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que le fait pour un salarié d'exercer même ponctuellement une activité concurrente à celle de son employeur en tirant profit des tarifs préférentiels accordés au personnel caractérise la faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail ou, à tout le moins, une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en considérant en substance que de tels faits, même avérés, de la part d'un membre du personnel d'encadrement ne peuvent justifier son licenciement pour faute grave ni même pour une cause réelle et sérieuse dès lors qu'ils relèvent de la vie privée du salarié, la cour viole les articles L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-4, L. 1234-5, L. 1234-6, L. 1234-9, L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1235-1 et L. 1235-9 du code du travail ;
3°/ qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur le bien-fondé d'un licenciement en recherchant si les motifs énoncés dans la lettre de licenciement sont ou non établis ; que pour dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave de M. X..., la cour d'appel considère qu'« à la supposer exacte » l'opération qui lui est reprochée relève de sa vie privée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur les nouveaux éléments produits en cause d'appel par la société Agripro pour établir la matérialité des faits reprochés au salarié, la cour viole les articles 455 et 563 du code de procédure civile ;
5°/ que l'absence de préjudice subi par l'employeur ne peut justifier un comportement déloyal du salarié ; qu'en décidant que l'exercice par M. X... d'une activité concurrente à celle de son employeur ne justifie pas son licenciement dès lors que ce dernier ne démontre pas le préjudice que lui aurait causé cette activité, la cour viole les articles L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
6°/ qu'en tout état de cause, la publication par un salarié d'une annonce sous le pseudonyme de la marque dont son employeur est le concessionnaire exclusif crée nécessairement un risque de confusion préjudiciable aux intérêts de l'entreprise ; qu'en considérant néanmoins que l'usage par M. X... du pseudonyme « John Deere » pour s'identifier comme vendeur sur internet n'était pas de nature à donner l'apparence que le vendeur appartenait au réseau de distribution de la marque et à engager la responsabilité de son employeur, distributeur exclusif de cette marque dans le secteur, la cour d'appel viole l'article 1985 du code civil, ensemble les articles L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ;
Et attendu qu'ayant relevé que l'unique opération d'achat-revente d'un tracteur de la marque commercialisée par son employeur reprochée au salarié avait été réalisée dans le cadre de sa vie personnelle, sans utilisation de la dénomination sociale de l'entreprise et n'avait eu aucune répercussion sur celle-ci, la cour d'appel a retenu que le salarié n'avait manqué à aucune de ses obligations contractuelles ; qu'elle a pu en déduire que la faute grave n'était pas caractérisée et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen, qui critique un motif surabondant en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Agripro aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze."