Une modification du contrat de travail, y compris à titre disciplinaire, ne peut être imposée au salarié.
L’employeur épuise son pouvoir disciplinaire en appliquant immédiatement la rétrogradation et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour le même fait sous peine de voir requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et serieuse.
Cass. soc., 17 juin 2009, n°07-44.557
"LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 septembre 2007) que M. X..., salarié de la société Darty Ouest qui l'employait en qualité de chef des ventes, a fait l'objet le 14 février 2006 d'une mesure de rétrogradation au poste de vendeur-expert, applicable à réception de la notification de cette sanction ; qu'il a contesté cette mesure par lettre du 20 février 2006 avant de saisir le 28 mars 2006 le conseil de prud'hommes pour en obtenir l'annulation ; que par lettre du 11 avril 2006, il a été licencié pour faute grave ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Darty Ouest fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à payer au salarié diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire, ne pouvant être imposée à un salarié, l'employeur reste en droit, en cas de refus du salarié de la sanction emportant modification de son contrat de travail, de prononcer dans le cadre de son pouvoir disciplinaire une autre sanction, aux lieu et place de la sanction refusée ; qu'il appartient alors aux juges d'examiner le bien-fondé de cette sanction, qui se substitue à celle initialement prononcée par l'employeur ; qu'en l'espèce, la société Darty Ouest, prenant acte de ce que M. X... n'avait pas accepté la rétrogradation disciplinaire qu'elle lui avait notifiée, a retiré cette sanction et prononcé, en ses lieu et place, un licenciement disciplinaire ; qu'en jugeant que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse au seul motif qu'il se "substituait" à la rétrogradation disciplinaire précédemment prononcée, la cour d'appel a violé par fausse application le principe non bis in idem, ensemble les articles L. 122-14-3, L. 122-40, L. 122-41 et L. 122-44 du code du travail ;
2°/ que l'annulation d'un acte emporte son anéantissement, non seulement pour le futur, mais aussi pour le passé ; qu'une fois annulé, l'acte nul est censé n'avoir jamais existé ; de sorte qu'en énonçant que le licenciement prononcé par la société Darty Ouest sanctionnait des faits déjà sanctionnés alors qu'elle annulait dans le même temps la rétrogradation disciplinaire qui constituait la première sanction de ces faits, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe non bis in idem, ensemble les articles L. 122-14-3 et L. 122-43 du code du travail et 1184 du code civil ;
3°/ qu'en vertu de l'article L. 122-44 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que la convocation du salarié à un entretien préalable marque l'engagement de poursuites disciplinaires ; que lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l'employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction refusée doit convoquer l'intéressé à un nouvel entretien ; que, dans ce cas, le délai de deux mois pour engager des poursuites disciplinaires a été interrompu par le premier entretien préalable ; qu'en l'espèce, la société Darty Ouest, a convoqué M. X... à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire par lettre du 31 janvier 2006 et, constatant qu'il n'acceptait pas la rétrogradation disciplinaire prononcée, l'a convoqué à un nouvel entretien préalable en vue d'un licenciement par lettre du 27 mars 2006 ; de sorte qu'en jugeant que les faits reprochés à M. X... auraient été prescrits au motif erroné qu'il s'était écoulé plus de deux mois entre le jour où la société Darty Ouest a découvert ces faits et la convocation à l'entretien préalable au licenciement, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 122-44 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'une modification du contrat de travail, y compris à titre disciplinaire, ne peut être imposée au salarié ; que la cour d'appel a constaté que la rétrogradation avait été mise en oeuvre sans l'accord du salarié ;
Attendu, ensuite, qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction ; que l'employeur qui avait épuisé son pouvoir disciplinaire en appliquant immédiatement la rétrogradation, ne pouvait prononcer ultérieurement un licenciement pour le même fait ;
D'où il suit qu'abstraction faite de motifs erronés mais surabondants relatifs à une prétendue nullité de la rétrogradation, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Darty Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Darty Ouest à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat aux Conseils pour la société Darty Ouest
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la Société DARTY OUEST à lui verser les sommes de 21.000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 7.613,45 à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 761,34 à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, ainsi qu'à rembourser aux ASSEDIC les indemnités chômages allouées à Monsieur X... dans la limite de 6 mois ;
AUX MOTIFS QUE « sur le licenciement : la lettre de licenciement datée du 11 avril 2006 dont les motifs fixent les limites du litige reprend, tout d'abord, les mêmes griefs que ceux qui étaient énoncés dans la lettre de notification de la sanction disciplinaire, puis mentionne la procédure disciplinaire suivie et la notification du licenciement en ces termes : « Dans un premier temps nous vous avons suite à un entretien du 10 février 2006 notifié une rétrogradation disciplinaire, en qualité de « vendeur expert » (employé niveau III échelon 1). Cette rétrogradation assortie d'une diminution de la rémunération correspondante et ce pour des raisons disciplinaires, constitue une modification du contrat de travail et, en conséquence, ne pouvait vous être imposée. Nous avons eu connaissance de votre refus de cette rétrogradation dans le courant du mois de mars 2006 par votre saisine du Conseil de Prud'hommes de PERIGUEUX en vue d'obtenir l'annulation de cette sanction. En raison de votre refus, nous nous trouvons dans l'obligation de prononcer votre licenciement pour faute grave privative des indemnités de licenciement, de préavis et de droit au D.I.F., aux lieu et place de la sanction refusée. » ; que dès lors que la sanction disciplinaire de la rétrogradation est irrégulière et nulle, l'employeur ne pouvait légitimement notifier postérieurement au salarié une autre sanction, en l'espèce son licenciement pour faute grave, se substituant à la première sanction de surcroît après que celle-ci ait été notifiée et mise en oeuvre ; qu'il s'ensuit que ce licenciement intervenu postérieurement au motif du refus de la première sanction disciplinaire est sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les griefs invoqués ; qu'au surplus, s'il ne peut y avoir double sanction, comme l'invoque M. Nicolas X..., dès lors que la sanction disciplinaire a été annulée, en revanche il convient de constater qu'entre le 20 janvier 2006, date du contrôle de la D.G.C.C.R.F. à laquelle l'employeur a eu, au plus tard, connaissance des faits qu'il reproche au salarié, et le 27 mars 2006, date de convocation à l'entretien préalable au licenciement, s'étant écoulé plus de deux mois, les faits reprochés se trouvaient prescrits ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré nulle la sanction disciplinaire et sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X... ;
ALORS, D'UNE PART, QU' une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire, ne pouvant être imposée à un salarié, l'employeur reste en droit, en cas de refus du salarié de la sanction emportant modification de son contrat de travail, de prononcer dans le cadre de son pouvoir disciplinaire une autre sanction, aux lieu et place de la sanction refusée ; qu'il appartient alors aux juges d'examiner le bien-fondé de cette sanction, qui se substitue à celle initialement prononcée par l'employeur ; qu'en l'espèce, la Société DARTY OUEST, prenant acte de ce que Monsieur X... n'avait pas accepté la rétrogradation disciplinaire qu'elle lui avait notifiée, a retiré cette sanction et prononcé, en ses lieu et place, un licenciement disciplinaire ; qu'en jugeant que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse au seul motif qu'il se « substituait » à la rétrogradation disciplinaire précédemment prononcée, la cour d'appel a violé par fausse application le principe non bis in idem, ensemble les articles L. 122-14-3, L. 122-40, L. 122-41 et L.122-44 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'annulation d'un acte emporte son anéantissement, non seulement pour le futur, mais aussi pour le passé ; qu'une fois annulé, l'acte nul est censé n'avoir jamais existé ; de sorte qu'en énonçant que le licenciement prononcé par la Société DARTY OUEST sanctionnait des faits déjà sanctionnés alors qu'elle annulait dans le même temps la rétrogradation disciplinaire qui constituait la première sanction de ces faits, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe non bis in idem, ensemble les articles L. 122-14-3 et L. 122-43 du Code du travail et 1184 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU' en vertu de l'article L. 122-44 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que la convocation du salarié à un entretien préalable marque l'engagement de poursuites disciplinaires ; que lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l'employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction refusée doit convoquer l'intéressé à un nouvel entretien ; que, dans ce cas, le délai de deux mois pour engager des poursuites disciplinaires a été interrompu par le premier entretien préalable ; qu'en l'espèce, la Société DARTY OUEST, a convoqué Monsieur X... à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire par lettre du 31 janvier 2006 et, constatant qu'il n'acceptait pas la rétrogradation disciplinaire prononcée, l'a convoqué à un nouvel entretien préalable en vue d'un licenciement par lettre du 27 mars 2006 ; de sorte qu'en jugeant que les faits reprochés à Monsieur X... auraient été prescrits au motif erroné qu'il s'était écoulé plus de deux mois entre le jour où la Société DARTY OUEST a découvert ces faits et la convocation à l'entretien préalable au licenciement, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 122-44 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société DARTY OUEST à verser à Monsieur X... la somme de 639,93 à titre de rappel de salaire et la somme de 63,99 à titre de congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE « sur le rappel de salaire : M. X... soutient que le bulletin de salaire de février 2006 montre que son salaire a été amputé de 1.671 , le Conseil de Prud'hommes n'ayant fait droit qu'à une somme de 639,93 ; que cependant ce bulletin de paie fait apparaître que M. X... a été en arrêt de travail du 20 au 28 février 2006, période pendant laquelle il a perçu les indemnités journalières dont il a été tenu compte à juste titre ; que la demande n'étant pas justifiée sera rejetée et le jugement confirmé ; que par ailleurs la SNC DARTY OUEST qui expose qu'elle a été condamnée à tort ayant effectué un rappel de salaire de 954,86 , ne justifie pas de ce paiement, ni de sa date, étant constaté que les bulletins de salaire de mars et avril 2006 produits par le salarié ne mentionnent pas une telle somme, ni de rappel de salaire ; que la demande à ce titre doit donc être rejetée » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EXPLICITEMENT ADOPTES, QUE « sur le rappel de salaire du mois de février 2006 : qu'en cas de refus du salarié de la modification de son contrat de travail, celui-ci se poursuit aux conditions antérieures jusqu'à la date de sa rupture ; que la société verse aux débats la rectification du salaire du mois de février comme suit : - salaire février de base : 670,00 , - prime d'ancienneté : 95,62 , - rappel de salaire : 954,86 soit un total de 1.720,48 ; que le salaire du mois de janvier 2006 est établi comme suit : -salaire de base : 2.250,00 , - prime d'ancienneté : 110,41 soit un total de 2.360,41 ; qu'il lui reste à percevoir la somme de 2.360,41 – 1.720,48 = 639,93 , doit s'ajouter les congés payés soit 63,99 » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE pour calculer le montant du salaire dont Monsieur X... a été privé du fait de sa rétrogradation disciplinaire en février 2006, le Conseil de prud'hommes avait seulement comparé le salaire que celui-ci avait perçu en février 2006 au salaire de janvier 2006, sans tenir compte de ce que Monsieur X... a été en arrêt maladie du 20 au 28 février 2006 ; que dès lors, en affirmant que le Conseil de prud'hommes avait pris en compte « à juste titre » l'arrêt maladie de Monsieur X... du 20 au 28 février 2006 et les indemnités journalières de sécurité sociale qu'il a perçues pour calculer la somme dont son salaire a été amputé du fait de la rétrogradation disciplinaire, ce qui n'était précisément pas le cas, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du jugement dont elle était saisie, violant ainsi les articles 1134 et 1351 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART ET A TOUT LE MOINS, QU' qu'en admettant que les compléments de salaire versés par les organismes de sécurité sociale devaient être déduits, tout en confirmant la décision des premiers juges qui ne tenaient pas compte de cette déduction, la cour d'appel a rendu une décision dont les motifs et le dispositif sont contradictoires, violant ainsi l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile.