Il résulte du code du travail que l’avis des délégués du personnel doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d’un salarié inapte à son emploi en conséquence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne soit engagée.
Un arrêt recent du 23 septembre 2009 vient rappeler que l’employeur ne saurait se soustraire à cette obligation dès lors que la mise en place de tels délégués est obligatoire en application du code du travail et qu’aucun procès verbal de carence n’a été établi.
En l’espèce, la consultation des délégués du personnel n’avait pu avoir lieu à défaut de délégué, et l’employeur, qui ne contestait pas devoir organiser les élections, ne justifiait ni d’un procès verbal de carence ni de l’impossibilité d’organiser celles ci avant d’avoir engagé la procédure de licenciement du salarié déclaré inapte.
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Cass. soc., 23 septembre 2009, n°08-41.685
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 février 2008), qu'engagé le 24 juin 1969 par la société Empla désormais dénommée Metabro, M. X..., qui avait été victime d'un accident du travail le 11 décembre 1970, a été, jusqu'au 28 février 2005, en arrêt de travail pour maladie professionnelle, puis en arrêt maladie ; qu'à la suite d'examens de reprise en date des 29 août et 12 septembre 2005, le salarié a été déclaré inapte à son poste de tourneur rectifieur ; qu'ayant été licencié le 11 octobre 2005 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement est intervenu en violation de l'article L. 122 32 5 alinéa 1er du code du travail et de l'avoir condamné à payer au salarié des sommes à titre de dommages intérêts et indemnités de rupture, alors, selon le moyen, que les règles protectrices des salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne s'appliquent que si l'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié a été reconnue et si l'employeur en a eu connaissance au moment du licenciement ; qu'en l'espèce, le salarié sortait d'un arrêt de travail pour maladie de droit commun du 1er mars au 31 août 2005 à la suite duquel il a été déclaré inapte ; que l'employeur faisait valoir qu'en raison du secret médical il ignorait les causes de l'inaptitude et contestait l'origine professionnelle de celle-ci, de sorte qu'il appartenait au salarié d'établir l'origine professionnelle de son inaptitude ; qu'en énonçant seulement, pour dire que le licenciement relevait des dispositions de l'article L. 122-32-5, alinéa 1, que l'arrêt de travail pour maladie de droit commun succédait à un arrêt de travail pour maladie professionnelle, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article L. 122-32-5, alinéa 1 du code du travail (devenu l'article L. 1226-10) ;
Mais attendu qu'après avoir exactement retenu que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie, la cour d'appel, appréciant souverainement l'ensemble des éléments de fait et de preuve produits devant elle, a, sans inverser la charge de la preuve, constaté, par motifs propres et adoptés, que tel était le cas ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement d'une somme à titre de dommages intérêts en application de l'article L. 122 32 7 du code du travail, alors, selon le moyen, que l'absence de délégué du personnel au moment du licenciement est de nature à exonérer l'employeur de son obligation de consultation quand cette absence ne lui est pas imputable ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'il n'avait pas pu recueillir l'avis du délégué du personnel car ce dernier avait démissionné quelques mois auparavant et qu'il n'avait pas au moment des faits l'obligation d'organiser des élections anticipées ; qu'en sanctionnant cependant l'inobservation de cette formalité par l'indemnité prévue à l'article L. 122-32-7 (devenu L. 1226-15) du code du travail, la cour d'appel a violé par fausse application l'article précité, ensemble l'article L. 421-1, alinéa 2 du même code (devenu L. 2312-2) ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 122 32 5 alinéa 1, devenu L. 1226 10 du code du travail que l'avis des délégués du personnel doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne soit engagée et que l'employeur ne saurait se soustraire à cette obligation dès lors que la mise en place de tels délégués est obligatoire en application de l'article L. 421, alinéa 2 devenu L. 2312 2 du code du travail et qu'aucun procès verbal de carence n'a été établi ;
Et attendu qu'après avoir constaté que la consultation des délégués du personnel n'avait pu avoir lieu à défaut de délégué, la cour d'appel a retenu que l'employeur, qui ne contestait pas devoir organiser les élections, ne justifiait ni d'un procès verbal de carence ni de l'impossibilité d'organiser celles ci avant d'avoir engagé la procédure de licenciement du salarié déclaré inapte ; qu'elle a ainsi fait une exacte application des dispositions des articles L. 122 32 5, alinéa 1 et L. 122 32 7 devenus L. 1226 10 et L. 1226 15 du code du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Métabro aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Métabro à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Métabro ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement est intervenu en violation de l'article L. 122-32-5 alinéa 1 er du code du travail, et condamné l'employeur à verser au salarié différentes sommes en application de la réglementation applicable aux victimes d'accident du travail.
AUX MOTIFS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude d'un salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que l'application de l'article L. 122-32-5 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude ;
Que M. X... a été en arrêt de travail continu à partir du 17 octobre 2003, que dans une lettre adressée à l'Inspection du travail le 12 juillet 2005 la société indiquait que son salarié était en arrêt pour maladie professionnelle du 17 octobre 2003 au 6 janvier 2004, puis en rechute d'accident de travail du 6 janvier 2004 au 28 février 2005, et enfin en « maladie de droit commun » depuis le 1 er mars 2005 ; qu'à cette date la société était donc parfaitement consciente de la fin de la rechute d'accident de travail, d'autant plus qu'elle détenait un avis initial pour maladie prenant la suite des précédents ;
Considérant qu'en l'absence de la visite de reprise prévue aux alinéas 1 à 3 de l'article R.241-51 du code du travail, le contrat de travail demeurait suspendu du fait de la maladie professionnelle au-delà du 28 février 2005, nonobstant le fait que la consolidation définitive ait été constatée par le médecin traitant et que l'arrêt de travail ait donné lieu à une indemnisation maladie par la CPAM ;
Considérant que la première visite de reprise n'a été provoquée que le 29 août 2005, d'où il suit que l'avis d'inaptitude est bien consécutif à une rechute d'accident de travail dont l'employeur avait connaissance ; considérant dès lors que M. X... est fondé à obtenir une indemnité compensatrice équivalente à l'indemnité de préavis prenant en compte son classement COTOREP (5.147,22 euros + congés payés) et un complément d'indemnité légale de licenciement majorée de 2.282,91 euros..
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société EMPLA sait parfaitement que M. X... a subi un très grave accident avec écrasement de la main droite le 11 décembre 1970 ; que depuis, cet accident a entraîné de nombreuses interventions chirurgicales et de longs arrêts de travail ; que M. X... supporte de graves séquelles de cet accident comme en attestent les nombreuses pièces versées aux débats ; que M. X... était en arrêt pour maladie professionnelle du 17 octobre 2003 au 5 janvier 2004, reconnue le 15 mai 2003 , avec des problèmes touchant son coude et son bras gauche, du fait de la compensation consécutive à son accident de travail du 11 septembre 1970 ;
Que par lettre du 6 juillet 2005, la Caisse primaire d'assurance maladie de Nantes notifiait à M. X... un accord de prise en charge au titre des risques professionnels « les soins après consolidation de votre état, qui vous ont été dispensé depuis le 1 ' mars 2005, donneront lieu à remboursement au titre de la législation relative aux risques professionnels » ;
Attendu qu'à l'issue de ces arrêts de travail, M. X... a été reçu par le médecin du travail qui a prononcé un premier avis le 29 août 2005, puis un deuxième le 12 septembre 2005, tous deux étant rédigés dans les termes suivants : « inapte au poste de tourneur rectifieur. Apte à un poste ne nécessitant aucun mouvement des membres supérieurs » ;
En conséquence le Conseil des Prud'hommes dit que M. X... bénéficie des dispositions du code du travail relatives à la protection des victimes d'accident du travail ou maladie professionnelle et qu'elles lui sont pleinement acquises (L. 122-32-5 du code du travail) et que la société EMPLA ne pouvait ignorer l'origine de cette maladie professionnelle.
ALORS QUE les règles protectrices des salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne s'appliquent que si l'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié a été reconnue et si l'employeur en a eu connaissance au moment du licenciement ; qu'en l'espèce, le salarié sortait d'un arrêt de travail pour maladie de droit commun du 1 er mars au 31 août 2005 à la suite duquel il a été déclaré inapte ; que l'employeur faisait valoir qu'en raison du secret médical il ignorait les causes de l'inaptitude et contestait l'origine professionnelle de celle-ci, de sorte qu'il appartenait au salarié d'établir l'origine professionnelle de son inaptitude; qu'en énonçant seulement, pour dire que le licenciement relevait des dispositions de l'article L. 122-32-5 alinéa 1, l'arrêt de travail pour maladie de droit commun succédait à un arrêt de travail pour maladie professionnelle, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article L. 122-32-5 alinéa 1 du code du travail (devenu l'article L. 1226-10).
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'employeur à verser 33.000 euros au salarié en application de l'article L. 122-32-7 (devenu L. 1226-15 du code du travail).
AUX MOTIFS QUE M. X... reproche à son employeur de ne pas avoir consulté les délégués du personnel, irrégularité qui ouvre droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire ; que sans en faire une cause d'indemnisation spécifique, il reproche aussi à la société de ne pas l'avoir informé par écrit des raisons qui s'opposaient à son reclassement ; Que pour s'opposer à cette analyse, la société fait observer qu'elle n'avait plus de délégués du personnel à l'époque de la procédure de licenciement , le seul élu ayant démissionné de son mandat de sorte qu'elle n'était pas tenue d'anticiper les élections en l'état de la législation encore applicable ; que le délégué du personnel de la société, M. Z... a démissionné de ses fonctions le 17 mai 2005 après avoir été élu le 30 mars 2004 pour une durée de deux ans ; qu'il ressort des débats qu'il n'y avait ni suppléant, ni autres délégués, et que l'employeur demeurait assujetti à l'obligation d'organiser des élections en application de l'article L. 421-1 alinéa 2 du code du travail (non contesté) ;
Qu'il résulte de ces constatations que la société n'était pas confrontée à une vacance de siège justifiant une élection partielle (qui n'a été rendue obligatoire pour les délégués du personnel, à certaines conditions, que par la loi du 2 août 2005) mais bien à une carence totale de l'institution du fait de la démission de son unique délégué.
Que l'élection n'a eu lieu qu'au mois de novembre 2005, et qu'à l'époque du licenciement de M. X... il n'est justifié ni d'un procès verbal de carence, ni de l'impossibilité d'organiser les élections ; Que dès lors c'est par la seule carence de la société que la consultation des délégués du personnel n'a pu avoir lieu ; que la société sera donc condamnée à verser à M. X... 33.000 euros de dommages intérêts en application de l'article L. 122-32-7 du code du travail, pour l'ensemble de ses préjudices.
ALORS QUE l'absence de délégué du personnel au moment du licenciement est de nature à exonérer l'employeur de son obligation de consultation quand cette absence ne lui est pas imputable ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'il n'avait pas pu recueillir l'avis du délégué du personnel car ce dernier avait démissionné quelques mois auparavant et qu'il n'avait pas au moment des faits l'obligation d'organiser des élections anticipées ; qu'en sanctionnant cependant l'inobservation de cette formalité par l'indemnité prévue à l'article L. 122-32-7 (devenu L. 1226-15) du code du travail, la cour d'appel a violé par fausse application l'article précité, ensemble l'article L. 421-1 alinéa 2 du même code (devenu L. 2312-2).