La proposition émanant d’un salarié d’une négociation financière de son éventuel licenciement moyennant le paiement d’indemnités déterminées, hors l’utilisation de termes polémiques ou injurieux, ne constitue pas en soi un comportement fautif.
En l’espèce, le juge, qui a constaté que le courriel, envoyé par la salariée à son supérieur hiérarchique après l’entretien d’appréciation, traduisait en termes modérés ses doléances et ses inquiétudes face à son départ annoncé et que ses réactions avaient été celles normales d’une salariée évincée de ses fonctions et s’inquiétant de la pérennité de son emploi, a pu décider que la seule proposition d’une négociation financière de son éventuel licenciement n’était pas fautive.
Par ailleurs, l’employeur ne produisant pas les documents de l’entreprise que la salariée avait reconnu avoir adressé par courrier électronique à une tierce personne, l’affirmation de la salariée, selon laquelle ces documents étaient destinés uniquement à sa défense et ne contenaient aucune information à même d’être utilisée contre l’entreprise, ne peut être mise en doute.
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Cass. soc., 19 juin 2008, n°07-40.939
"LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 janvier 2007), que Mme X..., engagée le 11 janvier 1979 par la société Proteg, au droit de laquelle vient la société Securitas France, en qualité de responsable des ressources humaines pour la division sud-est, a adressé à son supérieur hiérarchique, après sa convocation à un entretien annuel d'appréciation le 4 mars 2002, un courriel lui faisant connaître ses réclamations financières en cas de licenciement ; qu'elle a été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement avec mise à pied conservatoire et a été licenciée pour faute grave par lettre du 20 mars 2002 ; que contestant la légitimité de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société Securitas France fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de Mme X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de l'avoir condamnée à lui payer diverses sommes liées à la rupture de son contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié qui estime que son contrat de travail a été modifié sans son accord ou que l'employeur a manqué à ses obligations contractuelles, peut toujours saisir le juge prud'homal pour être rétabli dans ses droits et dispose, en tant que de besoin, de la faculté de prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou de faire constater judiciairement la rupture de celui-ci aux torts de son employeur ; que le fait pour une salariée cadre, de surcroît "responsable des ressources humaines", astreinte comme telle à une obligation particulière de loyauté, plutôt que d'user des moyens de droit mis à sa disposition, de prêter des propos mensongers à son supérieur hiérarchique et d'exiger de faire l'objet d'un licenciement moyennant le paiement d'une indemnité très élevée, fût-ce par le biais de correspondances dénuées de tout caractère polémique ou injurieux, constitue une faute non susceptible de se rattacher à une exécution de bonne foi du contrat de travail et rendant impossible la poursuite de celui-ci ; qu'en l'espèce, en considérant que la proposition d'une telle "négociation financière" n'était pas constitutive d'une faute grave ou à tout le moins d'une faute dans l'exécution du contrat de travail constitutive d'une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 120-4, L. 121-1, L. 122-6, L. 122-9, L. 122-14-3 et L. 461-1 du code du travail ;
2°/ que le fait pour un salarié d'accuser sans preuve et sans fondement son supérieur hiérarchique de harcèlement moral est susceptible de justifier un licenciement pour faute grave ; qu'en s'abstenant de rechercher si les accusations formulées par Mme X... dans son courrier électronique du 4 mars 2002 étaient ou non établies, ce dont il pouvait résulter que la salariée avait remis en cause l'autorité de son supérieur hiérarchique et commis une faute grave dans l'exécution de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-4, L. 121-1, L. 122-6, L. 122-9, L. 122-14-3 et L. 461-1 du code du travail ;
3°/ que si le salarié peut être autorisé à s'approprier des documents appartenant à l'entreprise, c'est à la condition que cela soit strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense dans le litige l'opposant à son employeur ; que dès lors, il appartient au juge, devant qui cette appropriation est contestée, de vérifier si les documents détournés sont nécessaires à l'exercice des droits de la défense du salarié ; qu'en l'espèce, en considérant que le motif de licenciement tiré du détournement par Mme X... de documents le jour de sa mise à pied conservatoire serait inopérant, sans caractériser en quoi, comme elle y était invitée, ce détournement aurait été justifié par les droits de la défense de Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 120-4, L. 121-1, L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-3 du code du travail ;
Mais attendu que la proposition émanant d'un salarié d'une négociation financière de son éventuel licenciement moyennant le paiement d'indemnités déterminées, hors l'utilisation de termes polémiques ou injurieux, ne constitue pas en soi un comportement fautif ;
Et attendu, d'abord, que la cour d'appel qui a constaté que le courriel du 4 mars 2002 envoyé par la salariée à son supérieur hiérarchique après l'entretien d'appréciation traduisait en termes modérés ses doléances et ses inquiétudes face à son départ annoncé et que ses réactions avaient été celles normales d'une salariée évincée de ses fonctions et s'inquiétant de la pérennité de son emploi, a pu décider que la seule proposition d'une négociation financière de son éventuel licenciement n'était pas fautive ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a relevé que l'employeur ne produisait pas les documents de l'entreprise que la salariée avait reconnu avoir adressé par courrier électronique à une tierce personne, a pu décider que l'affirmation de la salariée, selon laquelle ces documents étaient destinés uniquement à sa défense et ne contenaient aucune information à même d'être utilisée contre l'entreprise, ne pouvait être mise en doute ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;