Nullité de la clause de mobilité intra groupe

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Nullité de la clause de mobilité intra groupe


Un salarié ne peut accepter par avance un changement d’employeur.

C'est ce que l'on peut retenir d'un recent arrêt du 23 septembre 2009.

 Il est une pratique fréquente dans les groupes de sociétés, celle de prévoir dans les contrats de travail de certains cadres une clause dite de « mobilité », par laquelle le salarié accepte par avance toute mutation dans une autre société du groupe.

La Haute juridiction rejette de ce type de clause, dans un arrêt du 23 septembre 2009, au motif qu’un salarié ne peut accepter par avance un changement d’employeur.

Dans cette affaire, un salarié signe, à l’occasion d’une promotion, un avenant à son contrat de travail comportant l’adjonction d’une clause de mobilité, ainsi rédigée : « Article 5. Mobilité entre les différentes sociétés de RFA : Monsieur J. L. B. pourra être amené à exercer ses fonctions dans toute autre société RFA. La mise en œuvre de la présente clause donnera lieu à la rédaction d’un nouveau contrat de travail auprès de la société d’accueil. Il conservera par ailleurs l’ancienneté acquise dans le cadre du présent contrat. Dans cette hypothèse, les conditions de mobilité en vigueur au jour de la décision s’appliqueront ».


Quelque temps après, le salarié refuse une mutation dans une autre société du groupe en application de la clause. Il est licencié pour ce motif.
La Cour d’appel de Caen juge le licenciement fondé, estimant que le changement d’affectation est conforme à la clause de mobilité régulièrement insérée dans son contrat et que la filiale de Strasbourg (lieu d’affectation) existait lors de la signature de l’avenant. Il ne s’agit en somme pour les juges d’appel que d’un changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation, pour violation de la loi. Visant l’article L. 1222-1 du Code du travail, aux termes duquel le contrat de travail est exécuté de bonne foi, la chambre sociale décide « qu’un salarié ne peut accepter par avance un changement d’employeur ».
L’on savait de longue date que le changement d’employeur, qui constitue une novation du contrat, ne peut s’opérer sans l’accord exprès du salarié ; cet accord doit en outre être donné lors du changement.

Ainsi, la clause de mobilité par laquelle le salarié lié par contrat de travail à une société s’est engagé à accepter toute mutation dans une autre société, alors même que cette société appartiendrait au même groupe ou à la même unité économique et sociale, est nulle

 Toute mobilité entre sociétés d’un même groupe doit dorénavant être proposée au salarié le moment venu, lequel sera en droit de la refuser.

 EN SAVOIR PLUS: http://avocat-jalain.fr

Cass. soc., 23 septembre 2009, n°07-44.200

"LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en 1999 par la société Renault France automobile aux droits de laquelle se trouve la société Réagroup, pour exercer des fonctions de responsable service marketing auprès de l'établissement de Caen devenu société Renault France automobiles Val de Seine ; qu'il a signé avec cette dernière société, en janvier 2004, un avenant à son contrat de travail par lequel il acceptait une promotion et l'adjonction d'une clause de mobilité stipulant que le salarié pourrait être amené à exercer ses fonctions dans toute autre société de Renault France automobile et que la mise en oeuvre de cette clause donnerait lieu à rédaction d'un nouveau contrat de travail auprès de la société d'accueil ; qu'ayant refusé une mutation qui lui était annoncée dans une autre société du groupe, M. X... a été convoqué à un entretien préalable au licenciement par la Reagroup France ouest, puis licencié pour non respect de la clause de mobilité par lettre du 3 janvier 2006 signée du directeur des ressources humaines de la société Reagroup ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que son licenciement n'était pas entaché de nullité alors, selon le moyen, que :

1°/ si le directeur des ressources humaines d'une société mère peut recevoir mandat verbal de mettre en oeuvre une procédure de licenciement concernant le salarié d'une filiale, la mesure de licenciement ne peut être notifiée que par l'employeur lui même, à savoir par ladite filiale et non par la société mère de celle ci ; qu'en décidant le contraire en l'espèce, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 122 14 et L. 122 14 1 du code du travail ;

2°/ l'existence d'une unité économique et sociale ne suffit pas à caractériser la qualité d'employeur de chacune des entreprises qui en fait partie; de sorte qu'en déduisant la qualité d'employeur de la société Reagroup, aux côtés de la société Reagroup France ouest, de la seule existence d'une unité économique et sociale les réunissant, sans caractériser l'existence d'un lien de subordination entre la société Reagroup et M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ensemble l'article L. 412 11 du code du travail ;

Mais attendu que le directeur des ressources humaines de la société mère, qui n'est pas une personne étrangère aux filiales, peut recevoir mandat pour procéder à l'entretien préalable et au licenciement d'un salarié employé par ces filiales, sans qu'il soit nécessaire que la délégation de pouvoir soit donnée par écrit ; que la cour d'appel, qui a constaté que la lettre de licenciement avait été notifiée par le directeur des ressources humaines de la société mère, laquelle était étroitement associée à la gestion de la carrière des salariés cadres de ses filiales, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, ensuite, que la cour d'appel n'a pas fondé sa décision sur la seule existence d'une unité économique et sociale ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait, en sa seconde branche, n'est pas fondé pour sur le surplus ;

Mais sur le moyen soulevé d'office après avis envoyé aux parties :

Vu l'article L. 1222 1 du code du travail ;

Attendu qu'un salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse l'arrêt retient que l'avenant du 2 mars 2004 au contrat de travail de l'intéressé contient une clause de mobilité dans l'ensemble des filiales du groupe de sorte que la mutation du salarié dans une autre filiale constituait un simple changement des conditions de travail entrant dans le pouvoir de direction de l'employeur que le salarié ne pouvait refuser sans méconnaître ses engagements contractuels ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause de mobilité par laquelle le salarié lié par contrat de travail à une société s'est engagé à accepter toute mutation dans une autre société, alors même que cette société appartiendrait au même groupe ou à la même unité économique et sociale, est nulle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Casse et annule mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 29 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Reagroup aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Reagroup à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a décidé que le licenciement de Monsieur X... n'était pas entaché de nullité ;

AUX MOTIFS QUE motif tiré de ce que son licenciement ne lui aurait pas été notifié par son employeur, lequel alors aurait été la société REAGROUP France Ouest, Monsieur X... demande à entendre déclarer nul et de nul effet celui-ci ; que la lettre de licenciement, datée du 3 janvier 2006, émane de la direction des ressources humaines de la société mère REAGROUP et est signé par Monsieur Alain A..., le DRH, lequel (cf. supra) était le signataire de l'avenant en date du 2 janvier 2004 au contrat de travail de l'intéresse ; outre que le DRH d'une société mère est habilité, dès lors qu'il a reçu mandat à cette fin, lequel peut n'être que verbal, à procéder au licenciement d'un salarié employé par une filiale, il vient d'être démontré que la société mère partageait avec sa filiale, réunis qu'elles étaient au sein d'une unité économique et sociale, la qualité d'employeur ;

ALORS QUE, premièrement, si le directeur des ressources humaines d'une société mère peut recevoir mandat verbal de mettre en oeuvre une procédure de licenciement concernant le salarié d'une filiale, la mesure de licenciement ne peut être notifiée que par l'employeur lui-même, à savoir par ladite filiale et non par la société mère de celle-ci ; qu'en décidant le contraire en l'espèce, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 122-14 et L. 122-14-1 du code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, l'existence d'une unité économique et sociale ne suffit pas à caractériser la qualité d'employeur de chacune des entreprises qui en fait partie ; de sorte qu'en déduisant la qualité d'employeur de la société REAGROUP, aux côtés de la société REAGROUP FRANCE OUEST, de la seule existence d'une unité économique et sociale les réunissant, sans caractériser l'existence d'un lien de subordination entre la société REAGROUP et Monsieur X..., la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ensemble de l'article L. 412-11 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a décidé que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, le déboutant de l'ensemble de ses demandes ;


AUX MOTIFS QUE le licenciement de Monsieur X... est motivé par son refus d'accepter son affectation sur le poste de responsable marketing au sein de l'établissement de STRASBOURG de la société alors que ce changement d'affectation était conforme à la clause de mobilité géographique régulièrement insérée à son contrat ; qu'est en effet insérée à l'avenant, en date du 2 janvier 2004, au contrat de travail de Monsieur X... la clause suivante : « Article 5 -Mobilité entre les différentes sociétés de RFA : Monsieur Jean-Luc X... pourra être amené à exercer ses fonctions dans toute autre société RFA. La mise en oeuvre de la présente clause donnera lieu à la rédaction d'un nouveau contrat de travail auprès de la société d'accueil. Il conservera par ailleurs l'ancienneté acquise dans le cadre du présent contrat. Dans cette hypothèse, les conditions de mobilité en vigueur au jour de la décision s'appliqueront » ; qu'il est constant, à la lire, que cette clause ne renferme aucune exclusive d'ordre géographique et que, en vertu de celle-ci, Monsieur X... pouvait être amené à exercer ses fonctions dans l'une quelconque des 14 filiales régionales que comptait la société mère RFA. ; Outre qu'il ne soutient pas le contraire, l'établissement de STRASBOURG, dépendant de la société RFA Est, existait lorsqu'il a accepté, en signant son avenant, cette clause de mobilité ; qu'il ne conteste du reste pas qu'une clause de mobilité s'imposait à lui mais soutient que sa mise en oeuvre potentielle était limitée au secteur géographique couvert par la société RFA Val de Seine ou, à présent, à celui couvert par la société REAGROUP France Ouest, c'est-à-dire aux établissement du HAVRE, de ROUEN, de SAINT QUENTIN EN YVELINE, de VERSAILLES et de MANTES LA JOLIE ;
que la formulation d'une telle exigence est révélatrice de la confusion qu'il opère entre l'article 5 de l'avenant (cf. supra) et l'article 4 ainsi libellé : « Monsieur Jean-Luc X... pourra être amené à exercer ses fonctions dans tout autre établissement de la société RFA VAL DE SEINE SAS, le pôle sur lequel cette dernière exerce ses activité étant considéré par les parties comme constitutif d'un unique bassin d'emploi ; que dans cette hypothèse, le changement d'affectation donnera lieu à une décision de mutation dans les conditions en vigueur dans l'entreprise » ; que la mutation à STRASBOURG de Monsieur X..., si elle n'était pas possible en application de ce dernier article, rentrait par contre bien dans les prévisions de la clause de mobilité au sein de RFA prévue à l'article 5 de l'avenant ; que le principe même de cette mobilité, y compris dans la zone géographique étendue à la France entière, n'a par ailleurs jamais, jusqu'à son refus qui sera la cause de son licenciement, été contesté par Monsieur X... ; que cette question était en effet régulièrement abordée lors de ses entretiens annuels et individuels avec sa hiérarchie, entretiens dont l'une des finalités est d'envisager les perspectives d'évolution professionnelle du salarié ; que c'est le 7 novembre 2005 que le salarié a été officiellement informé de sa future affectation, le 1er janvier 2006, à STRASBOURG où il était prévu qu'il occupât un poste de même nature, quant aux fonctions exercées, que celui qu'il occupait à CAEN ; qu'il n'a cependant pas contesté, comme le soutient la société REAGROUP dans ses écritures, que l'établissement de STRASBOURG est plus important que celui de CAEN, ce qui était de nature à favoriser sa future possible évolution vers un poste de chef de vente répondant à ses voeux exprimés le 10 décembre 2004, soit onze mois seulement auparavant ; que de surcroît, cette mutation était accompagnée de nombreux avantages financiers, tant en termes de salaire, qu'en termes d'aide au logement, ce dont il est justifié au moyen de la note de service l'informant de celle-ci ; que, compte tenu de l'existence d'une clause de mobilité insérée au contrat de travail de Monsieur X..., clause en application de laquelle sa mutation à STRASBOURG était envisageable, une telle mutation constituait un simple changement de ses conditions de travail et non pas une modification de son contrat lui-même ; que sa mise en oeuvre éventuelle relevait donc du pouvoir de direction de l'employeur ; que Monsieur X... ne pouvait, le cas échéant, s'opposer à celle-ci qu'en invoquant un abus de droit commis en l'occasion par son employeur ou en démontrant qu'elle n'était pas dictée par l'intérêt de l'entreprise ; que celui-ci ne se prévaut pas même de l'une ou l'autre de ces hypothèses ; que son refus est donc constitutif, ainsi que l'énonce la lettre de licenciement, d'un non respect de ses engagements contractuels que rien ne légitimait et il constitue donc une cause réelle et sérieuse à son licenciement décidé par son employeur ;

ALORS QUE, premièrement, une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application, ne pouvant conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée ; de sorte qu'en décidant que la clause de mobilité contenue dans l'article 5 de l'avenant du 2 janvier 2004 était licite et s'imposait à Monsieur X..., tout en constatant qu'elle ne renfermait aucune exclusive d'ordre géographique et donc qu'elle ne comportait pas de définition précise de zone géographique, pouvant s'appliquer y compris dans la zone géographique étendue à la France entière, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1134 du Code civil, L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, Monsieur X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 7 et 8, notamment alinéa 4), que la clause de mobilité contenue dans l'article 5 de l'avenant en date du 2 janvier 2004, aux termes duquel il pouvait être « amené à exercer ses fonctions dans toute autre société RFA » était illicite dans la mesure où aucune délimitation de la zone géographique d'application n'avait été prévue ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen tout à fait pertinent, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant, de ce fait, les dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile.

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