En vertu de l'article L. 1233-45 du Code du travail, le salarié qui manifeste sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche durant un an à compter de la rupture de son contrat pour un motif économique, doit se voir proposer par son ancien employeur tous les postes disponibles quand bien même ces postes auraient été refusés par le salarié auparavant dans le cadre de l'obligation de reclassement.
La priorité de réembauche peut être considérée comme le prolongement de l'obligation de reclassement du salarié licencié pour motif économique.
Ainsi l'employeur ne doit pas préjuger du refus du salarié au motif qu'il a déjà refusé ce poste lors des propositions de reclassement émises par l'employeur avant d'être contraint de licencier le salarié pour motif économique.
Comme pour l'obligation de reclassement, le salarié peut changer d'avis en cours de procédure. Les juges entendent donc préserver son droit à rétractation et ce, peu importe que l'employeur soit de bonne ou mauvaise foi.
La Cour de cassation confirme la sanction appliquée par la Cour d'appel à savoir le versement de dommages et intérêts (deux mois de salaire en l'espèce).
Maître JALAIN - Avocat en droit du travail au Barreau de Bordeaux
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Cass. soc. 21 mai 2014, n°12-29508
"LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 octobre 2012), que Mme X..., épouse Y..., a été engagée le 1er octobre 2000 par la société Xella Thermopierre en qualité d'assistante commerciale à temps complet ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de sa filiale chargée de commercialiser ses produits en Italie, la société a créé un service interne qu'elle a confié à la salariée nommée responsable du secteur des ventes des produits pour l'Italie jusqu'en septembre 2007 ; qu'à la suite de congés maternité, elle a travaillé à temps partiel pour exercer en dernier lieu à mi-temps les fonctions d'assistante commerciale Italie ; que décidant de transférer son service des ventes en Italie à compter de 2010, la société a proposé à la salariée une modification de son contrat de travail qu'elle a refusée ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 27 janvier 2010 et a demandé à bénéficier de la priorité de réembauche le 9 février 2010 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes à la salariée au titre de la rupture, alors, selon le moyen :
1°/ que satisfait aux exigences de motivation la lettre de licenciement pour motif économique qui invoque une réorganisation de l'entreprise ; qu'il revient aux juges du fond de vérifier, lorsque cette entreprise appartient à un groupe, si cette réorganisation est nécessaire pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt que la lettre de licenciement du 27 janvier 2010 invoquait une réorganisation, consistant à transférer en Italie l'ensemble de l'activité support à la vente en Italie, nécessaire pour sauvegarder « la compétitivité de l'entreprise » Xella ; qu'en jugeant que cette lettre n'énonçait pas de motif économique au prétexte erroné et inopérant qu'elle ne faisait pas état d'une menace sur la compétitivité de l'entreprise et que la sauvegarde de la compétitivité ne concernait que la société Xella et non celle des sociétés du groupe appartenant au même secteur d'activité, lorsque la lettre de licenciement faisant état d'une réorganisation de l'entreprise était suffisamment motivée et qu'il revenait à la cour d'appel de vérifier si celle-ci était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont relevait l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits versés aux débats ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 27 janvier 2010 invoquait une réorganisation de l'entreprise nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité et ayant entraîné une modification du contrat de travail refusée par la salariée ; qu'en énonçant que la lettre de licenciement ne comportait pas l'énonciation de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ni des incidences que cela entraînait sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, la cour qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause, ensemble les articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail ;
3°/ que la réorganisation de l'entreprise, nécessaire pour préserver sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, ne suppose pas que l'entreprise ou le groupe connaisse des difficultés économiques à la date des licenciements mais seulement qu'elle doive prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la lettre de licenciement invoquait une réorganisation de l'entreprise nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité ; qu'en jugeant ce motif économique non démontré aux prétextes que les pièces versées aux débats ne faisaient état d'aucune difficulté économique, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;
4°/ que l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité doit s'apprécier au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise qui licencie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la sauvegarde de la compétitivité devait s'apprécier au niveau des sociétés du groupe appartenant au même secteur d'activité que celui de la société Xella ; qu'en jugeant néanmoins le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au prétexte que n'était pas démontré l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise Xella à l'origine de sa réorganisation, lorsqu'il lui appartenait de vérifier, comme elle y était invitée, si la réorganisation de l'entreprise était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont relevait l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
5°/ que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques en mettant à profit une situation financière saine pour adapter ses structures à l'évolution du marché dans de meilleures conditions ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement invoquait une réorganisation, consistant à transférer en Italie, auprès de la société Xella Italia, l'ensemble de l'activité support à la vente en Italie, afin de sauvegarder sa compétitivité ; que l'arrêt a constaté que l'employeur justifiait cette réorganisation auprès du comité central d'entreprise par la progression constante du marché italien impliquant une réorganisation du service client, et par « une croissance soutenue de Xella Italia, qui nécessite un regroupement des équipes commerciales et support en un même lieu afin de répondre plus rapidement et efficacement aux demandes des clients ¿ cette nouvelle organisation permettra à Xella Italia d'être plus proche du marché, plus réactive et d'atteindre son objectif de croissance horizon 2012 » ; qu'en se bornant à relever que l'employeur ne faisait état d'aucune difficulté économique, sans se prononcer sur l'existence d'une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel la salariée appartenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par les trois premières branches du moyen, la cour d'appel, appréciant le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement au niveau du secteur d'activité du groupe dont relevait l'entreprise, a retenu, au vu des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la modification du contrat de travail de la salariée n'était justifiée que par des raisons de réorganisation interne à l'entreprise s'expliquant par la constante progression du marché italien qui nécessitait un regroupement des équipes commerciales en un même lieu afin de répondre plus efficacement aux demandes des clients et non par une menace pesant sur la compétitivité ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer des dommages-intérêts au titre de la violation de la priorité de réembauche, alors, selon le moyen, que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir proposé à la salariée, au titre de la priorité de réembauchage, le poste qu'elle avait déjà refusé précédemment dans le cadre de l'obligation de reclassement, sans rechercher, comme elle y était invitée par l'employeur, si la salariée n'était pas de mauvaise foi dès lors qu'elle n'avait pu pâtir de ne pas s'être vu proposer un poste qu'elle n'avait pas souhaité occuper, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'employeur est tenu de proposer au salarié licencié pour motif économique qui a demandé à bénéficier de la priorité de réembauche tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification, peu important que le salarié ait précédemment refusé un poste ;
Et attendu qu'ayant constaté que la salariée avait manifesté sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche et que l'employeur s'était abstenu de lui proposer le poste d'assistante marketing qui s'était libéré, la cour d'appel a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors, selon le moyen, que les jugements doivent être motivés ; que dans ses conclusions d'appel, la société Xella faisait valoir, avec offres de preuves, qu'à son retour de congé de maternité, Mme Y... avait sollicité une reprise de son travail à mi-temps dans le cadre d'un congé parental et le regroupement de ses heures de travail sur deux jours et demi par semaine, que son poste antérieur ne pouvant être occupé à mi-temps seulement, l'employeur lui avait proposé un poste d'assistante commerciale Italie à mi-temps avec regroupement de ses horaires conformément à son souhait, poste que la salariée avait accepté en signant un avenant à son contrat de travail le 24 septembre 2007 ; qu'en jugeant que l'employeur n'aurait pas exécuté loyalement le contrat de travail en ne réintégrant pas Mme Y... à son poste de travail antérieur à son retour de congé de maternité sans répondre au moyen soulevé excluant toute attitude déloyale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par laquelle la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a retenu que l'employeur n'avait pas exécuté loyalement le contrat de travail lors du retour de la salariée de son congé de maternité ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Xella Thermopierre aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Xella Thermopierre à payer à Mme X..., épouse Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille quatorze."