Jusqu’à aujourd’hui, le RSI considère que les dettes sociales sont des dettes personnelles liées à la personne du cotisant. Ainsi selon l’organisme social, celles-ci ne peuvent s’éteindre en cas de liquidation d’une société.
Un arrêt isolé du 19 mars 2013 de la seconde chambre civile de la Cour d’appel de Grenoble n°13/01590 largement commenté à lépoque était venu affirmer que " les cotisations au RSI naissent pour les besoins ou au titre de l’activité professionnelle et que donc elles ne peuvent entrer dans le passif d'un débiteur bénéficiant d'une procédure de surendettement "
L'arrêt de la Cour d’appel de Grenoble s'inscrivait après que la Cour de Cassation ait déjà donné une définition juridique de la "dette professionnelle" dans un arrêt du 8 avril 2004 : « attendu que les dettes professionnelles s’entendent des dettes nées pour les besoins ou au titre d’une activité professionnelle. » (Cass. Civ. 2ème, 8 avril 2004, Bull. N° 190, pourvoi n° 03-04.013) et reprenant déjà une décision plus ancienne (Cass. Civ. 1ère, 31 mars 1992, Bull. N° 107, pourvoi n° 91-04.208.)
Dès lors, on peut penser que la Cour d'Appel de Grenoble a conclu à ce que les dettes dues au RSI soient considérées comme des dettes professionnelles.
Cette qualification professionnelle des dettes dues au RSI a été plusieurs fois confirmée par d’autres juridictions d’appel (CA Caen, 6 février 2014, RG n°13/01466 et CA Rouen, 20 novembre 2014, RG n° 13/04479).
Néanmoins il est vrai que d'autres cours d'appel ont refusé cette qualification de dette professionnelle à l'égard des organismes sociaux.
Si l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble a créé un débat entre les commentateurs sur la possibilité de qualifier de professionnelle des dettes liées aux cotisations sociales dues aux organismes de sécurité sociale, la Cour de Cassation est venu expliquer très récemment que les dettes de cotisations et contributions destinées à assurer la couverture personnelle d’un gérant majoritaire de SARL constituent bien des dettes de nature professionnelle.
En effet, un avis important rendu par la Cour de Cassation n°16007 en date du 8 juillet 2016 affirme que :
« La dette de cotisations et contributions destinées à assurer la couverture personnelle sociale d’un gérant majoritaire de SARL et dont le recouvrement est poursuivi par l’URSSAF est de nature professionnelle, de sorte qu’elle échappe en tant que telle à l’effacement consécutif à la procédure de rétablissement personnel dans le cadre du dispositif de traitement du surendettement des particuliers. »
Rappelons que la procédure de rétablissement personnel peut permettre l’effacement des dettes non professionnelles d’un particulier surendetté par le biais d’une décision de la Commission de surendettement.
Les motifs de la Haute Cour sont les suivants :
« Destinées à pourvoir au financement du système de sécurité sociale, les cotisations et contributions recouvrées par les URSSAF auprès des gérants majoritaires de SARL sont par nature diverses.
Cependant, assises sur le revenu de l’activité professionnelle au sens de l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale et versées au titre d’une activité professionnelle selon la définition donnée par la Cour de cassation (2e Civ., 8 avril 2004, pourvoi n° 03-04.013, Bull. 2004, II, n° 190), ces cotisations et contributions revêtent le caractère de dette professionnelle pour l’application du livre VII du code de la consommation. »
Monsieur le premier avocat général dans ses conclusions soulignait déjà : "Qualifier ces dettes de personnelles reviendrait en définitive à écarter tout lien avec cette activité professionnelle qui en est pourtant le fondement.
Dès lors, c’est bien en raison de son activité au sein de la société que le gérant majoritaire d’une SARL est tenu de s’acquitter de ses cotisations sociales auprès du RSI en contrepartie des prestations attendues."
A l’origine une demande d’avis avait été déposée par le juge du Tribunal d’Instance de Besançon le 28 avril 2016 auprès de la Cour de Cassation en ces termes :
« “Les cotisations de l’URSSAF destinées à assurer la couverture personnelle sociale d’un gérant de SARL, constituent-elles des dettes professionnelles, les excluant de tout effacement, dans le cadre d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge d’un tribunal d’instance, en application de l’article L. 332-5 alinéa 2 du code de la consommation ?”
Si l’objet de la question n’était pas en priorité de qualifier la nature de ces dettes, on comprend bien à la lecture de son avis que la Cour de Cassation exclut ces dettes sociales de la procédure de rétablissement personnel car elle les considère comme professionnelles pour le cadre du Code la Consommation.
Oui mais voila peut-on les considérer comme professionnelles au vu du Code de la Consommation et personnelles quand il s’agit du Code de la Sécurité sociale?
Mais surtout la Cour de Cassation ne va pas plus loin en n’évoquant pas l’hypothèse pourtant très fréquente de la liquidation de la société.
En effet, la liquidation de la société ne doit-elle pas faire éteindre les dettes professionnelles d’une société donc les dettes du gérant majoritaire aux organismes sociaux lorsque le RSI n’a pas déclaré sa créance à la procédure collective, qui plus est lorsqu’on retire le droit à la personne du gérant de faire rentrer ces dettes dans la procédure de rétablissement personnel?
Dans l'affirmative, cela pourrait avoir des conséquences importantes sur bon nombre de mises en demeure et contraintes délivrées aux gérants de SARL par le RSI.
Cependant suite à cet avis important, la Cour de Cassation, si elle était interrogée sur ce point, pourrait préciser à l'avenir que les cotisations sociales sont inhérentes à la personne du cotisant quand bien même elles peuvent avoir une nature professionnelle et que par conséquent le RSI peut toujours venir réclamer ses créances à l'ancien gérant d'une SARL liquidée.
CONCLUSION : En l'état actuel de la jurisprudence, nous ne pouvons pas affirmer que la liquidation d'une SARL ferait éteindre les dettes de cotisations sociales du gérant majoritaire.
Il faudra donc attendre de voir la position des juridictions dans les mois à venir.
Employeurs, travailleurs indépendants, professions libérales, vous avez reçu une mise en demeure, une contrainte URSSAF, RSI, CPAM, l’assistance d’un avocat est très fortement conseillée afin de faire reconnaître vos droits..
Maître Jérémie AHARFI
Avocat au Barreau de Toulouse